De retour en classe, ma nouvelle copine et moi nous tenons la main comme deux amoureux, mais cela ne m’empêche pas d’avoir mes idées lucides et de chercher Mathilde du regard. Malheureusement, elle est absente. En fait, il manque du monde, ou c’est moi : Mathilde, Lalye, Sean.

Le cours commence : Histoire-Géo. Période contemporaine, ce qui conclut la matière d’examen et…. l’arrivée tardive de Mathilde.

« Bonjour Madame, dit-elle. La voiture n’a pas voulu démarrer. Voulez-vous que j’aille chercher un mot d’excuse au secrétariat ?

— Non, pas la peine, nous venons de commencer. Va t’assoir.

— Merci Madame. »

Elle va s’assoir près de Max mais en passant, me fait un signe de la tête qui veut dire qu’elle accepte mon accord. Faut au moins lui reconnaitre qu’on peut compter sur elle.

À 11 heures, la récré commence et le troupeau que constitue notre classe sort. J’aurais souhaité avoir un mot avec Mathilde, mais elle est la première à s’éclipser. Bizarre, me dis-je, mais là, j’ai plus urgent. Après quelques instants, il ne reste que moi et ma copine en classe. Même Ed, qui d’habitude sort un livre ou son GSM, a été voir à l’extérieur.

Puis vient le silence.

Ni elle ni moi ne disons mot. Nous attendons, comme deux amants, d’être sûrs que personne ne nous observe. Pourquoi ? Pour rien, simple réflexe d’adolescent. Dans quelques jours, cela ne nous dérangera pas de nous montrer mais ici, au lendemain de ce weekend mouvementé, nous ne savons toujours pas.

Elle joue avec son bic, je regarde mon GSM, elle remet ses lunettes, je lis mes emails. Puis le top départ est donné par un claquement de porte au loin (probablement Ed qui sort).

Moi et ma nouvelle petite amie, nous nous jetons l’un sur l’autre, nous embrassant maladroitement (surtout elle). S’il n’y avait pas des vitres, je la prendrais ici, sur une table, voire sur la table du prof ; mais un, la récré ne dure que 20 minutes et deux, c’est pas l’endroit le plus discret.

Nous ne nous arrêtons pas et s’il nous est impossible de nous dévêtir, cela n’empêche pas de nous toucher. C’est bon et ça dure une bonne partie de la pause jusqu’à ce qu’on soit interrompus par un « Owwww, c’est mignon. Le freak a une nouvelle copine. Hein ? Mais c’est Aline ! »

Nous cessons et nous nous retournons.

Mathilde est revenue en classe. La tête de ma copine à ce moment-là, elle lui aurait sauté à la jugulaire ; quelque chose me dit que la soirée lui a donné des envies de meurtre. Mathilde le remarque autant que moi et lui lance :

« Relax boniche, je suis venu parler à Freak.

— Arrête de l’appeler comme cela. Tu te prends pour qui ? »

Ma chérie m’étonne à me défendre et je trouve cela amusant, mais je l’arrête de la main et prends la parole.

« Alors, notre accord ? »

Elle me tend une enveloppe.

« Tiens. Ta lettre est dedans et ton nom sera proclamé si tu réussis. Mais soyons clairs, si tu ne réussis pas les examens de juin, je ne peux rien faire pour toi.

— Cela me va. »

« C’est quoi ? » demanda ma copine spontanément. Mathilde la regarde, puis rajoute :

« Le deal est entre toi et moi. Je n’aurai pas de lettre pour elle.

— Elle n’en a pas besoin, dis-je.

— Ça, je sais qu’elle n’en a pas besoin, maintenant qu’elle est célèbre sur Facebook. »

Je vois ma copine devenir rouge à la fois de honte et de colère.

« Surtout qu’en plus, beaucoup de gens pensent que c’est moi, vu que MON prénom était écrit sur sa poitrine. Dis-moi Aline, cela a été dur à enlever ? Heureusement que sans tes vêtements immondes, t’es potable. Dans un sens, tu m’as rendu service. 

— Service ? dit ma copine, dubitative.

— T’as pas lu les commentaires en dessous des vidéos ? La plupart des garçons vont se palucher en pensant à toi pendant au moins une semaine. Félicitation pour ton premier porno. Par contre, comme nom de scène, Mathilde, c’est pas terrible, si tu veux mon avis. »

Ma copine devient écarlate et semble glisser sous la table. Un instant, je l’imagine dans ce métier, et cette image de cette fille pudique et timide m’est saugrenue.

« Mathilde, tu peux laisser tomber ? dis-je. T’es un peu en tort aussi.

— En tort ? C’est ça… Bon, OK, je vous laisse. Je vais retrouver mon mec et lui dire qu’Aline le largue. Il va sombrer dans une dépression monstre et faudra que je lui remonte le moral, mais bon, la vie est ainsi faite. »

Mathilde s’en va, nous laissant seuls. Je regarde ma copine, elle est si honteuse que son menton frôle la table.

« T’inquiète, dans peu de temps, tout le monde aura oublié. Puis, tu ne comptais pas avoir une carrière politique ou publique, hein ?

— Non, mais… »

Elle ne sait que répondre, alors elle change de conversation.

« C’est quoi cette enveloppe ? »

Je ne sais si je dois lui dire la vérité ou non, j’hésite. Je pense que cela peut attendre un peu, voire quelques années si nécessaire. Déjà parce que la définition d’un secret, c’est ce qu’on ne dit qu’à une personne… Et à la fois et surtout, je ne veux pas la mêler à tout ça. Alors, je lui mens, et je crois qu’elle le devine. Ce n’est pas un gros mensonge, juste un échange de services entre moi et Mathilde, mais son visage parle de lui-même. Je désire l’embrasser de nouveau mais la cloche sonne et comme un vase sous un robinet, la classe se remplit rapidement.

Après l’école, je traine un peu avec ma copine, je lui propose de venir chez moi pour terminer ce qu’on a commencé en classe, mais elle refuse. Elle n’est pas sûre, pourtant ce n’est pas comme si on ne l’avait pas déjà fait, et donc on se quitte jusqu’à demain.

Chez moi, je lis le courrier de monsieur Gilltot. J’ouvre mon PC et rajoute dans le dossier universitaire le scan de la lettre. Plus rien ne m’empêche d’aller étudier l’architecture dans l’univ de mon choix.