Je plissai les yeux en regardant le soleil de midi scintiller sur la mer. J’avais les bras nus, il faisait trop chaud pour que je sois vêtue autrement que d’une tunique sans manche et un pantalon de toile simple vert. Je secouai la tête avant de darder ma langue entre mes dents pour me lécher les lèvres et récupérer le sel que les embruns avaient déposé dessus, c’était agréable. J’aimais ce goût de sel, le reflet de la lumière sur l’eau, le bruit des vagues, le mouvement du navire dans les flots et sous mes pieds. Je fermai les yeux pour les protéger du soleil en reniflant le vent pour savourer les odeurs marines, j’entendais le craquement du bois, l’eau, les cris et les chants des matelots qui se déplaçait sur le galion impérial. Je rouvris les yeux pour sonder l’eau sombre qui dansait autour du navire, l’envie de plonger la main à l’intérieur pour profiter de sa fraîcheur sur ma peau. J’avais trop chaud sous ce soleil, mais je n’avais pas envie de rentrer, autant savourer l’air libre. Les mouettes passèrent au-dessus de moi et mon regard les accompagna dans le ciel jusqu’à ce que je ne puisse plus les distinguer, ma main se leva comme pour les saluer et leur souhaiter une bonne route. La chaîne cliqueta autour de ma cheville quand je bougeais un peu et Sadralbe leva aussitôt la tête de ce qu’il était en train de faire, je le jaugeais du regard avec un fin sourire aux lèvres, toujours le même mépris entre nous. En dix ans cela n’avait pas changé. Liliraele m’observa à son tour et je lui souris gentiment sans rien dire. Les Îles de la mer et du Ciel. Voilà où nous allions. Son père voulait qu’elle rencontre un prince là-bas, j’eus un ricanement à cette pensée, clairement, elle n’était pas faite pour ces îles. Comment je le savais ? Instinct de louve. Eoran, Itham ou même Aolis lui conviendraient beaucoup mieux. Et c’était un avis purement subjectif et pas du tout parce que je mourrais d’envie de rentrer chez moi ! Liliraele s’approcha de moi, quittant l’ombre où elle lisait et glissa sa main dans la mienne.

« Ça va aller ? Tu n’as pas trop chaud ?

- Si, j’ai l’impression de cuire. »

J’avais fini par apprendre la langue officielle du nord à ma sœur pour simplement discuter avec elle sans que tous ne comprennent. Sadralbe lui avait appris tout seul et cela s’entendait, à lui je ne lui donnais aucun cours ou réponse dans ma langue. Je chantais toujours dans la mienne, enfin dans celles du nord. Liliraele serra doucement mes doigts entre les siens avant de reprendre la parole :

« Tu penses que ça va me plaire ?

- Non. Pas qu’ils soient méchants, mais je ne pense pas que tu y seras heureuse, ou que l’alliance soit bénéfique pour ton père. »

Je n’en avais pas l’air, mais j’entendais parfaitement la politique et les alliances. C’était aussi le devoir d’une alpha, connaître et maîtriser les arcanes de la politique et des tensions, au vu du nombre de meutes et de tribus différentes… Un alpha ignorant dans cet art finissait souvent la tête sur une pique. La politique du royaume de la neige et des montagnes ne faisait jamais das la demie-mesure… Les îles du ciel et de la mer, bien plus au sud-ouest que le royaume de Liliraele, étaient petites, c’était plus un archipel qu’une seule et grande île, recouvertes d’une forêt dense pour la plupart et vivaient de l’exploitation du bois, mais aussi le d’océan, bijoux en coraux et poisson exotique à la chair fine. Mais pas de mine, ou très peu, peu de métaux précieux ou rares. Et ma sœur était encore jeune, ses petits frères avaient mon âge, d’ailleurs je les entendais s’entraîner à la rapière, et les petites sœurs, charogne que ces gosses, étaient heureusement avec Gaïa. En soit, la seule personne avec Liliraele que je supportais dans cette famille. Cette dernière secoua la tête en riant :

« J’adore comme tu es rapide.

- Directe. Fait attention, les mots se ressemblent, mais c’est pas tout à fait la même chose. »

Les langues, quand on était pas du nord, ce n’était pas toujours évident, surtout qu’il y avait quelques mots sonnant proche à l’oreille. D’ailleurs, ma sœur me posa la question :

« Tu la connais la langue des îles ? »

Pensait-elle que je connaisse toutes les langues de ce monde ? J’avais simplement beaucoup de facilité à les apprendre, d’ici quelques jours je saurais probablement la parler. Contrairement à beaucoup de nordiens où quelques heures suffiraient amplement, je me sentais toujours un peu plus en dessous à cause de ça. Je secouai la tête :

« Non, mais je vais l’apprendre. On est là-bas pour un mois ? Je devrais pouvoir me débrouiller sans mal dans quelques jours.

- Il va falloir rester avec moi alors, ma traductrice préférée. »

Je lui plantais mon doigt entre les côtes avec un sourire malicieux et elle bondit sur le côté en riant, se mettant hors de porter pour éviter d’autres chatouilles. Je lui souris simplement et bougeais légèrement à nouveau dans un cliquetis de chaîne. Sadralbe nous regardait avec attention. Nous chuchotions à voix très basse pour être tranquille, puis surtout il n’avait pas le droit d’espionner ou de rester trop proche lorsque ma sœur voulait me parler, ordre de Wilkin. Je reportais mon attention droit devant moi, les doigts de ma Liliraele s’enroulèrent autour de mon poignet et caressèrent doucement une cicatrice à l’intérieur de mon bras :

« Quand tu t’es fait ça ? »

Je cachais à Liliraele comment et pourquoi j’avais tant de cicatrice, elle ne pourrait rien changer et à part la terrifier je ne ferais rien de bien pour elle. Son père était à la solde de Saldrable. Ou l’inverse. Je ne comptais plus les massacres de Lycan qu’ils m’avaient obligés à regarder juste pour me faire passer l’envie de faire quelque chose. Non, je n’en parlais pas, elle devait s’en douter, mais pas un mot de ma part… Non, pourquoi faire ? Elle ne ferait plier personne et clairement pas Sadralbe, cependant… elle m’aidait sans le vouloir en m’attirant à d’autres endroits que ceux prévus en restant et en discutant avec moi. Je ne répondis pas, n’étant pas devenue beaucoup plus causante avec le temps, un simple haussement d’épaule avant de tendre le visage vers le soleil. C’était un soleil brûlant, ardent, pas aussi doux que dans le Nord, quoi qu’il fût fourbe également sur la neige, mais au moins j’arrêterais d’avoir ce teint cadavérique que visiblement les familles nobles du sud aimaient. Incompréhensible. Il n’eut pas plus de mot durant le reste du trajet, à part les insulte de Sadralbe et Liliraele qui monologuait parfois, mais je l’écoutais avec plus ou moins d’intérêt.

Le chasseur planta soigneusement les épingles à cheveux en argent dans mes cheveux, ou mon crâne, c’était comme il en avait envie, puis m’examina avec attention, me faisant tourner sur moi-même, rajustant le pli de ma robe avec plus de soin que ma mère. Il me dédia un sourire froid.

« Tu es présentable. »

Tu parles, il avait passé une heure à me préparer, je ne savais pas si c’était pour lui, montrer qu’on pouvait me pouponner et m’affubler d’une robe si encombrante qu’il m’était impossible de danser comme je le voulais, ou si c’était par plaisir personnel. Le pire étant que le moindre de mes vêtements était fait avec des fils d’argents, on arrêtait pas la torture, même en public après tout. Je ne répondis pas à son compliment, sans même me jeter un regard dans la glace, le tissu était très fins, relativement doux, si on oubliait l’argent, puant les herbes qu’on avait mit dans le coffre pour le protéger et le parfumer. Non, vraiment, je n’aimais pas les robes du sud. Qu’est-ce que j’aimais dans le sud ? À ce rythme ça irait beaucoup plus vite : peu de chose. Et les plantes, il avait fait exprès de laisser brûler dans les encensoirs des mélanges qui me soulevaient l’estomac et que je ne supportais pas. Entre ça et l’odeur de la robe, sans oublier son odeur à lui… Non, je n’avais pas spécialement envie de sourire. Je tendis la main pour rajuster le col de ma robe avant de la retirer brusquement, argent. Je l’aurais presque oublié :

« Tu sais que tu vas finir par attirer l’attention sur ce que tu veux cacher ? Trop d’argent… »

J’eus un rictus avant de remonter vaguement ma robe, dans le nord, ou le Royaume des montagnes et des neiges, selon son véritable nom, les robes étaient courtes, généralement au-dessus du genou avec des manches longues, ou sans même, et on portait des bas pour ne pas avoir froid. Et surtout on avait de l’argent dans le moindre pli du vêtement. Il ne fallait pas plaisanter.

Ma place était, comme d’habitude, au bout de la table, Sadralbe se glissa derrière moi, maudite ombre dont je me serais bien passé. Liliraele avait beau maîtrise les fluides de la lumière ce chien galeux ne me le lâcherait pas aussi facilement. J’écoutais aussitôt les membres de la famille royale des îles, mais aussi les serviteurs parlant entre eux. Mon esprit se mit aussitôt à associer les mots et les sonorités, créant des liens entre toutes les langues que je pouvais maîtriser, cherchant une structure commune. Il me faudrait quelques jours bien sûr, contrairement à bien des nordistes. Au moins je pouvais absorber plus facilement les fluides. Les tenues ici étaient très colorées, agrémentées de fleurs et d’incroyables bijoux. Long, long, long que c’était ces repas stupides. La seule bonne chose était que Sadralbe ne pouvait trop toucher à ma nourriture. Dix ans que j’étais coincée à subir cela, aucune de mes nombreuses tentatives de fuite n’avait fonctionné, c’était bien pour ça que j’avais autant de cicatrices. Entre bien sûr les séances de torture de l’autre taré. Après on disait que c’était les Loups-garous les tarés. Je secouai légèrement la tête avant d’observer ma voisine qui venait de me parler.

« Vous vous amusez bien ? »

Avais-je l’air de m’amuser ?! Je mourais plus d’envie de prendre ma forme de louve et d’en mordre quelques-uns. Je finis par hausser les épaules et Sadralbe prit la parole à ma place. Ah oui : je n’avais pas toujours le droit de parler sans qu’il me l’ait autorisé :

« La bâtarde royale Midelia, n’est pas très causante, comprenez elle est très timide. Elle n’a pas l’habitude de telles fêtes. »

Non, et même chez moi je n’en avais pas beaucoup fréquenté, même si c’était beaucoup plus amusant dans mon enfance. Je repoussai la viande trop cuite du bout de ma fourchette préférant les légumes, écoutant avec attention les conversations pour capter le maximum de mots.

Assise sur le bord de la fenêtre, je regardais la mer qui frappait la plage au bas du château, Liliraele était en train de se disputer avec son père :

« Je ne laisserais pas Midelia seule toute la journée avec Sadralbe.

- Sadralbe sait s’occuper d’elle et lui tenir compagnie, Liliraele ! »

Ça se gueulait dessus depuis une vingtaine de minutes, Lili ne supportait pas que je reste seule avec le chasseur. Ce que je pouvais comprendre très simplement et je l’en remerciais du fond du cœur :

« Il est hors de question qu’elle t’accompagne alors que tu vas avec la princesse discuter et je ne la laisserais pas rester avec tes petites sœurs. »

Pour ce que je pouvais les supporter… Je laissai l’ombre d’un sourire voguer sur mon visage, la conversation continuait, Sadralbe n’avait pas le droit de prendre la parole. Tant mieux, je me foutais de ce qu’il avait à dire, ainsi que le roi et sa fille actuellement, je retiens un bâillement. C’était toujours long ces engueulades. Liliraele reprit la parole :

« Une des dames, dame Yashina, lui a parlé au dîner d’accueil et s’est ouverte à moi qu’elle s’inquiétait de la voir si timide. Elle s’est proposé de lui tenir compagnie puisqu’elle n’est pas non plus native du lieu, mais elle a appris à le connaître, ainsi que la langue, sa suivante est une native.

- Elle a peur que Midelia s’ennuie ? Pourquoi ? Tu lui as parlé Midelia ?! »

Wilkin savait aboyer… y avait pas de doute, mieux qu’un chien bâtard. Je ne retiens pas mon bâillement et m’ébrouais un peu, m’éveillant de cette écoute. L’air au palais était aussi salé qu’au port, mais débarrassé de l’odeur du poisson. Quoi que j’aimasse bien le poisson. Je haussais les épaules simplement pour toute réponse, Sadralbe parlait pour moi, même quand je ne voulais rien dire.

« Elle lui a adressé la parole, mais pas beaucoup plus. »

Oh, mais la ferme ! Je mourrais d’envie, encore plus qu’avant, de lui arracher la gorge avec les dents, mais si cette dame pouvait me permettre d’échapper à l’autre tronche d’inceste ambulant. Wilkin fronça les sourcils :

« Pourquoi alors elle veut te revoir ?

- Peut-être parce qu’elle a peur de voir Midelia seule ? Peut-être parce qu’elle sait la solitude d’arriver dans un endroit nouveau ? Après tout nous restons ici pour un mois de ce que j’ai compris. »

Liliraele ne lâchait pas pour m’éviter de rester avec Sadralbe. Ça faisait dix ans que j’étais seule, ou presque, un mois de plus ou de moins, est-ce que j’étais à ça près ? Pas vraiment. Mais l’intention était louable. Wilkin se frotta le visage avant de lâcher un profond soupir :

« Bien ! Bien ! Midelia ! Tu iras avec cette dame Yashina pour le reste du séjour. Sous la surveillance de Sadralbe. »

Comme-ci il me faisait confiance, c’était touchant ! Je souris légèrement à Lili en inclinant la tête vers elle pour la remercier avant de prendre la parole :

« Tu sais où elle m’attend ?

- Elle m’a proposé la plage. »

Je sautais à terre avant d’incliner légèrement la tête vers Wilkin et Lili avant de sortir vivement de la pièce pour aller à la rencontre de ma sauveuse involontaire. J’avais machinalement mémorisé le chemin, c’était toujours pratique cette mémoire.

J’ôtais mes sandales avec un soupir de soulagement en enfouissant mes pieds dans le sable chaud. C’était étrange comme sensation, d’habitude c’était la boue, c’était autre chose après tout. Je remontai légèrement la jupe de la robe que je portais, pas le choix de toute manière… Jamais autre chose que des robes ou des jupes, depuis mes quatorze ans et oui, ça ne facilitait pas la course ou les fuites. J’avais l’impression de carboniser sur place ou de me liquéfier entre le soleil et la chaleur.

« Dame Midelia. »

Je me tournai pour regarder la jeune femme, je n’avais pas fait attention hier, mais c’était une jolie femme à la peau bronzée, pas aussi noire que celle des habitants des îles. D’ailleurs c’était des gens si gentils et joyeux, ils me rappelaient un peu ceux de chez moi, en beaucoup, beaucoup, plus démonstratif. Dame Yashina devait avoir presque trente ans, elle était très belle, rondelette, avec de beaux cheveux blonds cendré et des yeux noirs. J’inclinais la tête vers elle, contrairement à moi elle portait une robe de toile légère qui flottait autour de ses jambes, elle portait encore ses sandales, son odeur était florale.

« Dame Yashina. »

Elle me sourit un peu et je ne lui rendis que très peu, sentant le souffle de Sadralbe dans ma nuque, non il n’allait pas me lâcher si facilement. Il prit aussitôt la parole :

« Elle ne pourra rester trop longtemps, comprenez dame Yashina le voyage l’a beaucoup fatigué et Midelia a une santé fragile. »

Oui, ça c’était facile à dire, j’avais les traits tirés, la peau pâle, une silhouette mince et petite. Étrangement on croyait plus facilement Sadralbe que moi sur ce côté-là. Comme c’était étrange ! La dame m’observa avec attention et me sourit :

« J’imagine que vous saurez dire si vous êtes trop fatiguée. Sûrement mieux que votre chaperon.

- Ne vous en fait pas. Je connais mes limites. »

Ouais, alors si on pouvait éviter le terme chaperon pour Sadralbe, je prenais. La femme m’invita à la suivre d’un signe de la main et je la suivis, mes sandales dans la main, sa suivante nous suivait tranquillement, un petit sourire en coin.

« Vous êtes ici depuis combien de temps ? Je me forçai un peu à parler pour qu’elle puisse continuer à accepter de passer du temps ensemble.

- Treize ans. Je me suis marié à dix-sept ans avec le conseiller du roi. Elle avait une voix grave et douce.

- Cela a dû être un gros changement, vous venez d’où ?

- De l’est. »

Ceci expliquait cela, les relations de l’Est avec les îles n’étaient pas rares, c’était même deux royaumes proches, même si éloigné géographiquement parlant. Le royaume de l’est, ou des plaines, était surtout composé de plaines ou de vallées, quelques montagnes quand on allait vers le nord, mais rien de comparable. Ils avaient cependant de grandes mines et un besoin de bois croissant et les îles de métal. L’alliance était facile et évidente, mais cela restait difficile de tout quitter pour venir ici.

« Vous êtes heureuse ?

- Ce n’était pas facile au début, je l’avoue, mais j’ai appris la langue et mon époux est un homme gentil. Je ne dis pas que nous nous aimons, mais nous nous entendons bien. Et je suis heureuse ici.

- Et puis ses enfants sont beaux. »

La suivante me fit une petite grimace et je lui rendis, sa bonne humeur était communicative. La dame ne semblait pas s’inquiéter que sa suivante prenne ainsi la parole.

« Vous avez combien d’enfants ?

- Cinq. Trois garçons et deux filles. Ils poussent à leur rythme, le plus grand a bientôt douze ans, il partira bientôt sur les flots avec son équipage. Dans trois ans. »

Partir un an en mer, plus d’un an même, c’était une tradition du royaume, et un parent aurait tous les droits d’être inquiet pour son enfant, j’imaginais que c’était le cas pour elle. Je la laissais parler, écoutant avec attention, elle usait de plus en plus de la langue des îles voyant que je semblais de mieux en mieux la comprendre. Plus je passais du temps avec elle, quand bien même elle n’était pas une native et avait donc un petit accent, plus j’arrivais à comprendre et parler, en partie, la langue. Tout comme sa suivante, cette dernière était vive et pleine d’humour, c’était agréable de parler avec elle même si je marchais de biais pour éviter que l’eau ne trempe le bas de ma jupe. Sadralbe ne dit rien pendant que nous marchions, même si clairement il aurait préféré me voir enfermée, de préférence attachée et ensanglantée. Je finis par m’asseoir en face de la dame et sa suivante, Sadralbe se glissa à nouveau derrière moi et se tendit immédiatement quand la suivante sortit un poignard, mais elle ne fit que prendre quelques fruits pour les découper, elle m’en tendit un à la chair jaune. Je le pris aussitôt et ouvris la bouche pour le croquer, le chien galeux m’arrêta et me prit le fruit des mains pour croquer à l’intérieur, Yashina fronça aussitôt les sourcils.

« Pourquoi ? Croyez-vous que nous aurions empoisonné Midelia ? »

Elle prit elle-même l’autre moitié du fruit alors que sa suivante nettoyait soigneusement le noyau de toute sa chair, le rongeant légèrement. Sadralbe me rendit le fruit amputé d’un sacré morceau de chair et il s’essuya le menton du jus qui y dégoulinait, je pris ce qu’il restait pour plonger mes dents dans la chair alors que le chasseur prit la parole.

« Non, certainement pas, ma dame. Mais je fais attention à l’alimentation de cette jeune fille.

- Tellement bien qu’elle est maigre comme une algue. Siffla Maliana, la suivante. »

Sadralbe la foudroya du regard, mais elle lui rendit un regard tout aussi mauvais et me tendit un nouveau morceau fruit que je mordis avec plaisir, plus acide que le premier. Je léchais mes doigts couverts de jus avec un plaisir sans fin. Par le phénix c’était bon de manger et de profiter ! Une fois ma bouche vide, je pris la parole :

« Quels sont ces fruits ?

- Le premier une mangue et celui que vous mangez un ananas. m’informa Yashina. Et ça ce sont des quénèpes. »

Le fruit était vert, elle l’ouvrit d’un coup de couteau et me tendit une chair rose que je dégustai. Délicieux, c’était sucré. Le paradis des fruits, mais on ne pouvait les exporter, alors je savourais sans fin et pour une fois je m’ouvris un peu pour poser des questions :

« Vous commercez vos fruits avec le nord ?

- Le Royaume des Montagnes et des neiges, je suppose. Demanda Yashina. Oui, un peu, ils ont des manieurs de fluides de glaces très performants, il n’y a pas à dire. Nous commerçons avec eux, mais aussi mon royaume d’origine.

- Intéressant, première fois de ma vie que j’en mange d’aussi frais et d’aussi bon. »

Les miens venaient ici… mais la navigation devait prendre longtemps, je me demandai ce que le nord pouvait bien fournir… Des pierres ? Des blocs de glace ? Ce n’était pas ici que les fourrures seraient utiles. Elle me montra ensuite des fruits violets, les Caimite, de la taille d’une pomme, ainsi que le corrosol. C’était avec les graines de ce fruit qu’on avait obtenu la glace ou la crème froide d’hier au soir. Je m’assurais de goûter à un maximum de fruits pour en garder le souvenir avant d’observer la dame :

« Que vous échange le nord contre les fruits, en plus de l’or bien sûr ?

- Vous êtes bien curieuse ! Ils nous ramènent des pierres précieuses et, comme pour l’est, du métal, mais bien moins. »

Les pierres précieuses ?! Ce n’était pas quelque chose que les loups portaient, non, nous portions des ornements floraux, tressé, ou en bois. Les seules pierres que nous portions étaient les pierres de sang ou de lune. Quant à la cour… je ne me souvenais pas du tout d’avoir vu des pierres précieuses… du métal oui, des broches ciselées et gravées, mais des pierres… Je supposais que c’était pour ça qu’ils pouvaient les échanger.

« Je vois…

- Midelia, il faudrait rentrer. »

Non, il n’était pas du tout content que j’ai autant manger ! Oh non ! je n’étais pas réellement rassasiée, il me fallait plus que quelques fruits pour cela, mais c’était déjà très agréable de pouvoir manger un peu. Yashina comprit que cela ne servait à rien de protester et me souhaita une bonne journée en me promettant de venir me chercher demain pour discuter et me présenter ses fils. Sadralbe serra les dents et me conduisit à ma chambre.