Le Vieillard

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Peu à peu, la vie du vieillard était devenue périodique.

Il se levait tous les jours entre cinq heures et huit heures (lorsqu'il se réveillait très tôt, pas la peine d'essayer de se rendormir ; et très rarement, il dormait jusqu'à presque huit heures). Il ne possédait pas de réveil, sauf son portable caduc qu'il n'était jamais arrivé à maîtriser. Rien ne le poussait, autrement, à commencer la journée à une heure plutôt qu'une autre.

Il se levait, s'habillait, allait dans la cuisine remplir les gamelles des chats, qui miaulaient impatiemment depuis quelques minutes déjà pour qu'il leur ouvre. Le plus souvent, c'étaient ses trois minous, mais ceux-ci étaient de plus en plus fréquemment accompagnés d'un jeune jaune itinérant. Le jaune souffrait de l'hydrocéphalie cérébellaire, qui faisait que ses mouvements ne suivaient pas toujours ses intentions (le vieillard sympathisait) ; mais la maladie ne l'empêchait aucunement de dominer les trois autres.

Une fois les besoins félins satisfaits, le vieillard était libre de s'asseoir prendre un café et une clope, avant la deuxième tournée de miaulements. Remplir à nouveau les gamelles, donner des câlins, brosser le gros noir qui adorait ça. Après, s'il ne faisait ni trop chaud ni pluvieux, il allait biner ou tondre pendant une heure ou deux.

Vers midi, c'était la sieste, qu'il voulait aussi longue que possible. Se réveillant, il était toujours un peu déçu.

Deux fois par semaine, la douche. Une fois par semaine, tremper ses pattes douloureuses pendant une demi-heure. Tous les deux dimanche, changement de lit. Une fois par mois, sortir le vélo-remorque pour faire ses courses, et aussi une fois par mois, cuisiner (un gros plat, qui donnait beaucoup de portions pour le congélateur.) Tous les trois mois, il se tondait les cheveux.

De temps en temps, il sortait faire le tour du lotissement - vingt minutes, pour un trajet qu'il aurait fait en moins de cinq, quelques petites années auparavant. Les rencontres humaines étaient devenues, elles aussi, à peu près mensuelles, et se limitaient à parler du temps qu'il faisait. Il ne se sentait pourtant jamais ni ennuyé ni esseulé, le contact humain ayant été depuis toujours assez problématique.

Vers vingt-trois heures, il retournait à la cuisine, préparait les gamelles pour le lendemain, puis se couchait, lisant un petit chapitre avant d'éteindre. Quand il était chanceux, les souvenirs d'enfance ne fonçaient pas.

Peu à peu, la vie du vieillard était devenue périodique. Sa mort ne serait qu'une autre période.

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