Fred-5 (version 0.6)

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Tenant son pull dans la main, je regarde Aline partir au loin, telle une chevalière allant affronter la mort avec la boule au ventre. La pauvre, je n’aimerais pas être à sa place. Tout le monde sait que Max est un abruti fini et qu’il ne comprend rien aux filles, ni même au monde d’ailleurs.

« J’espère que quelqu’un va enregistrer sa débandade et poster le tout sur Facebook, me dit Mathilde en fixant Aline s’engouffrer dans la cuisine où se trouve le prince charmant.

— Arrête. Qu’est-ce que tu dirais si je faisais pareil avec toi et monsieur Gilltot ? »

Son sourire s’évapore et ses yeux deviennent des flèches acerbes.

« Écoute-moi bien, sale con. La dernière fois que t’as essayé un truc de ce genre, tu t’es fait casser la gueule. Tu veux que cela recommence ?

— Oui mais ici, on parle de coucher avec un prof pour réussir, c’est autre chose. Et puis, je n’ai pas que ma parole. ».

Je sors de ma poche la feuille de points de Mathilde que j’ai récupérée au secrétariat et je la lui tends. Elle la regarde, se demandant comment j’ai pu obtenir un document pareil, puis me menace de nouveau.

« Cela ne prouve rien. Tu crois quoi ? Que je vais avoir zéro parce qu’un idiot va venir avec un papier chiffonné ?

— Non, bien sûr ! Mais je pense que c’est assez pour que quelqu’un quelque part dans l’école aille vérifier dans le système tes points et ta copie. Sans parler des caméras de sécurité, des allers-retours, etc. J’espère que vous avez tout prévu, toi et ton… comment doit-on l’appeler, au fait ? Amant ? Non. Les amants restent entre eux plus longtemps que vingt minutes.

— Qu’est-ce que tu veux ? Si tu crois que je vais coucher avec toi parce que tu me présentes un papier, tu ne sais pas dans quoi tu t’engages.

— Ton corps ne m’intéresse pas.

— Tant mieux. »

Mais après réflexion, son visage devient dubitatif, comme si c’est la première fois qu’elle entend cette phrase ; cela doit lui faire un choc.

« Comment ça ? Mon corps ne t’intéresse pas. T’es devenu gay ?

— -_- ! Quoi ? Mais non, pauvre conne. J’ai besoin d’un truc plus important qu’un coup d’un soir.

— ?!?

— Je veux que l’école me délivre une lettre de recommandation d’accès à une bourse universitaire, et pour cela, j’ai besoin qu’un prof l’écrive et la fasse approuver par le comité décisionnel de l’école.

— Et qu’est-ce que cela a à voir avec moi ?

— T’es bête ou quoi ? Monsieur Gilltot peut proposer quelqu’un, et je sais de source sûre qu’ils ne sont pas très regardants aux dossiers. Il faut donc simplement que tu le “persuades” de me présenter, avec les mêmes talents que tu l’as persuadé de te faire réussir. Ça ne doit pas être compliqué pour toi. »

Silence.

Nous regardons de loin Aline se prendre un râteau par le sans-cerveau. Il fait même signe de la main à Mathilde qui lui répond.

« Et qui me dit qu’une fois que tu auras la lettre, tu ne m’emmerderas plus ?

— J’ai une lettre contre toi, t’auras une lettre contre moi. Si tout se passe bien, dans quelques semaines, on ne se voit plus jamais et on sera tous les deux heureux. »

Aline revient avec un air dépité, au bord du suicide.

« Sois gentille avec elle », glissai-je à Mathilde. Et c’est ce qu’elle fait, si bien que cela me surprend même un peu. Ce n’est pas suffisant pour redonner le sourire à Aline mais c’est déjà un bon début.

À la fin de la conversation, Mathilde s’étire les bras, nous tourne le dos et nous lance :

« Bon ! Je vous laisse, je vais “jouer” les salopes comme tu disais. Oh ! Et Fred, je vais réfléchir à ta proposition. On en reparle lundi. »

Une fois seul avec Aline, je ne sais pas quoi dire. Je lui pose la main sur l’épaule et lui demande si ça va.

Elle me répond à moitié. De plus, elle refuse de retourner chez elle. Au lieu de cela, elle me regarde dans les yeux et me lance l’une des plus belles phrases que j’aie jamais entendues de ma vie.

« Je veux me bourrer la gueule et être défoncée.

— Mmm, OK. »

La soirée avance et il est maintenant un peu plus de minuit.

C’est en voyant Aline danser au milieu de la rue que je me dis que j’y suis allé peut-être un peu fort en réalisant son désir de boire et de fumée. Un seul shoot de vodka aurait été suffisant plutôt que la bouteille entière.

Elle enlève de nouveau une couche et joue à remonter ses seins pour imiter Mathilde. Ça lui réussirait si elle ne bavait ni ne titubait.

C’est alors qu’Haha vient me demander des infos sur Sean, et par sympathie, je lui dis ce que je sais. J’ai du mal à savoir s’ils sont encore ensemble ou non, et la conversation aurait été plus longue si Aline n’avait pas eu la sotte idée de vouloir à tout prix aller à l’aquarium. En temps normal, moi aussi j’aime y aller, mais pur sur pur plus les shoots, mes neurones sains manquent déjà à l’appel. Je devrais passer mon tour, mais qui va la surveiller ?

Je me suis fait une petite place dans un coin au milieu de jeunes parmi lesquels je reconnais certains clients occasionnels. Aline, elle qui d’ordinaire est timide, ne connait plus aucune limite. Elle bouge, elle danse et se tortille dans tous les sens au milieu des regards subjugués. Cela en échauffe même certains, et je suis obligé de les remettre à leur place.

« Comment tu t’appelles ? demande l’un d’eux.

— Ça Seu Voit Poooo ? Je suis MAaaaaaTHILDE, dit-elle en rentrant son ventre. Tu VeX Que Je l’EcriVe SuR TA Bite.

— -_- ? Bon, je pense qu’on a assez passé de temps ici, dis-je. Allez ! viens. On va voir autre part. »

Mais Aline me fait non de la tête.

« Je Sus Ben Ici…

— Oui mais il y a d’autres endroits aussi. Tu ne vas pas passer toute la soirée enfermée à l’intérieur ? »

Je me lève avec difficulté, quand un des gamins crie :

« J’AI UN BIC. »

Silence.

Je fais les grands yeux et regarde Aline… qui a un regard de vache myope ! Dans la pièce, personne n’ose piper mot. Et après des secondes qui semblent être une éternité, je comprends que l’audience est trop timide pour se défroquer devant une fille. Oufff, je respire…

« OK, ViENs M’éCriRE MoN noM suRRR mEsS NiCHonSS ! »

-_- ! Mais qu’est-ce que j’ai engendré comme monstre ?

Les gamins se précipitent, enjoués ; chacun y va d’une ou deux lettres jusqu’à ce que mon tour arrive. Aline, gorge déployée, me tend le stiff. Je refuse et lui demande de se calmer un peu car elle risque de regretter tout cela demain.

« Ow, Rabat Joie. ALleZ Freeeddd ». Elle me prend ma main, y insère le stylo et écrit difficilement le E de Mathilde.

« Aline, arrête !

— Non, à partir de maintenant, c’est Maaaatttthiillddee… Me dis pas que tu ne veux pas de la jolie Mathilde.

— Pas vraiment, non. Je préfère Aline, dis-je sans réfléchir. Heureusement pour toi que cela part avec du savon et de l’eau. »

Elle me regarde silencieusement.

« Ow ouiiiii. L’eau…, la piscine ! »

Ni moi ni personne d’autre n’avons le temps de l’arrêter. Elle court dehors et, manquant de se casser la figure, enlève sa jupe, ses chaussures et ses chaussettes pour enfin se jeter à la flotte devant tout le monde.

Quand je sors, il est déjà trop tard. Tous les regards sont braqués sur cette demi-folle qui serait à la limite de se noyer si d’autres nageurs n’étaient pas venus l’aider.

Lalye s’approche d’Aline écroulée sur le côté. Je le sens mal et hésite à intervenir directement.

« Qu’est-ce qui se passe ici ? Qu’est-ce que t’a encore fait, le Freak ? » me dit Mathilde qui déboule elle-aussi.

« Euh… Je pense qu’Aline s’est laissée aller.

— Pourquoi elle a mon nom écrit sur ses seins ?

— C’est compliqué. Le râteau qu’elle s’est pris avec Max est mal passée. »

Mathilde me fixe.

« Ça va, t’es autant responsable que moi, lui répondis-je.

— Va te…!!!. Faut que tu la ramènes chez elle avant que Lalye ne lui mette un contrat sur la tête.

— T’inqui… »

Mais je n’ai pas le temps de terminer ma phrase qu’Aline, remise debout par Lalye, lui gerbe dessus.

Grand silence dans l’assemblée. On dirait que même les baffles se sont arrêtés l’espace d’un instant. Puis les murmures se font entendre : des « Mon dieu », des « Ouaws ». Lalye est rabaissée en plein direct et cela ne sent pas bon pour Aline qui s’essuie la bouche avec son bras. Elle arrive juste à dire un mot ressemblant vaguement à un « Pardon » mais Lalye, écoeurée et humiliée devant tous ceux qui ont sorti leur GSM pour filmer, se tait, au bord des larmes. Elle tourne le dos et, faisant semblant de garder sa fierté, se replie à l’intérieur de sa maison.

Mathilde me lance :

« Ok. Toi, tu ramènes Aline chez elle et moi, je m’occupe de Lalye. »

Un peu dépassé par les événements, j’acquiesce de la tête, laissant Mathilde suivre Lalye à l’intérieur, tandis que j’attrape un essuie là où je peux et le tends à Aline, tout en l’éloignant des paparazzi d’un soir.

Le retour s’avère compliqué car Aline refuse de quitter son vélo des yeux, et je dois donc le ramener aussi. Évidemment, à une heure du matin, il n’y a plus de transports. Après réflexion, ma maison est plus proche (et puis je ne sais pas très bien où c’est chez elle), alors elle ira sur le canapé… ou moi, qu’importe.

Rouler à vélo défoncé avec une fille qui chante « y a de la joie » est probablement l’expérience la plus difficile de ma courte vie. Je suis sûr qu’on a réveillé la moitié des gens des avenues qu’on a traversées. Au moins, j’ai réussi à la rhabiller avant de prendre la route.

Nous arrivons chez moi aux alentours de 1 heure 30. Je pose son vélo contre le mur et je la supplie de se taire pour ne pas réveiller ma famille. Elle surjoue la ninja, je la rattrape de justesse… Pfff.

Pendant que nous montons le plus doucement possible jusqu’à ma chambre, je me fais la réflexion qu’il faudra faire attention demain à mes parents car je n’ai pas envie qu’ils me posent des questions. De toute façon, connaissant Aline, elle sera tellement gênée…

J’allume.

« Tu veux le divan ou mon lit ?, lui demandé-je.

— Mmmm, le divan.

— OK, je vais chercher une couverture, j’arrive. »

Je sors et vais dans la remise chercher de quoi la couvrir pour la nuit. Quelle soirée, je te jure. Mais bon, j’ai eu ce que je voulais et j’ai confiance en Mathilde pour ces choses-là, elle ne dira pas non à notre accord, elle a trop à perdre.

Je me demande bien d’où vient ma passion pour l’architecture ? Ni mon père ni ma mère ne l’ont… et… je suis obligé de réfléchir à cela maintenant… Dans l’état où je suis…

J’extirpe la couverture de l’armoire et retourne dans ma chambre où m’attend Aline… totalement nue. La seule chose qui l’habille, si on peut dire, est le mot « MATHILDE » dégoulinant jusqu’au ventre à cause de son plongeon dans la piscine.

Je ne dis rien, parce que je ne sais pas quoi dire. Ce n’est pourtant pas la première fois que je me retrouve devant une fille nue mais ici, c’est différent. Aline vient de passer de petite sœur à… à… je ne sais pas.

Elle s’approche de moi, un peu maladroitement, me débarrasse de la couverture et me dit :

« T’as des capotes ?

— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, répondis-je.

— Moi, je pense que c’est la meilleure idée que j’aie depuis longtemps, me dit-elle en défaisant les boutons de mon jeans.

— Aline !?

— Non. Appelle-moi Mathilde. »

C’est un bruit de porte qui me réveille le lendemain matin. Je regarde autour de moi et le soleil est déjà haut dans le ciel. Bizarre, d’habitude je ferme les rideaux. Qu’est-ce qui s’est passé hier encore ? Ah oui ! La soirée, les joints, l’alcool, l’aquarium.

o_O ?!? Putain Aline !

Je me redresse rapidement et observe autour de moi. Rien que je ne connaisse déjà. Je suis seul et nu dans mon lit, mais j’entends un bruit provenant du dehors ; comme un vieux vélo qui grince. Nul doute qu’Aline s’en va sans rien dire. Dommage.

J’essaie de rassembler mes souvenirs avant de faire de même avec mes forces pour me lever.

Premièrement la douche. Secondement je m’habille et ouvre mon PC portable pour parcourir Facebook. Aline est en top tendance du groupe de l’école. J’attrape mon GSM et lui envoie un message.

« IL FAUT QU’ON PARLE ».

Après quelques instants, on convient de se voir lundi avant les cours. Ce qui me laisse tout le temps pour réfléchir à moi et à elle et… à nous deux.

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