Chapitre 13

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Je fus reçue dans le boudoir privé de la reine. Furibond, le roi était, quant à lui, parti de son côté, certainement annuler toutes les festivités. Je détestais être seule avec cette vipère. D'autant plus que son physique ne laissait rien paraître de cette pourriture intérieure. Je me demandais bien d'où venait le ver qui avait fait pourrir la pomme. Quoi que, j'essayais aussitôt de retirer de mon esprit l'image qui y était apparue. C'était trop déstabilisant.

— Bravo pour ce jeu rondement mené.

Voyant qu'elle attendait une réponse, je pris parti de ne pas lui donner ce plaisir. J'attendais qu'elle continue en la fixant. Maintenant que j'avais à peu près compris comme elle fonctionnait, je tenais la Bête près de la surface en cas de besoin. J'avais aussi glissé un petit stylet dans ma manche, prête à m'entailler également. Le combo mortel. Une morsure aurait suffi, mais je ne voulais pas risquer une catastrophe. Mon contrôle était tout juste, pas encore exemplaire.

Elle reprit avec une moue agacée et dédaigneuse.

— Vous n'êtes rien et pourtant vous vous croyez maligne ... Pauvre petite chose, vous vous attaquez à des enjeux qui vous dépasse. Nous vous avons accordé de grandir auprès de vos parents, mais je vois que vous n'avez aucun respect pour notre mansuétude. Vous avez peu être gagné la bataille, mais de gré ou de force, vous finirez sous notre coupe. Alors vous feriez mieux d'adhérer à nos projets pour vous avant qu'il ne soit trop tard.

Elle était complètement folle. La froideur dont elle faisait preuve était glaçante et s'infiltrait dans chacun de mes os. Je venais de me faire une ennemie mortelle.

— Il est absolument hors de question que je me marie contre mon gré et encore moins que je vous obéisse au doigt et à l'œil. Je ne suis rien ? Mais ne suis-je pas censée être votre si attendue « Enfant de Lune » ?

— Oh mais qu'à cela ne tienne. Vous serez uniquement ce qu'on vous dit d'être, petite chose. Vous rallierez tous les peuples mais sous notre coupe évidemment.

La lueur qui passa dans ses yeux me confirma sa folie. Sa mégalomanie faisait peur à voir. Son sourire cruel et sans joie me firent comprendre qu'elle était prête à tout pour arriver à ses fins. Elle s'en foutait royalement — et c'est le cas de le dire — du sort des mondes, elle voulait juste régner sur l'Ether.

Je vis ses mains et sa bouche commencer à s'agiter. D'un mouvement sec, je me piquais le bout de l'index, et brisais sa concentration tout en la bloquant. Je laissais mes yeux devenir rouges et mes ongles commencer leur transformation.

— N'oubliez pas à qui vous parlez sale mégère. Je pourrais vous rayer du paysage en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Ma voix était aussi devenue plus rauque et les mots pas tout à fait ceux que j'aurais pensé sortir. La Bête était plus proche de la surface que ce que je pensais. Pourtant, elle n'essayait pas de prendre le dessus, sachant qu'elle aurait son heure de gloire si le besoin s'en faisait sentir.

— Comment osez-vous ... entama-t-elle avant de se mettre à hoqueter comme un poisson sorti de son bocal, privée d'air par ma Bête.

— LA FERME ! Si je ne suis rien, vous êtes moins que rien. Oubliez toute possibilité de mariage ou alors c'est la guerre que vous déclencherez.

Mes ongles étaient de plus en plus longs, je sentais que j'étais sur le fil du rasoir. La haine viscérale ancrée dans ses yeux laissait présager qu'entre elle et moi, la partie ne faisait que commencer.

Je savais ce qu'il me restait à faire. Je devais fuir le temps de devenir plus forte. Car même si j'avais beaucoup de puissance brute, et une réserve d'Ambus énorme, il me fallait encore du temps pour l'apprivoiser et parvenir au maximum de mes capacités. Mais surtout, je ne devais pas me concentrer que sur l'Ambus, je devais apprendre auprès d'un guerrier. Ash avait commencé à m'apprendre les rudiments à l'époque mais ça ne suffisait pas.

Je relâchai mon emprise avant de lui tourner le dos pour sortir, lui montrant ainsi tout le dédain que j'avais pour elle. Le plus intelligent à faire ? Pas vraiment. Mais foutu pour foutu, je n'allais pas lâcher le morceau.

Je tentais de rester digne en rentrant jusqu'à l'Académie. Shadow aillant ressenti mon trouble, il ne laissa personne venir trop près. Enfin ... Encore moins que d'habitude. Au plus je m'approchais de ma chambre, au plus mes tremblements s'amplifiaient. Je m'effondrais sur mon lit. Submergée par le contrecoup du stress, les larmes se mirent à couler. J'en avais ras le bol de chialer tout le temps. Bon ok, ma vie avait pris un sacré tournant mais quand même. Je tentais de me ressaisir. Le succès était mitigé mais au moins ma résolution était prise. Cette connasse n'aurait pas raison de moi et de ma santé mentale.

Je commençais à préparer mes affaires. Je rassemblais tout sur mon lit en me demandant ce que je prenais. Je n'avais pas grand-chose. Je regardais le sac que j'avais pris de chez mes parents avec nostalgie. Je ne pouvais pas le prendre, car il m'aurait tout de suite rendue identifiable, de toute manière, il n'était pas adapté pour ce que je voulais faire. J'hésitais à en invoquer un mais me souvint que Syrae en avait dans ses placards. Elle ne m'en voudrait pas, je lui laisserais de quoi s'en racheter.

C'est d'ailleurs sur ces pensées qu'elle rentra dans notre chambre. D'un seul regard vers mes affaires rassemblées, elle comprit. Je vis ses yeux briller. Forte de ma nouvelle détermination, je ne craquais pas.

— Tu t'en vas ?

— Je n'ai pas le choix.

— Bien sûr que si ! Nous te protégerons ! Et ils ont accepté ta décision ...

— Syrae. Tu connais tes parents, tu sais bien que ce n'est qu'une façade. La discussion que j'ai eu en privé avec ta mère m'a bien fait prendre conscience qu'ils ne me lâcheraient pas, tant que je ne serais pas sous leur coupe. Ils sont capables de mettre l'Académie à feu et à sang pour m'avoir. Et je ne peux pas vous mettre en danger.

Elle baissa les yeux. Elle cherchait des arguments tout en sachant très bien que j'avais raison. Elle se jeta sur moi pour me serrer contre elle.

— Tu vas me manquer ! Tu nous donneras des nouvelles ? Tu ne dis pas au revoir à Ash ?

— Je dois partir le plus rapidement possible. Grâce à tout ce que vous m'avez apporté je pourrais me défendre contre la plupart des dangers, mais je dois maintenant devenir la meilleure. Je te dirais ce que je peux sans me mettre en danger, on ne sait jamais. Quant à ton frère, il comprendra. Après tout, ce n'est qu'un juste retour des choses.

— Il pourrait venir avec toi ! Ou même moi !

— J'ai besoin de partir seule Sy. C'est de ma destinée qu'il s'agit. Quant à toi, ta place est aux côtés de Klearn. Je sais bien que les nuits que tu ne passes pas ici, tu les passes avec lui. Et pas pour des cours sur le maniement de l'Ambus ... la taquinais-je.

J'eus la joie de la voir rougir. Ils devaient cacher leur relation pour le moment. Ce serait l'excuse parfaite pour annihiler l'école. Même à moi elle en parlait très peu. J'espérais pour eux que leur amour pourrait bientôt éclater au grand jour. Je ne comprenais pas le fondement de cet interdit et ne m'y étais jamais intéressée.

Elle m'aida à empaqueter mes affaires dans ses sacoches, elle ne voulut rien en retour. Après un dernier câlin nous nous séparâmes le cœur lourd. Je contemplais une dernière fois la chambre où j'avais passé ces derniers mois, qui avait vu éclater de nombreux fous rires et une amitié exceptionnelle se construire. Je tournais une nouvelle fois une page de ma vie. Pour la première fois, j'allais me retrouver seule. Et je n'avais pas encore tout à fait 17 ans.

Je pansais et sellais Shadow en vu de cette nouvelle aventure. Je lançais un regard en arrière en m'éloignant de l'Académie et de la cité. Dépitée, je secouais la tête. Comment un endroit aussi magnifique pouvait être aussi pourri de l'intérieur ? Je plaignais ses habitants qui trimaient pour des abrutis finis.

J'avais décidé de m'orienter vers Lusriven. La mer me manquait et j'avais envie de voir à quoi ça ressemblait de ce coté-ci. En plus de ça, la plus grande école d'art guerrier se trouvait à Drygate, de nombreux Maitres guerriers s'y trouvaient pour chercher des Apprentis. Il fallait que j'en trouve un pour m'enseigner, sans pour autant me trahir.

Heureusement, l'une des grandes villes à quelques jours de route avait un portail menant pas loin de ma destination. Arenlone aussi avait ses propres portails mais je ne pouvais pas risquer qu'ils soient surveillés et qu'ainsi ils puissent me tracer.

J'avais demandé à Syrae de modifier la couleur de la robe de Shadow mais les chevaux des Brumes étaient insensibles à la magie de la plupart des Dotés. Et de toute façon, même sans sa robe ébène, un étalon des Brumes sortait forcément du lot. Ils étaient de plus en plus rares sans pour autant être portés disparu. Il faudrait donc faire avec.

Dans un village, n'arrivant pas à les modifier moi-même, je trouvais de la teinture pour cacher mes cheveux et mes sourcils blonds. J'invoquais des lentilles qui me donnaient des yeux verts. Ca n'existait pas ici, mais j'avais quand même réussi à importer quelque chose qui était courant chez moi. Pour la forme de mon visage, je ne pouvais rien y faire, mais j'étais somme toute assez commune pour une humaine.

La porte où j'étais arrivée n'était pas gardée. Je me demandais comment allait se passer la traversée de Shadow mais tout se passa parfaitement bien, comme s'il était un habitué de ce genre de voyage. D'ailleurs, tout se passe trop bien pour que ce fût vrai. J'entendais parfois des rumeurs sur « la promise du Prince Galaeron » qui s'était enfuie. Parfois, j'avais écho de la position des troupes qui étaient à ma recherche, mais c'était tout.

Bien que je restais sur mes gardes, il n'y eût que peu d'accros. C'était sûr que voir une fille se balader seule, ça aurait pu donner des idées à certains. Mais en général, ils ne tentaient pas deux fois de faire quoi que ce soit. Se prendre une boule de feu à quelques centimètres près, souvent sa calme.

Quand j'arrivais de l'autre côté de ce monde, je vis très rapidement que je n'étais pas au même endroit. Rien que l'atmosphère était différente. On sentait une petite brise dans ce ciel d'été. Les paysages étaient plus plats et la végétation plus clairsemée. Je voyais de nombreux marais et me demandais ce qui pouvait bien être cultivé dans ces espaces si particuliers.

En cheminant jusqu'a Drygate, j'eus le plaisir de voir de nombreux cours d'eau. Je prenais parfois le temps de m'installer le long de la berge pour observer le ballet des oiseaux et des poissons.

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