L'Être Taupe
S'il n'est pas de ceux qui voient littéralement le moins bien, il est certainement celui qui sait le mieux s'enterrer. De son nez aiguisé, il flaire sans soucis les conflits. De tout son corps, il parvient à sentir les prémices des tremblements des êtres autour de lui, c'est grâce à cela qu'il parvient toujours à fuir avant l'éruption dévastatrice. Il hait les conflits. Du plus profond de son être aux épaules recourbées vers son ventre. Les yeux en permanence mi-clos, le nez au vent, il s'esquisse toujours en mouvements et mots conciliants. Qui pourrait lui en vouloir ? Le conflit avec autrui étant certainement une chose bien désagréable. En plus de ses sens aiguisés en matière de tremblement, l'être-taupe a appris à ne pas voir. La vision d'un visage se déformant sous la colère ou la contrariété lui est douloureuse. Ses pupilles se sont d'ailleurs sensiblement blanchies à cet aveuglement si souvent forcé. Il est terrifié à l'idée de faire un faux-pas et de recevoir le courroux terrible de son interlocuteur ; il est terrifié à l'idée d'assister à un déferlement de colère tout impuissant qu'il est... Il est terrifié. Oh oui. Alors à la moindre petite secousse nerveuse d'un corps à proximité, il se replie, il ferme les yeux et il fuit. Hop. Hop. Qui pourrait lui en vouloir, n'est-ce pas ? Malheureusement, plus de monde que ce que l'on pourrait penser. S'il s'affaire à être toujours le plus conciliant, à admettre et demander le pardon de torts qu'il n'a pas encore commis, il s'efface. Il s'efface quand d'autres auraient eu besoin de lui, ils s'effacent quand d'autres auraient eu besoin de sa seule présence. Il s'efface dans ses souterrains, dans ses petites caves plongées dans le noir et loin des secousses humaines. Il a si peur, l'être-taupe, même quand il ne devrait pas.
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