Chapitre 3

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Pour la troisième fois, je racontais mon aventure du jour. Au plus j'en parlais, au plus je craignais pour Ash. C'est fou comme je m'étais attachée à lui en si peu de temps. Juste en le croisant quelques soirs. En même temps, c'était normal après ce qu'il venait de faire pour moi.

Je sentis mon portable vibrer dans ma poche et prétextais une urgence pour faire une pause dans mon récit et aller souffler aux toilettes. À part mes parents, très peu de personnes avaient mon numéro. Encore une des règles de sécurité que nous devions respecter.

« Comment vas-tu ? Bien rentrée ? Ash »

Comment est-ce qu'il avait eu mon numéro celui-là ? J'étais contente mais ça me stressait un peu. S'il m'envoyait un message, c'était qu'il devait être bien rentré. Enfin, j'espérais que ce n'était pas quelqu'un d'autre qui se faisait passer pour lui. Je devais en avoir le cœur net. Au moins, il écrivait correctement. Si c'était mon agresseur, je supposais que j'aurais eu droit à « Toi bien rentré ? ». Je répondis en quatrième vitesse. Je ne devais pas traîner.

« Comment tu as eu mon numéro ? Comment savoir que c'est bien toi ? »

« J'ai mes secrets ! Lol La première fois qu'on s'est rencontré tu avais un pull rouge avec un jean et des Stan Smith. Tu écoutais Bohemian Rhapsody de Queen. J'ai bonne mémoire. »

« Tu te souviens de tout ça ! Je n'ai pas beaucoup de temps, je dois rejoindre mes parents. Comment vas-tu ? Encore sous le choc… Tu n'es pas blessé ? Et surtout : merci de m'avoir sauvée »

J'attendais impatiemment sa réponse. Heureusement, il avait l'air de taper aussi vite que moi !

« Ne t'inquiète pas pour moi, je suis résistant »

Oui enfin il avait quand même été face à une armoire à glace. Je sentais que je ne devais pas parler de ces messages à mes parents. Déjà l'histoire de l'épée, mon père allait paniquer alors le fait qu'il arrive à trouver mon numéro. En même temps, je n'étais pas sûre que le numéro soit le plus flippant des deux… Pourtant je sentais au plus profond de moi que je pouvais lui faire confiance.

Je revins dans le salon pour continuer mon explication. Je m'étais arrêtée au moment où le monstre m'avait coincée. Mes parents avaient surtout pensé que j'avais besoin de reprendre contenance. Je repris donc le fil, en omettant les messages que nous venions d'échanger. Je vis mon père se décomposer au fur et à mesure mon récit. Je ne l'avais jamais vu aussi blanc.

— Préparez les valises, nous repartons, fût tout ce qu'il dit.

— Chéri ! Nous venons à peine d'arriver ! Nous ne pouvons pas repartir pour l'instant et tu le sais aussi bien que moi, contra ma mère.

— Elle a failli se faire enlever ! cria mon père.

Je sursautais presque jusqu'au plafond. Je ne l'avais que très rarement vu dire un mot plus haut que l'autre, alors il y avait de quoi être surpris. Je fixais sur lui mes yeux étonnés.

— Je ne veux pas vous perdre, murmura-t-il dans un souffle en nous prenant dans ses bras. Tu n'iras nulle part toute seule Elisabeth.

Je hochais la tête, je n'étais de toute façon pas en état ni en position de refuser.

Suite à cela, le reste du mois se déroula normalement. Enfin presque, j'étais toujours sur mes gardes et ma mère m'amenait et me recherchait tous les jours au lycée. Je ne pouvais rien faire d'autre. Justine m'avait proposé de sortir avec elle, mais je n'avais pas eu l'autorisation. Je commençais à tourner en rond mais mes parents ne voulaient rien lâcher.

En plus de ça, je n'avais pas pu revoir Ash depuis l'agression. Je ne pouvais plus le croiser sur la route du lycée. Heureusement qu'il avait mon numéro, même si ce n'était pas pareil.

Mon anniversaire approchait, j'avais hâte, j'allais passer le cap des 16 ans. J'adorais ces moments de fête, j'espérais cette année pouvoir le fêter avec Justine, Ash, et quelques autres du lycée. En général nous le fêtions en famille mais j'avais envie d'autre chose. Malheureusement, ce ne fût pas possible. Évidemment. Malgré mon insistance et les débats houleux s'en étant ensuivi, je ne passais mon anniversaire qu'avec mes parents. J'avais été gâtée : nous allions entamer la conduite accompagnée. J'avais hâte d'y être. Pour autant, c'est avec un pincement au cœur que je pensais à mes amis. Je décelais aussi une lueur de tristesse et d'inquiétude dans les yeux de mes parents. Je sentais le poids du secret sur notre famille. J'allais me coucher en pensant à tous ça et en me torturant l'esprit.

Je fus réveillée en sursaut par un bruit de verre. Que se passait-il ? Mon cœur battait à 1000 à l'heure. Ne me dites pas que c'était à nouveau mon agresseur de l'autre jour !

Il ne fallait pas que je panique. Je réfléchissais à un moyen pour me défendre. Je n'avais toujours pas tout déballé, je n'avais pas grand-chose à portée de main. Je ne pensais pas qu'une attaque de Nours, mon ours en peluche qui ne quittait jamais ma table de chevet, suffirait. Je pris mon courage à deux mains et sortie la tête de sous la couette où je m'étais cachée. Piètre planque quand même. Je voyais flotter dans ma chambre une sphère lumineuse, aussi jaune que le soleil. Je la voyais grossir et se déformer sous mes yeux. Je devais rêver. Je pouvais toujours me pincer pour vérifier. Aïe ! Raté.

J'observais le phénomène en me tassant le plus possible sous ma couette. En même temps, je tentais de me faxer sur le côté, dans le but de me glisser sous mon lit.

La sphère prit petit à petit une forme humanoïde, une silhouette qui acquit progressivement une consistance. Je n'avais toujours pas réussi à me planquer qu'un être de la taille d'un enfant de 10 ans me fixait un sourire aux lèvres. Sourire qui me fit froid dans le dos. Chucky faisait enfant de chœur à côté.

— Tu pensais pouvoir nous échapper encore longtemps traîtresse ? persifla-t-il d'une voie aiguë.

J'ouvris des yeux ronds comme des soucoupes en me redressant sur mon lit. Pour la technique de camouflage, on verrait plus tard. Pourquoi il m'appelait comme ça ? Il devait se tromper de personne celui-là.

Par rapport à celui de l'autre jour, il faisait beaucoup plus classe. Ses habits étaient étranges, j'avais en face de moi un Peter pan du Moyen Âge. Et il semblerait que les épées soient à nouveau à la mode ces temps-ci. Ses doigts étaient plus longs que ceux d'un humain et pourvus de griffes. Ses yeux entièrement noirs et ses lèvres rouge achevaient le tableau.

— Debout on y va !

Ce fût à ce moment-là que j'hurlais. Ce qui le fit exploser d'un rire sadique.

— Égosille-toi comme tu veux, personne ne viendra te sauver. Oh ne t'inquiète pas ! Tes pathétiques humains ne sont pas morts, juste figés. Ils vivront pour pleurer ta perte.

La porte explosa en mille morceaux. C'était la soirée puzzle. Un ange vengeur apparu sur le bord de celle-ci.

— TOI ! s'emporta la créature avant de foncer sur le nouvel arrivant.

Je ne vis plus qu'un tourbillon de lumières et de mouvements avant de sentir des bras m'enserrer.

— Ellie, ça va ?

J'aurais reconnu cette voie comme cette odeur qui m'entourait entre toute. Ash. Les larmes me brûlèrent les yeux.

— Encore toi ? Tu es décidément mon chevalier servant, merci, murmurais-je.

— Tu ne crois pas si bien dire … souffla-t-il en déposant un baiser sur le sommet de ma tête. Viens on descend. Il faut qu'on parle.

En général quand quelqu’un te dit ça, ce n'est jamais de bon augure. La mort dans l'âme, je sortis de mon lit, enfilais mon peignoir et mes chaussures avant de le suivre. Encore une chance que je ne dormais pas nue tient.

Mes parents étaient figés sur le canapé, apparemment ils étaient en pleine discussion avant que ça ne leur arrive.

— Euh il n'y a pas un problème ? Comment on fait pour qu'ils redeviennent normaux ?

— Ah oui, saloperie d'Enkir, grommela-t-il en se passant la main dans les cheveux. On a de la chance que j'ai ce qu'il faut.

— Enkir ? Tu peux m'expliquer s'il te plait ? Parce que c'est bien beau, tu me sauves une première fois, avec une épée sortie d'on ne sait où, tu obtiens un numéro connu par de rares personnes, tu me sauves comme ça une deuxième fois et chez moi en plus ! Ras-le-bol de ces putains de secret ! criais-je.

Au bord de l'hystérie, j'avais haussé la voix au cours de ma tirade.

— Elisabeth ton langage ! me reprit mon père.

Ils étaient vivants ! Je leur sautais dans les bras en pleurant.

— Vous êtes qui vous ? demanda ma mère sur la défensive.

— Asher, je viens de sauver votre fille.

— Oui il y a deux semaines, intervint mon père.

— Euh non papa, il y a 15 minutes, tu peux aller voir l'état de ma chambre…

— Quoi ?!

— Monsieur, madame, je pense qu'il est temps d'avoir une discussion, nous devons partir.

Mes parents baissèrent les yeux, pas plus étonnés que ça et m'invitèrent à m'asseoir à côté d'eux. Mon ventre se tordait, ma gorge se serrait. Il semblait que j'allais enfin savoir ce qu'il se passait depuis ma naissance, et que ça n'allait pas me plaire.

— Nous ne pouvons pas lui… commença ma mère.

— Chérie, elle a 16 ans depuis 20 minutes, nous pouvons et nous devons… la coupa mon père. Comme toi je n'ai pas envie.

Il reprit son souffle avant de continuer.

— Ellie ma chérie, ce que tu vas apprendre ce soir, va changer totalement le cours de ta vie. Sache que plus d'une fois avec ta mère, nous avons voulu tout te dire. Mais c'était impossible. Un sceau nous en empêchait. Nous avons aussi tout tenté pour te soustraire à tout ça, nous n'avons rien trouvé.

— C'était dans tous les cas impossible Monsieur, ça faisait partie du marché.

— Ah vous ! Ne venez pas me reprocher de tout tenter pour sauver ma fille ! l'incendia mon père en pointant son doigt vers lui.

— Je n'ai certainement pas dit ça.

Ma mère restait en retrait. Véritable soutien pour moi, elle me gardait dans ses bras et me communiquait sa chaleur et son amour. J'attendais le parpaing, que dis-je, le mur, qui allait me tomber dessus.

— Ta mère et moi nous sommes rencontrés quand nous avions 16 ans, nous étions déjà inséparables. Dès que nous avons eu 18 ans, nous nous sommes installés ensemble. Très vite, dès l'année d'après, nous avons tout fait pour avoir un enfant. Pendant près de 10 ans nous avons tout testé, les traitements, les FIV, certains traitements expérimentaux… Nous désespérions. Jusqu'au jour où nous avons eu comme une apparition : nous pouvions avoir un enfant mais celui-ci serait l'enfant d'une prophétie destinée à sauver ou à détruire le monde. Et jusqu'à ses 16 ans, nous ne pouvions rien lui dire. Nous avons pesé le pour et le contre et avons décidé d'accepter. C'était notre seule chance, et si ce n'était pas nous, ça aurait été quelqu'un d'autre.

— Mais ce n'est pas tout Ellie… continua ma mère. Dès ta naissance, il se passait des choses bizarres, tes jouets se mettaient en route tout seul, certains nounours flottaient au-dessus de ton berceau. Nous nous inquiétions. Est-ce que nous serions à la hauteur ? Nous ne pouvions pas te guider pour ces pouvoirs qui nous étaient inconnus. Le problème c'était quand tu n'appréciais pas quelqu'un, il lui arrivait plein de catastrophes. C'est là où nous avons pris peur. Nous avons recherché ce qui pouvait brider tes pouvoirs. Nous n'aurions pas dû remuer tout ça avant qu'il ne soit temps mais nous n'avions pas le choix.

— Le problème Ellie, c'est que tes parents ont ainsi alerté la faction adverse, celle qui t'a envoyé les Enkirs. La prophétie qui te concerne a des milliers d'années. Certains ne veulent pas la présence de l'Unificateur mais celle du Destructeur, d'autres encore, pensent qu'il faudrait supprimer le problème a la source. Mais parmi les plus grosses factions, il y a la nôtre. Celle qui pensait qu'il valait mieux te laisser grandir avec ta famille et avec des liens forts. Ceux-ci te permettant de comprendre la beauté des mondes. De l'autre, il y a celle des Enkirs, qui pensaient qu'il fallait te récupérer à tout prix pour te formater à leur souhait, faire de toi une poupée de chiffon, une marionnette.

— Il va me falloir du temps pour avaler tout ça… répondis-je perplexe.

En même temps, vu ce que je venais de voir en quelques jours, je ne pouvais pas me permettre de faire la fine bouche.

Ash ne me laissa pas le temps d'ingurgiter les nouvelles.

— Sauf que du temps nous n'en avons pas. Maintenant que tu as 16 ans, tu dois venir avec moi, nous devons passer dans l'Ether pour rejoindre la cour de mon père et effectuer ton éducation magique.

— Je ne veux pas quitter mes parents.

Mes parents me serrèrent tendrement dans leurs bras avant de me répondre.

— Mon cœur, nous savions que ce moment allait arriver, depuis le début. Nous nous étions préparés. C'est pour ça que nous déménageons à chaque fois, mais l'attrait de ton sang et du pouvoir qu'il contient ne fait qu'augmenter et tu as déjà failli te faire enlever. Ash est ton meilleur espoir…

— Vous étiez peut-être prêt mais pas moi ! Venez avec nous !

— On ne peut jamais être prêt à voir son enfant quitter le nid ma chérie. Nous savons juste que nous n'avons pas le choix.

— Ils ne peuvent pas Elisabeth. Ton essence vient de l'Ether, donc tu peux faire le voyage, pas eux. Mais ne t'inquiète pas, leur protection sera assurée.

— Et pourquoi vous ne pouvez pas faire mon éducation ici ? Combien de temps doit-on partir ?

— Je ne sais pas pour combien de temps on en a. La prophétie n'est pas aussi claire que ce qu'on aimerait. Et les règles qui s'appliquent ne sont pas les mêmes ici que chez nous. Les meilleurs professeurs sont à la cour Lusriven et ta sécurité sera beaucoup plus simple à assurer là-bas qu'ici.

Je baissais les yeux sur le bout de mes pantoufles à pompon. Avais-je vraiment le choix ? Je n'avais pas envie de quitter ma normalité et en même temps ça m'attirait. Je devais le faire, ne serait-ce que si la moitié de ce qu'ils m'avaient raconté été vrai, je devais le faire.

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