On voit fleurir un nombre conséquent d’aides à l’écriture et de bons conseils sur cette plateforme. Et c’est une bonne chose, ça permet de confronter nos opinions et on ne progresse jamais si bien que par l’échange. J’ai pu constater à quel point on se perfectionne peu seul dans son coin et à quel point la différence est flagrante une fois que l’on partage et discute.

Alors bien sûr, étant donné que j’avais entamé ce petit recueil personnel, j’ai commencé à songer aux bons conseils que je pourrais moi-même offrir. Il me semble que c’est de bonne guerre. Mais voilà, j’ai toujours été un mauvais élève et, à fortiori, un mauvais professeur.

Je connais le schéma narratif, je suis conscient de la construction d’une histoire en actes, les figures de style me sont familières de même que les notions de rythme et de pied… toutefois je déteste m’encombrer de règles et de contraintes. J’ai tendance à rechercher effets et émotions avant tout, au mépris des conventions. Je sais que ces balises existent pour de bonnes raisons, que les âges n’ont pu les forger qu’au moyen de mises à l’épreuve, d’observations, d’ajustements, qu’elles sont le produit d’experts et d’éminences. Je crois simplement que mon mode de fonctionnement s’en accommode mal. Peut-être cela vient-il de mon léger problème avec l’autorité ou peut-être que je dysfonctionne. Quoi qu’il en soit, les mettre au premier rang de mes préoccupations m’entrave plus qu’autre chose. J’ai cependant l’impression d’appliquer certains principes à l’instinct. Je me suis nourri de tant d’histoires que, forcément, j’ai été façonné par elles, et lorsque je me mets à l’ouvrage, elles rejaillissent et me guident dans mes démarches d’équilibrage.

Ceci m’amène peut-être, parfois, à commettre des erreurs. Par exemple, j’aime le détail et la foultitude de personnages. Or, avant de se lancer dans une saga peuplée de dizaines de protagonistes, mieux vaut s’essayer à quelque chose de plus convenu et de moins ambitieux pour commencer, pour faire ses armes. Il faut apprendre à marcher avant de courir, non ? Ma saga, du coup, est peuplée de nombreux personnages dont certains sont peut-être dispensables.

Mais écrire demande tant de temps et d’efforts, et nécessite une telle motivation, que je ne me vois pas « perdre » mon temps à écrire « simple et conventionnel » juste pour le bénéfice de l’exercice. J’ai besoin d’être galvanisé par le récit que j’entreprends, comme je pourrais l’être par une bonne lecture. Je dois croire que je me lance dans l’ouvrage de ma vie.

Tout ça pour dire que, du fait de mon travail plus instinctif que maîtrisé et organisé, le champ de mes bons conseils à donner est restreint à peu de choses, surtout si l’on en retire tout ce qui a déjà été dit ailleurs, par d’autres, qui l’ont en outre sans doute mieux fait que je ne saurais.

Dès lors, j’ai tenté d’analyser un peu mon propre mode de fonctionnement. J’ai essayé de mettre des mots (ça tombe bien, c’est relativement mon domaine) sur les lois tacites qui gouvernent ma plume, sur les ficelles que j’emploie, même inconsciemment. La démarche m’a paru saine, même si éventuellement je suis le seul à en tirer quelque profit.

J’ai remarqué que, évoquant l’exercice d’écriture, notamment à des profanes, j’employais volontiers la métaphore de l’alchimie. Je crois en effet que c’est bel et bien ainsi que je procède, comme un alchimiste, qui disposerait d’une myriade d’ingrédients plus ou moins occultes, plus ou moins enthousiasmants, et en administrerait le dosage en vue de parfaire la solution de ses rêves. Les équilibres sont si subtils, les résultats peuvent être si explosifs ou si insipides, que l’on n’en peut maîtriser les effets de bout en bout. On ne peut qu’expérimenter, progresser, s’inspirer de recettes existantes, tenter, apprendre et réessayer, et espérer que l’alignement de mots choisis, patiemment sélectionnés et ordonnancés, reflétera au mieux la notion, la pensée, l’émotion que l’on désirait si ardemment partager.

Et voilà que je touche au but. À présent que l’objectif est identifié, l’analogie présentée, la voie s’éclaircit et il ne reste qu’à discerner et distinguer ces fameux ingrédients que nous avons à notre disposition.

Ces éléments alchimiques essentiels, je les distingue et les classe de façon tout à fait arbitraire, selon ce qui me semble approprié et l’emploi que j’en ai. Il s’agit donc, plus que d’une provende de conseils, du partage de mes impressions et de mes goûts, et d’un aperçu de mes propres mécaniques créatrices. Mais comme je l’ai évoqué, c’est souvent par le partage que l’on accède au progrès, les idées de l’un débloquant celles de l’autre ou en inspirant de nouvelles. Tout ce que je peux donc espérer, c’est que certains y trouveront un intérêt.

Mon premier ingrédient sera l’idée.

Mon second sera le style.

Mon troisième les personnages.

Mon quatrième le rythme.

Mon cinquième le background.

Mon sixième l’organisation.

Et mon septième la cohérence.

Il va sans dire que ces ingrédients doivent s’accommoder l’un à l’autre et que l’alchimiste est le garant de leur utilisation, de leur dosage et de leur harmonisation. C’est là que réside son art, dans la perception des différents équilibres et dans leur exploitation optimale.

NB : ce petit précis d'alchimie a initialement vu le jour sur Wattpad, mais je me dis qu'il peut éventuellement intéresser quiconque s'intéresse un tant soit peu à l'exercice d'écriture. J'espère qu'il ouvrira des horizons à certains. Et surtout n'hésitez pas à commenter, échanger... c'est comme ça qu'on apprend et je suis moi aussi preneur.