"L'enfant et la guerre"

4 minutes de lecture

Hélio était à bout de souffle et il manqua, par conséquent, de tomber à plusieurs reprises sur le sol terreux, les pieds pris dans des racines d'arbres. La forêt lui paraissait de plus en plus dense. Aussi, l'enfant dégaina son couteau de chasse afin de se frayer un chemin dans l'épais mur de fougères se dressant face à lui, tailladant l'air de toutes ses maigres forces.

Le couteau, bien aiguisé et de bonne manufacture, appartenait à son père. Le manche était fait d'un bois exotiques, aux nuances brunes, tandis que le fer de la lame brillait au clair de la lune. Hélio avait réussi à attraper l'objet en sortant de la demeure familiale, au sein la discorde générale entre les flammes et les cris, avant de fuir de son village, situé en proche banlieue de la cité de Pitaxis.

Puis il repensa à ses parents. Ils les avaient abandonnés au milieu du chaos et de la foule, alors que les soldats ennemis tuaient par centaines d'innocents villageois. Ce soir-là, les rues avaient été couvertes d'un voile de sang et d'un millier d'âmes agonisantes. Hélio pria pour que ses parents ne fassent pas partie de ces gens-là. Ils doivent vivre, j'en suis certain, se rassura l'enfant du haut de ses dix ans, Papa dit toujours que les dieux nous protègent si l'on fait le bien.

Il parcourut alors du regard les environs. Les grands arbres dansaient au gré du vent, entraînés dans une lente valse. Leurs branches craquaient de toutes parts et leurs imposants feuillages bruissaient. Des cris d'animaux sauvages résonnaient au lointain, ce qui fit frissonner plus d'une fois Hélio. Finalement, il vit, au travers des fougères, le vide à une dizaine de mètres au-devant. Il avança donc avec prudence sur la roche de la falaise, avant de s'asseoir au sol.

Il était en haut du petit mont de Pitaxis, et ses yeux pouvaient contempler toute la vallée, dont la capitale maintenant assiégée. De grandes fumées noires s'élevaient au-dessus de celle-ci, et de vastes flammes, qui ravageaient le quartier Nord-Ouest, illuminaient cette nuit, comme un soleil en plein ténèbres.

C'était le feu grégeois qui provoquait cela. Tiré depuis les trébuchets situés des centaines de mètres plus loin, les projectiles, en forme de boule remplies de liquide enflammé, s'écrasaient au sol en embrasant presque immédiatement tout l'huile qu'ils contenaient. La létalité du feu grégeois résidait dans le fait qu'il était impossible de l'éteindre par n'importe quel moyen. On ne pouvait qu'attendre que l'entièreté de l'huile se consume.

Le tonnerre des canons et des bombardes, mêlées au tir des trébuchets, rugissaient régulièrement, et les remparts céderaient bientôt. Les armées du Nord pénètreront alors dans la ville, et leurs épées se mêleront à celle des défenseurs, en nombre inférieurs. Les guerriers Nordistes finiront pour sûr victorieux. Le sort du camp adverse avait été effectivement scellé bien avant, et les terres d'Ariège ne seraient plus qu'un autre vassal de la puissante confédération des clans du Nord.

Hélio ne sut pas quoi penser de tout cela. Il était encore jeune pour comprendre les enjeux de l'art militaire. Mais d'après son père, la guerre étant perdue d'avance, il fallait mieux devenir ami avec l'ennemi. Il avait alors collaboré avec l'envahisseur, à plusieurs reprises, leurs fournissant des renseignements sur la région et sa géographie.

Hélio ne savait pas si c'était une bonne chose, son entourage à l'école le lynchait pour cela, mais, après tout, si son père prétendait faire le bien, ce devait-être vrai. Il disait qu'une fois que le pays serait sous le joug de l'envahisseur, lui et sa famille pourront profiter de certains privilèges.

Une nouvelle salve de canon reporta l'attention de l'enfant sur la bataille. L'infanterie Nordiste, en formation linéaire, attendaient patiemment une brèche dans les murs ennemis, les boucliers levés afin de parer la pluie de flèches sifflantes. La cité était entourée d'un vaste corset de pierre, datant du dixième siècle, rendant difficile toute tentative de franchissement, mais pas pour la redoutable armée d'Eratus le valeureux.

Quelques secondes après un nouveau coup de tonnerre, un des murs latéraux défensif s'écroula dans un nuage de poussières brunâtres. Une corne retentit alors au lointain, et le mur de bouclier de l'infanterie se mit à avancer rapidement, s'engouffrant dans la brèche. L'assaut était lancé. Il ne rencontra qu'une faible résistance , le peu de défenseur tentant de vainement faire barrage à la marée humaine de guerrier.

Il suffit alors d'une intense minute de combat durant lesquels les soldats Aeriégeois reculèrent continuellement, avant que les armées du Nord pénètrent dans la ville, débutant leurs pillages et leurs tueries. Des actes communs en temps de guerre, quel que soit le camp. Mais les défenseurs avaient tout de même porté un ultime coup à l'armée venant du Nord, emportant, pour chaque Ariégeois tombé, plus de deux soldats Nordiste aux cieux.

Hélio frissonna. Il allait attendre une nuit, le temps que le calme revienne, avant de partir à la recherche de ses parents, dans les ruines fumantes. Il posa doucement sa tête sur les fougères tailladées, et il ferma les yeux. Toute cette fuite l'avait épuisé, et il avait grandement besoin de repos.

Puis, il s'endormit...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire The tenders Hound ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0