Affectueuses pensées...

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Très Chère Âme,


Voici le temps venu de faire le bilan de quelques années passées ensemble. Je ne suis pas sans savoir que le sujet mériterait quelques années de plus pour l'étudier en profondeur mais le temps nous manque, n'est-ce pas ?
Je ne suis pas sans savoir, non plus, qu'en termes de profondeur, vous êtes plutôt restée au niveau de la surface... Alors, et pour entamer le débat, si nous parlions de cette superficialité ? Qu'en dire, et comment le dire ?

Peut-être faudrait-il lever le nez vers les clés de voûte d'une existence passée à tout faire pour tout gâcher, qu'importe le moyen, pourvu qu'on ait l'assurance d'infliger de profondes et sanglantes blessures ?
Ainsi, pour premier exemple, aurions-nous pu disserter sur ces amours perdues ? Perdues de peur d'y trouver le bonheur ? Combien de destins, semblables au vôtre n'aurez-vous pas détruits pour le seul plaisir de voir couler quelques larmes, parfois quelques gouttes écarlates glisser le long de poignets désespérés de ne pas avoir su vous atteindre et vous garder ?
Mais... à quoi bon, puisque le temps passe et qu'il ronge lentement le souvenir, pourtant flamboyant, de passions qui ne purent s'assouvir, faute de courage ou d'ambition...

Pourquoi ne pas parler, en ce petit matin gris et fade, de notre acharnement mutuel à ne pas savoir nous parler sans haine, puisque celle-ci a trop vite remplacé la passion ? On dit souvent qu'amour et haine sont les deux faces opposées d'une même médaille. Ce n'est pas faux. Pour la plupart des gens, j'imagine. Mais ceci ne pourrait jamais s'appliquer à vous, mon Âme, puisque la seule réelle passion que vous ayez jamais cultivée s'est toujours limitée au strict périmètre de votre adorable petit nombril doré. 

Vous souviendrez-vous des tirades enflammées que vous fîtes alors, le cœur serré de trop de sentiments volcaniques ? Quelle trace garderez-vous des brûlantes étreintes où la volupté le disputait à la grâce d'un moment de pur bonheur, reléguant toute l'antériorité d'expériences similaires au rang de vulgaires gesticulations animales ? 
Ne me répondez pas, mon Âme, de crainte de vous entendre proférer quelque dernière horreur dont vous nieriez ensuite la responsabilité ! Laissez-moi plutôt me réchauffer aux souvenirs de jours heureux, rares il est vrai, au cours desquels nous parûmes filer la plus parfaite entente.
Peine perdue que prétendre vous faire comprendre tout cela... Votre intérêt n'était alors que d'éteindre quelque feu grégeois en vous. Que restera-t-il des cendres de ces feux maléfiques ? Peu vous importe, n'est-ce pas ? Que le Diable vous emporte, donc... 

Aussi, en cet instant fatidique où le Destin se penche une dernière fois sur notre histoire, pourquoi ne pas faire la paix ? Au moins faire semblant, en y ajoutant quelques artifices rodés par les ans, même si pas érodés par nos ressentiments...  Aux instants cruciaux, il est coutume de faire amende honorable et de confesser jusqu'à ses plus terribles secrets. Combien n'en eûtes-vous pas pour moi ? Peut-être un peu moins que mon imagination toujours trop fertile en a imaginé ? Tout juste un peu moins, n'est-ce pas ?

Il m'eut été plaisant de vous entendre une dernière fois à ce sujet, bien entendu, mais je sais, les années passant, que jamais ce vœu ne sera comblé, faute pour vous de savoir ouvrir ce cœur qui n'a jamais battu que pour vous, quand le mien se désespérait de vous savoir perdue, mon Âme...

Ciel, que j'enrage de n'avoir pas su tout comprendre plus vite !
Il ne me reste plus guère que quelques minutes pour expliquer ce qu'une vie entière a peiné à comprendre. Comment faire ? Je ne le sais toujours pas. Pourtant, alors que nous allons bientôt nous séparer pour ne plus jamais nous unir, mon instinct me dicte de vous souhaiter tout le mal possible, d'envoyer une ultime prière à un de ces Dieux là-haut, quelque part, afin qu'il n'oublie pas de vous faire payer le prix d'un amour massacré, piétiné avec soin, pour le seul plaisir de vos sourires carnassiers. J'aime à croire qu'une Force, une Entité, que quelque chose ou que quelqu'un saura vous faire rendre sang pour sang, malheur pour malheur.
Oui, que celui-ci prenne un malin plaisir, à l'instar de celui que vous prîtes vous-même, à vous faire souffrir au plus profond de vous, puisque seuls les abîmes de votre néant recèlent vos pires secrets. Et qu'il n'oublie pas, non plus, de vous faire endurer les interminables traversées de ces déserts conçus naguère pour votre unique joie.
Oui, je forme le vœu que vous goûterez un jour, et pour plus longtemps encore que moi, aux délices amers d'un esprit qui se déchire lentement sous les coups répétés et toujours plus violents d'une passion qui ne fut jamais rien d'autre pour vous qu'une absolue dépravation.
Je vous souhaite l'Enfer, pour un séjour éternel parmi vos pareilles, mon Âme. Celles qui, marquant l'Histoire au fer rouge, sauront vous exposer leur art de la torture et leur goût pour le malheur des idées pures. Elles vous diront, souffrances à l'appui, l'infinie langueur qui s'empare de quiconque tombe dans leurs filets. J'espère qu'elles vous apprendront le goût de la boue, de la terre maudite et, aussi, de ces océans noirs de désespoir.

Mais il est temps, mon Âme... Je vous rends à votre thébaïde, pendant que je retourne moi-même dans les limbes obscurs d'un entre-monde où d'autres victimes errent aussi, dans l'attente d'entendre vos cris de souffrance, vos désespoirs et vos sanglots. Votre malheur fera ma joie. L'éternité de vos douleurs apaisera les miennes, leur rendant justice dans des univers inconciliables. Amour et haine sont les deux faces d'une même médaille, ne l'oubliez jamais.
Il est grand temps d'échanger nos faces...

Au bonheur de ne plus jamais vous revoir, mon Âme.



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