Converser avec mère était devenu lassant. En s'éternisant, nous avions fini par atteindre le point de non retour. Alors, pour ne plus l'écouter, je décide de me perdre dans mes pensées. Volontairement cette fois...

Mère s'était soudainement mise en tête. De me marier très prochainement. Force est de se demander comment, nous en étions arrivées là toutes les deux.

Dans un petit coin, assise en tailleur, ma conscience faisait une composition florale : des lys et des iris. Elle contenait à peine un sourire railleur, amusée par les théories du complot qui voltigeaient dans tous les sens dans mon esprit.

_C'est forcément ça ! Elle te déteste. Pire encore, elle est jalouse de toi. Déclara-t-elle en feignant le sérieux. Comme pour appuyer mes réflexions farfelues.

_...

_Aller, fais marcher ton mini "cerveau". Analyse un peu, ça se tient. Poursuivit-elle.

_Qu'aurait-elle à m'envier ? Répondis-je mollement.

_Enfin, la bonne question.

_...

_Tout ! Dit-elle ironiquement. Résumons, une fille libre et jeune, destinée à devenir reine un jour, qui ne pense qu'à parcourir les étoiles et faire ce qu'elle veut ? C'est une menace à son autorité. Elle veut t'enfermer, t'enchaîner avant que tu ne causes plus de problèmes. Une jolie cage dorée avec un dieu ennuyeux et pompeux, c'est chic, non ? La déesse Lune est une petite envieuse. Doublée d'une intriguante qui veut détruire ta vie. Reprit-elle sur le point d'éclater de rire.

Je suis au bout de ma vie et tout ce qu'elle trouve à faire, c'est se payer ma tête. Après 17 années de vie, de célibataire, j'avais pris goût à ma "liberté". M'enchaîner à un époux, passer des éternités à sourire et jouer les souveraines dociles ? 

Epouser le fils de je ne sais quel dieu. À l'égo plus grand qu'une planète et au cœur plus petit qu'un grain de sable. Quelle horreur !

Ils étaient tous comme ça. Tous intéressés par le trône, de mes parents. Voyant en moi, une sorte de passerelle pour accéder à leur désir de grandeur. Limite...

_N'y songe même pas... Trancha ma conscience.

Il n'y avait pas de bouton "OFF" sur ce modèle de conscience? Je finirais bien, un de ces jour par sombrer dans les méandres de la folie. Sortant me promener nue dans toutes les rues du Ciel.

_Artémis* a fait ses propres choix. Puis, admettons une seconde, que ta mère eu fait le même. Je te signale que tu n'existerais pas. Dit ma conscience.

_...

_Quoi que ça n'aurait pas été si mal que ça finalement.

Je grimace.

Artémis, elle, n'a pas cédé. Elle a fait le choix de la chasse et de la liberté, défiant toutes les attentes. Elle court à travers les forêts, sauvage et indomptable, échappant aux chaînes du mariage. J'aurais tellement voulu être aussi intrépide, aussi audacieuse qu'elle...

_Oh, tu te prends pour une rebelle maintenant ? s'amuse ma conscience. Allez, avoue, t'as juste peur d'être enfermée à jamais dans cette cage dorée. Mais souris, tu te maries. Ce n'est pas beau ça ? Poursuivit-elle de son éternel air moqueur.

_Fous moi un peu la paix parfois !

_Désolée de te décevoir, mais c'est impossible. Non, pas que ça me plaise particulièrement d'être avec toi, moi aussi. Mais, je n'y peux absolument rien.

Je ne rêvais pas d'amour. Pourtant, ce serait si beau que quelqu'un m'aime juste le quart de ce que père aime mère. Si je devais me marier, ce serait par choix. Par passion, pas par devoir.

Les dieux ont-ils le droit de rêver?

Chaque décision semble déjà prise pour moi. Mère était obnubilée par cette histoire de mariage. Ma conscience, quant à elle, s'investissait, à me pourrir l'existence ;
Dans le fond je ne sais plus trop à qui je voudrais échapper. Les deux sont des harpies !
En quête d'évasion même momentanée, mon regard se perd à nouveau sur Terre. À la recherche de je ne sais trop quoi.

Artémis* Elle est la sœur jumelle de la déesse Lune ! (Mais, ça c'est une autre histoire, qu'au passage nous découvrirons peut-être au court du récit)
Sinon, c'est tout simplement la version grecque de Diana. Qui autrefois fit vœu de chasteté.