Réveil et conséquences
J’ai rouvert les yeux dans une grande pièce blanche, avec un bip pénible et régulier en fond sonore, la gorge douloureuse et le nez pris, et une irrémédiable envie de me gratter le nez. Sauf que je ne pouvais pas bouger… J’en étais sûr, je me suis fait enfler, je suis un légume… Je grogne, ce qui me rassure, je ne suis pas totalement paralysé, et je grogne encore, jusqu’à ce que deux infirmières débarquent dans la pièce en poussant de grands cris, suivies de près par un médecin. Je peux donc en déduire que je suis à l’hôpital, mais dans quel état ?
Le médecin me fout une lampe torche dans les yeux avant de dire que je réagis normalement, et moi je grogne encore. Est-ce que quelqu’un se rend compte que rien de tout ceci n’est très agréable ?
— Monsieur ? Est-ce que vous m’entendez ?
Je le fixe et je grogne. Il sourit. Il est content.
— Très bien. Faites ce bruit une fois pour dire oui, deux fois pour dire non. Avez-vous compris ?
Je n’ai pas un doctorat, mais j’ai compris, merci. Je grogne.
— Avez-vous mal quelque part ?
Je grogne deux fois. Le médecin ouvre grand la bouche et les yeux avant de se tourner vers les infirmières qui haussent les épaules. Me fixant de nouveau, il reprend.
— Vous sentez-vous à l’aise ?
Je grogne deux fois.
— Souhaiteriez-vous pouvoir parler ? Vous en sentez-vous capable ?
Je grogne une fois. Je commence à avoir l’impression d’être un chien de garde, tandis qu’il se tourne de nouveau vers les infirmières.
— Allez me chercher le matériel et prévenez sa famille.
— Oui docteur.
Se remettant face à moi, il s’assoit sur le bord du lit.
— Vous avez été heurté par un poids lourd. Votre visage et une de vos jambes ont été sérieusement endommagés, et nous avons dû vous opérer en urgence… Nous… Avons fait notre possible, mais nous craignons qu’il y ait des séquelles…
Au moins, je sais pourquoi je ne peux pas parler… Putain, j’espère qu’ils ne m’ont pas coupé la patte… Les infirmières reviennent avec un plateau couvert d’instruments, et le médecin prend une paire de ciseaux tandis que l’une des deux femmes tripote mon poignet.
— Je vais découper les bandes, et l’infirmière va vous détacher… Pendant votre inconscience, vous étiez très agité, et pour votre sécurité nous avons dû agir…
Il coupe la bande et commence à l’enlever tout doucement pendant que l’infirmière détache mon second poignet. Sitôt libre, je me saisis de la bande et l’enlève sans fioriture malgré les suppliques du médecin. Quand j’ai fini, tout le monde me regarde avec surprise, alors que j’arrache la sonde nasale qui me bouche le nez.
— Putain, je respire mieux… Qu’est-ce que vous avez tous à me regarder comme ça ? J’ai un truc sur le visage ?
Le médecin balbutie avant de répondre.
— Non, justement… Vous n’avez rien… Pas la moindre marque du choc ou des sept heures passées au bloc…
— Et je suis resté inconscient combien de temps ?
— Moins de vingt-quatre heures…
Une part de moi se dit soudainement que je n’ai pas déliré quand j’ai parlé avec Elle. Je rabats les draps et observe mes jambes. Un énorme pansement sur mon genou droit, duquel dépasse des drains, me fait dire que c’est cette jambe qui a pris cher… J’arrache les ciseaux des mains du médecin et découpe la bande sans vergogne pour libérer mon articulation, avant de grogner. Les drains ne veulent pas se retirer. En écartant la bande, je comprends pourquoi. La peau a cicatrisé autour.
— Quand vous dites moins de vingt-quatre heures, vous êtes sûr de ne pas oublier un mois ou deux ?
— Sûr et certain, c’est moi qui vous ai opéré… Tout comme vous devriez dormir, vous êtes encore sous sédation…
Je regarde mon bras gauche dans lequel est planté un tube en plastique transparent.
— Ah, c’est ça qui me gêne…
Je l’arrache sans ménagement avant de me concentrer sur les drains. Je suis dur à la peine, mais pour le coup, je ne me sens pas de les arracher. Le médecin devance ma requête et me badigeonne la patte d’un produit froid et théoriquement stérilisant, avant d’approcher un scalpel.
— Je vais devoir inciser pour les libérer…
— Pourquoi ? Sinon vous me comptez le matériel en plus ?
Personne ne rit sauf moi. Mon état les laisse dubitatifs. Le médecin incise et retire un premier drain, puis un second, le troisième et enfin le dernier.
— Je n’ai même pas le temps de recoudre… Comment est-ce possible ?
Dépité que ma dernière blague soit passée inaperçue, je me lance.
— J’ai dû manger trop d’OGM…
Encore un bide, tant pis. Une infirmière vient prévenir que ma famille est là, ils n’avaient même pas encore quitté l’hôpital. Ce n’est pas la nouvelle la plus joyeuse du jour. Pas la pire non plus. Ma mère ne devrait pas essayer de me poignarder ici… Ils entrent alors que je me mets debout, et ma mère me gifle.
— Espèce de petit con ! Tu n’as pas idée de la frayeur que tu m’as faite !
Je lance un regard noir à ma mère.
— Tu veux que je te rappelle pourquoi je suis parti en courant ?
Ce furent les seuls mots que nous échangerons… Le médecin explique la situation à mes parents, son incompréhension totale quant à ma vitesse de rétablissement, tout ça, et fini par insister pour que je passe la nuit en observation. Ça me va, je n’ai pas envie de rentrer. Loin des cons, l’air est pur. Ma famille repart quand la nuit tombe, et je reste seul une demi-heure avant de me décider à aller me laver. Quand je sors de la douche vêtue de la célèbre blouse blanche ouverte dans le dos avec fessier apparent, une infirmière rentre dans la chambre avec un plateau-repas.
— Bonjour. Alors, tu te fais à ton nouvel état ?
Je me souviens avoir bondi comme jamais en me retournant. Elle est là, aussi belle que la veille, dans sa tenue d’infirmière, son sourire radieux aux lèvres. Essayant de fermer ma blouse au décolleté plongeant derrière moi je bégaie.
— C’est… Épatant…
Elle s’avance, pose le plateau sur la table et se rapproche de moi.
— Et encore, ce n’est qu’un petit aperçu de ce dont tu es capable…
La proximité de Son corps me perturbe autant qu’elle m’envoute.
— Ah bon ?
— Oui. Tu vas vite découvrir tout ce que tu peux faire… J’ai rarement donné autant de pouvoirs à quelqu’un…
Elle se colle à moi et m’enlace.
— Tu es bien parti pour être Mon Champion… Avec tous les privilèges qui en découlent…
Elle m’embrasse à pleine bouche, et le contact de Ses lèvres m’électrise, me poussant à l’enlacer avec fougue en retour, quand elle me repousse, me faisant finir le cul sur le lit, accroissant Son sourire.
— Et quand je dis tout, c’est tous…
Bordel de merde ! Mon premier baiser et ma première fois en une journée, et avec La Mort. Est-ce que ça fait de moi un nécrophile ?
— Contrôle ton esprit, et arrête tes questions stupides.
Bordel, Elle peut lire dans mon esprit ! Moi qui espérais une fellation, je n’ose plus y penser.
— Et pourquoi ça ?
Son sourire disparait à ma vue alors qu’elle passa la tête sous ma blouse. Le lendemain matin, je me réveille en La tenant encore dans mes bras.
— Tu as bien dormi, Mon Champion ?
Embrassant l’arrière de ses cheveux je lui réponds.
— À merveille.
— Tu t’inquiètes pour ton avenir ?
— Je ne peux rien Te cacher… Qu’est-ce que je vais devenir ?
Elle se retourne pour me faire face avant de m’expliquer.
— Tu vas présenter le bac. Je ne sais pas si tu l’auras ou pas, mais après tu iras au Centre d’Information et de Recrutement de l’Armée de Terre le plus proche et tu postuleras. Tu vas être engagé, je le sais. Et là, tu travailleras bien plus pour moi que tu ne le penses.
— Je vais être une sorte de tueur à gages ?
— Oui. Mais rassure-toi, je ne demande pas souvent des âmes innocentes. Je préfère rappeler à mes côtés les pourris de tous bords.
Je prends le temps de digérer l’information… Ma vie ne m’appartient plus… Elle me sourit et répond à ma réflexion.
— Si tu t’acquittes de ta dette, elle t’appartiendra de nouveau.
Elle sort des draps et commence à se rhabiller, alors que ses jolies fesses blanches m’envoutent.
— Comment je peux t’appeler ?
Elle se retourne, le torse encore à l’air et visiblement surprise, aussi précise-je.
— On vient de passer la nuit ensemble, tu dis que je serais ton champion… Tu as bien un prénom… Pas La Mort ou La Faucheuse… Un vrai prénom…
Elle semble réfléchir avant de sourire.
— J’aime bien Morrigan !
Je valide en souriant.
— Va pour Morrigan.
Elle se penche en avant et m’embrasse délicatement.
— Je dois partir, j’ai du pain sur la planche. Mais nous nous reverrons bientôt, je te le promets.
Et alors qu’elle sortait de la chambre, je ne prenais toujours pas conscience de la série de mauvais choix que j’avais faits en vingt-quatre heures…
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