Chapitre 36 - Sadralbe

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J’aimais bien voyager, même si c’était pour se rendre dans le nord, mais en réalité j’aimais cela, je découvrais de nouveaux endroits, de nouvelles connaissances… Et on ne dirait pas comme ça, mais j’étais très curieux de bien des choses, même si tout le monde le savait la seule culture qui valait le coup c’était la nôtre. Les montagnes se dressaient, couvertes d’une épaisse forêt dense et sur les hauts sommets, je pouvais voir de la neige, à d’autres endroits plus en altitude. Le hurlement de loup me fit porter une main à l’épée, Midelia se redressa et écouta avec attention autour d’elle. Un sourire étira ses lèvres et elle bascula la tête en arrière avant que de sa gorge ne sorte un long hurlement de loup, grave et qui semblait faire vibrer l’air, qu’est-ce ?! Elle se tut et l’écho de son chant se répercuta dans les montagnes jusqu’à ce qu’un autre hurlement ne lui réponde. Elle hocha la tête sans plus d’explications, je dus les réclamer :


« Midelia ! Veux-tu dire ce que cela signifie ?!

- Le col est sous surveillance tout simplement. Ils ont lancé le message comme quoi nous étions là et j’ai simplement confirmé que nous étions la délégation du sud. Maintenant que le message est confirmé… »


Elle se tut et tourna la tête, j’entendis l’écho d’un autre chant, de ce que je savais, ils pouvaient s’entendre sur cinq kilomètres. Midelia tournait la tête et ses narines frémissaient légèrement, elle était plus qu’attentive à ce qu’il se passait et moi aussi. Wilkin reprit la parole :


« Vont-ils attaquer ? »


Elle se tourna vers son père et secoua la tête :


« Non. Ils s’informent juste sur qui nous sommes et où nous allons. Rien d’extraordinaire. Mais si nous ne faisons aucune provocation, ils n’attaqueront pas. Liliraele, tu devrais monter à cheval, tu serais bien mieux que dans ton carrosse. »


Sa sœur hocha la tête et on lui fit avancer son cheval où elle se hissa dessus, Wilkin braqua son regard sur moi.


« Laissez Midelia passer en tête, elle connaît la langue du lieu et surtout la géographie. »


Je grimaçai un peu avant de détacher les rênes pour lui tendre. Elle les saisit calmement avant de talonner son poney pour prendre la tête du cortège. Elle ne tenterait pas de fuir, j’en étais sûr… Mais je n’aimais pas ça quand même, alors je la suivais de près en regardant avec attention, prêt à intervenir si elle tentait quelque chose. De temps en temps sa jument s’arrêtait et elle devait la pousser un peu pour qu’elle avance, mais le sentier n’était pas très large, il fallait l’avouer. Je regardai les hautes parois avec inquiétudes. En fin on finit par sortir des gorges, pas étonnant qu’aucune armée n’est réussi à envahir le nord, avec pareil murailles.


« Midelia ? Est-ce un passage naturel ? »


La princesse, Midelia, se tourna brièvement vers elle, gardant soigneusement sa capuche rejeté en arrière.


« Pas totalement. »


Bonjour les explications, comme toujours cette gamine refusait de trop parler, mais en même temps… un passage traversant brusquement deux montagnes… ce n’était pas toujours naturel. En tout cas, j’étais plus rassuré d’avoir quitté cette gorge où tous les deux mètres la possibilité d’une embuscade était possible. Mais même là où la route s’agrandissait de grandes forêts entouraient tout, pas beaucoup plus rassurant surtout qu’une grande partie de notre journée à traverser les montagnes, l’air était glacé en comparaison à ce que je connaissais du sud. J’étais nerveux, j’avais l’impression d’être surveillé, un craquement sec me fit porter à nouveau ma main à mon épée, les gardes étaient plus que nerveux, elle entrouvrit la gueule en humant l’air. Un grondement me fit tourner la tête sur le côté :


« Qu’est-ce que ! »


Un garde écarquilla les yeux en voyant une silhouette énorme entre les buissons, musculeuse, elle se déplaçait presque sans bruit et seul l’éclat jaune de ses yeux était clairement visible, Midelia l’observa avec attention. Elle n’eut qu’un sourire alors qu’un bruit humide de chair qu’on déchire se fit entendre.


« Midelia ! Ordonna son père.

- Vous êtes trop nerveux, c’est juste un loup. »


Un loup ?! Il faisait presque deux fois la taille d’un loup de chez nous. La chasse devait être bien amusante ici. Midelia reprit tranquillement son chemin alors que le loup continuait de manger à grand renfort de craquement d’os et de bruit de chair déchiquetée avec bon appétit. Je fis claquer ma langue et me mit à trotter près de Midelia, le vent se levait et elle observa le ciel avec attention :


« À la prochaine auberge il faudra s’arrêter pour la nuit.

- Il est encore tôt. Fis-je remarquer.

- Sans doute, mais la nuit tombe très vite ici. Il vaut mieux être prudent. »


Ça… je ne pouvais pas lui en vouloir. Surtout que j’avais sacrément mal à la tête, à cause des fluides, ça je le savais. Elle reprit sa route tranquillement, mais moi je me sentais encore surveillé, je tournai le regard dans tous les sens pour tenter de percer les ténèbres des buissons qui bordaient la route.


« Il n’y a jamais de soucis de bandits ? »


Je tournai la tête à nouveau vers le Roi. Personne n’était rassuré sur ces terres hostiles. Midelia observa les bois sans craintes :


« Les loups ne sont pas des pilleurs ni des bandits. Et ceux qui se font attraper à tuer et piller… ce n’est pas une bonne chose, les châtiments sont sévères. Le grand phénix n’aime pas qu’on tue ses enfants et Tungl aime qu’on respecte l’ordre. »


Dieux païens… je crachai au sol sans rien dire de plus et le voyage continua en silence. Je rajustai les plis de ma cape autour de moi, contrées de merde, il faisait froid ! Au détour d’un virage je vis enfin une grande bâtisse en bois et de la fumée s’élevait de la cheminée, l’auberge ! Enfin ! Grande, solides, pas beaucoup de fenêtres, mais le toit en bois semblait solide, toute l’auberge respirait la robustesse.


« On va pouvoir s’arrêter. »


Informais-je tranquillement le roi qui hocha la tête, un soupir de soulagement franchit les lèvres des soldats. On mit tous pieds-à-terre dans le plus grand des calmes. Wilkin fronça les sourcils :


« Pas de palefrenier ? »


Midelia ne jeta même pas un regard à son père et attendit encore un peu, son souffle dessinant une arabesque de vapeur dans les airs et pourtant elle avait roulé ses manches au-dessus du coude. Finalement un homme adulte sortit de l’écurie, cheveux courts et bruns, une simple barbe courte et un tatouage de vague sur tout le côté du crâne. Il était petit, pour un nordiste, grand pour un sudiste. Il lança quelque chose à Midelia qui porta les mains à l’ouverture de son haut pour le défaire et montrer ses tatouages. Il hocha la tête la tête et se tourna vers nous, lâchant un petit :


« Suivez-moi. »


Midelia lui emboîta aussitôt le pas et échangèrent quelques mots, au ton tranché de sa voix, j’imaginais qu’il était pas forcément de bonne humeur. Wuoras. Je compris son nom, mais l’accent était tellement prononcé, que j’avais du mal à saisir leur langue. Pas plus que Midelia qui parlait bien plus vivement que d’habitude. Ce fut à nous de mettre nos chevaux dans l’écurie et les desceller, par contre il s’occupa de les nourrir et de les brosser, je dus tirer la louve par le bras pour la forcer à venir. Dans l’auberge l’ambiance était survoltée : visiblement, des bardes étaient là. Trois femmes, quatre hommes. L’une d’elles, cheveux roux, coupés court aux épaules, parsemé de tresses et de boucles, était assise sur une table, les pieds sur un tabouret, se tourna vers nous, elle mâchait un morceau de pain, son amie aux boucles blondes lui donna une tape et elles rirent ensemble. La blonde avait un visage rond, et mon regard tomba sur la brune. Cheveux lisses et sombres, teint presque aussi nacré que son amie rousse, avec des yeux d’un bleu saisissant. Toutes arboraient des tatouages sur les mains, le cou… la brune avait un serpent se mordant la queue sur la joue, la rousse une tête de loup, et la blonde un cerf. Les hommes avaient les cheveux tressés, bruns, des bijoux de bois, quelques broches, mais pas plus. Ils tournèrent également le regard vers nous et nous dévisagèrent. Leurs instruments étaient posés sur leurs genoux… Mais visiblement ils prenaient une pause. Midelia donna une tape à sa sœur en lui murmurant quelque chose, cette dernière hocha la tête et Wilkin me fit signe d’aller réclamer à manger et une table. J’obéis aussitôt, le tavernier n’avait pas beaucoup d’accent et il nous donna table et lit. Je m’installai près de la louve qui restait calme et bientôt le pain, la viande, la bière ambrée et les légumes. Midelia restait tranquille, les bardes aussi, l’ambiances était festive malgré tout. Le bois flambant dans la cheminé, imbibé de bois, diffusait une odeur de sève agréable. Un bruit étrange me fit lever la tête vers la porte. Je fronçai les sourcils, Midelia était beaucoup trop attentive… La porte s’ouvrit brusquement et un homme dû se courber pour rentrer, immense, à peine vêtue de braie, il portait un cerf sur l’épaule et il titubait étrangement.


« Qu’a-t-il ? Souffla la princesse. Est-il ivre ?

- Non, Loup-garou, cela fait juste longtemps qu’il ne s’est pas transformé. Répliqua sa sœur d’un souffle. »


L’homme arborait des marques semblables à Midelia de la hanche gauche à la gorge à gauche, il avait du sang sur sa barbe brune et ses cheveux étaient lâchés. Le silence se fit aussitôt et les regards se braquèrent sur lui. Il observa toute la population de la taverne avant que son regard ne se pose sur nous. Il parla à l’aubergiste, mais Midelia restait immobile, une main tenant sa chope. Il finit par hocher la tête et s’approcher de nous, les gardes se levèrent et il les fixa, lâchant un ricanement qui ressemblait plus à un grondement, il observait Midelia et lâcha quelque chose, il avait une voix si grave ça ressemblait encore à un grondement animal. Midelia lui répondit sur un ton calme, il secoua la tête et elle grogna à son tour, je n’arrivais pas à comprendre, un autre dialecte du nord. Elle se tourna vers lui et se leva, elle semblait encore plus petite face au géant. Elle détacha les lanières de son haut dévoilant clavicule, le haut de sa poitrine et sa nuque. Cette fois, je compris les mots qu’elle disait :


« Voilà mes marques. »


L’homme se courba et tendit ses longs doigts pour les effleurer et il pâlit en se redressant et il parla d’une voix plus forte qu’avant :


« La fille d’Isean, la guérisseuse oiseau ! Tu es… la fille d’Isean ! »


Il tourna brusquement les talons et partit, prenant sa forme de loup, gris, proche de la porte. Midelia jura en lui ordonnant de revenir. Je saisis son poignet pour l’obliger à se rasseoir. Elle lâcha une bordée de juron, je supposais, avant de renouer les cordons de son haut avec vivacité, reprenant sa bière pour la boire. La barde brunette repoussa en arrière la fourrure blanche qu’elle avait posée sur ses épaules et fit signe à la rouquine qui se leva, donnant un coup à sa chope, vide, qui roula sur une autre table. Ses comparses attrapèrent leurs instruments, mais ce fut la brunette qui prit la parole, un air enjoué sur son visage. Sa voix claire, avec un accent du nord compréhensible, pour une fois dans ces contrées trop froides.


« Mes amis ! Mes amies, étrangers, étrangères ! Que direz-vous de quelques chansons et histoires de notre royaume ? »


Il eut des rires et des sifflements appréciatifs. La blonde attrapa un tambour, la rousse et la brune chanteraient et conteraient, les autres joueraient luth et autres instruments. En espérant que je saisisse le tout.

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