Vas-y...

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J'ai mal à la tête.

Toutes ces lumières, cette musique beaucoup trop forte et ces gens qui parlent... Je n'arrive même plus à entendre ce que mon meilleur pote est en train de me dire. De toute façon, je ne comprenais déjà rien, je crois que lui aussi est trop bourré pour savoir ce qu'il me raconte.

Mais on se sent bien, l'un à sortir des conneries, l'autre à faire semblant de les écouter. C'est là qu'on comprend qu'on est vraiment meilleurs potes : on reste collés même en soirée.

Il faudrait changer le mec qui s'occupe de la musique, les basses sont trop fortes, j'ai l'impression d'avoir le crâne qui vrille. Je ne serais pas contre un petit slow, ou même qu'on coupe les enceintes.

Tiens, je vais me resservir un verre. Je vais devoir abandonner mon meilleur pote pendant quelques instants.

Léa me fonce littéralement dedans. Mais je ne râle pas, ça me fait même plutôt rire. Elle me demande de lui tenir son verre, le temps qu'elle... j'ai pas compris, elle parle pas assez fort. Bon, je vais l'attendre et surveiller son verre le temps qu'elle fasse ce qu'elle a à faire.

Ça, c'est un signe qu'on est un mec bien : elle n'aurait confié son verre à personne d'autre, parce que je suis le seul en qui elle a vraiment confiance. Peut-être le fait que je sois gay, et qu'elle est en quelques sortes ma "fag hag", comme elle dit.

Pendant que je protège sa boisson, je m'autorise à regarder un peu les bouilles des mecs présents à cette soirée. Je n'étais pas venu pour ça à la base, mais ça ne fait pas de mal de se rincer l'oeil.

Cheveux bouclés, chemise à moitié ouverte, peau bronzée, pectoraux bien gonflés, dents trop blanches... Beurk. Aucune personnalité, ça se voit en un coup d'oeil. Et il doit certainement être hétéro. Je décide quand même de le suivre du regard, même si je ne m'attends à rien de sa part. Il parle à une fille, je n'arrive pas à entendre ce qu'ils se disent, mais elle semble complètement défoncée et sourit comme une conne.

Un gars arrive à ce moment-là, il essaye de se faufiler entre les deux pour se frayer un chemin. Mais le mec sans personnalité le stoppe brutalement. Je crois qu'il commence à s'énerver, il a dû croire qu'il essayait de lui piquer sa proie, ou quelque chose du genre. Il le pousse légèrement, et le pauvre gars perd ses lunettes.

Il faut que j'agisse, mon instinct prend le dessus et je vais les voir sans me poser de question. Je lui gueule :

  • C'est quoi le problème ?
  • Il m'a poussé ! lance le mec aux cheveux bouclés et à la chemise à moitié ouverte.

Nan mais quel culot. Je vais pas te laisser t'en tirer comme ça, mon coco.

  • Nan j'ai vu la scène de là-bas, il t'a rien fait connard.

J'avoue que j'étais pas obligé pour le "connard", c'est sorti tout seul de ma bouche.

  • J'en ai rien à foutre, laisse-moi tranquille.
  • Arrête de me postillonner à la gueule, j'ai déjà pris ma douche.

Il faut vraiment que je l'ignore, j'ai pas envie de m'énerver avec lui. Alors je laisse tomber l'affaire, ça vaut mieux.C'est aussi parce qu'il a des bras trois fois plus gros que les miens, et que j'ai pas très envie de goûter à ses poings.

Je me retourne vers le pauvre petit gars qui s'est fait bousculer, en train de chercher ses lunettes en tatonnant par terre. Il risque de se faire marcher sur les mains, le bougre. Je décide alors de me baisser et de chercher avec lui, au milieu de cette forêt de jambes.

Et je ne mets pas longtemps avant de les retrouver. Je les lui tends avec un grand sourire. Pourquoi il me regarde comme si je venais de lui sauver la vie ?

  • Merci beaucoup ! fait-il. Je peux rien faire sans mes lunettes.
  • C'est rien, t'inquiète pas. J'allais pas laisser cet enculé te faire du mal !
  • C'est rare que les gens viennent m'aider... Souvent ils restent dans le coin et se foutent de ma gueule. Je suis un peu la victime de tout le monde.

Je ne sais pas pourquoi, mais ce gars me donne un sentiment bizarre. Je n'arrive pas à décrire ça, ce n'est pas de la pitié, je crois que c'est de l'affection pour lui. Son regard a l'air tellement vide, le pauvre... Je ne sais pas quoi dire, et je pense que c'est mieux ; parce que vu mon état, j'aurais sûrement sorti une connerie.

  • Moi c'est Evan ! me lance-t-il en me tendant la main.

Je ne peux pas m'empêcher de sourire.

  • Enchanté, moi c'est Antoine. J'suis désolé mais j'dois retourner voir mon pote !
  • D'accord, merci beaucoup hein !
  • C'est rien, t'inquiète !

Son sourire me perturbe. Il y a quelque chose de bizarre dedans, comme un arrière-goût que je n'arrive pas à détecter. J'aurais aimé être plus sobre, j'aurais probablement compris ce que cache son regard... Enfin bref, c'est pas grave, je vois Léa à côté de la table qui discute avec mon meilleur pote. Ça me fait penser que j'avais son verre dans la main depuis le début, il faut que je le lui rende...

Mais soudain, je sens une main sur mon épaule qui me retient.

Je me retourne, et vois que c'est Evan. Il veut quoi ?

  • Attends... soupire-t-il.

Là, son regard est vraiment inquiétant, j'ai l'impression qu'il est presque suppliant. Ses ongles s'enfoncent dans mon t-shirt, je remarque que son front est humide.

  • Qu'est-ce qui y a ?

Il s'approche doucement de moi, et colle presque sa bouche à mon oreille. Puis il me chuchote :

  • Va dans la salle de bain.

Je fronce les sourcils et je me mets à le dévisager.

  • Hein ?
  • Fais-le, s'te plaît. Vas-y...

Son "Vas-y..." sonne bizarre. J'en ai la chair de poule. Il me faut du temps pour réfléchir, peut-être qu'il sait que je suis gay, et qu'il veut tout simplement qu'on...

  • D'accord... je bredouille, pas trop convaincu.

Je ne sais pas trop dans quoi je suis entraîné, mais je m'en fous un peu. Je pense qu'il vaut mieux faire ce qu'il dit, je ne vois pas ce qui pourrait m'arriver. Je passe juste voir Léa pour lui rendre son verre, et j'invente un prétexte bidon pour m'éclipser aussitôt.

Ça y est, j'y suis. Personne ne squatte la salle de bain pour une fois, je me retrouve donc tout seul. Je m'adosse contre le carrelage au mur et j'attends. Je ne sais pas combien de temps il va falloir que je poireaute, peut-être qu'il ne va même pas venir...

C'est là que j'entends plusieurs coups de feux venant du salon.

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