036 Assiégés
Quand Christa revint à elle, la première chose qui la frappa fut la fraîcheur du lieu : elle n’était plus dans le désert. Il lui fallut un peu de temps pour accommoder sa vue. Tout d’abord un plafond blanc. Elle était allongée sur un lit médicalisé. Elle tourna péniblement la tête et aperçu une silhouette à coté d’elle. Cela lui pris encore quelques secondes pour reconnaître Erin. Celle-ci lui sourit (et oui, aussi incroyable que cela pouvait paraître, cette guerrière endurcie était capable de sourire).
— Ça va. Vous êtes en sécurité, dans l’infirmerie de la mine. Reposez-vous. On parlera plus tard.
Elle se redressa et manipula son oreillette, mais Christa était encore dans le brouillard. Elle entendait la voix d’Erin comme une petite musique, sans être capable de comprendre les mots.
Brusquement, elle revit les mineurs qui l’entouraient en vociférant, la bousculade, les coups. Elle poussa un cri en essayant de se redresser. Erin la pris par les épaules et doucement mais fermement la fit se rallonger.
— Calmez-vous. C’est fini. Vous êtes en sécurité ici.
Rassurée par la présence de la mercenaire Christa se laissa aller. Une larme glissa sur sa joue. Pourquoi pleurait-elle ? Elle ne le savait même pas. Les derniers événements tournaient dans sa tête, sans qu’elle arrive à les comprendre. Elle ressentait la haine de ces hommes, la chaleur du désert. Elle était bien dans cette chambre, la fraîcheur des draps l’apaisait… Elle s’endormit.
Quand elle se réveilla à nouveau, le jour avait décliné. Il faisait assez sombre dans la pièce et personne n’était resté à son chevet. Elle se redressa avec précaution et s’assit au bord du lit. La tête lui faisait mal. Elle tâta son front. Il était entouré d’une bande de tissu. Elle était blessée ? Impossible de se rappeler précisément ce qui s’était passé. Elle resta ainsi quelques minutes puis, fatiguée, se rallongea.
Au bout d’un moment, la porte s’ouvrit, et elle aperçut Carlos. Elle lui fit un petit signe de la main.
— Ah, vous êtes réveillée ! Je vais chercher le chef.
Il ressortit tout de suite. Quelques minutes plus tard, Erin apparut. Elle apportait un plateau avec une petite collation. Christa se rendit compte qu’elle avait faim. La mercenaire l’aida à s’asseoir, et approcha une tablette du lit, pour qu’elle soit plus à l’aise.
Entre deux bouchées, Christa demanda ce qui s’était passé. Erin haussa les épaules et se contenta de répondre :
— Steve vous expliquera.
Christa avalait sa dernière bouchée, lorsque celui-ci fit son apparition. Il échangea deux mots avec Erin qui s’éclipsa, et s’approcha du lit.
— Ça va ? Vous vous sentez comment ?
Christa fit un effort pour lui sourire.
— Comme quelqu’un qui vient de faire un séjour dans un malaxeur. Je suis moulue. Mais à part ça, vous voyez, j’ai de l’appétit.
Steve pianota avec les doigts sur la tablette.
— Malheureusement, ce n’est pas le moment rêvé pour aller au « Belles Roches ». Nous sommes assiégés.
— Comment ? C’est quoi cette histoire ?
— Il faudrait peut-être que je commence par le début. Vous aviez promis d’être prudente. Pourtant, lorsque je vous ai retrouvée, vous étiez à deux doigts de vous faire lyncher.
— Ca je m'en souviens, merci. Mais pourquoi ces hommes étaient-ils si agressifs. Je ne leur ai rien fait.
— Vous non. Mais ils ne le savent pas. C’est Hugues Milton qui m’a tout expliqué. Vous étiez en train de partir lorsqu'il m’a contacté de la part du Président. Celui-ci voulait que nous transformions la mine en fortin, et, surtout, que personne n'en sorte. Comme vous étiez sur la route, j’ai organisé tout de suite un commando. Quand nous vous avons retrouvée, vous étiez entourée d’une foule de mineurs très…excités.
— Ça je m’en rappelle aussi.
— Nous avons fait le ménage, rapidement mais sans effusion de sang : quelques coups de feu en l’air, des rayons paralysants pour ceux qui n'avaient pas reculé assez vite, la routine quoi. Extraction de la victime en moins de trente secondes. Garantie «satisfaite ou remboursée».
Christa hocha la tête, pensive.
— Cette fois je crois que c’est moi qui vous doit un repas fin.
— J’ai fait mon boulot c’est tout.
— Vraiment ?
Malgré la situation, elle n'avait pas pu s’empêcher de taquiner Steve. Elle s’amusa à voir son embarras. Elle en rajouta une couche.
— Je suis persuadée que vous auriez fait la même chose pour n’importe lequel des employés de la mine, avec la même célérité, le même engagement personnel.
Il comprit qu’elle se moquait de lui et la menaça de l’index.
— Attention ! Si vous le prenez comme ça, la prochaine fois je vous laisse vous débrouiller toute seule.
— Avouez que ce serait dommage.
Elle posa sa main sur son bras.
— Je vous remercie du fond du cœur. Ce fut une expérience… pénible. Mais cela n’explique pas pourquoi ces mineurs étaient si en colère.
— C’est vrai. En revenant ici nous avons transformé la mine en camp retranché. Ensuite, j’ai recontacté Milton, pour lui tirer les vers du nez. J’étais assez énervé. Je lui ai reproché de nous cacher des informations vitales pour nous. Il a fini par cracher le morceau.
— Alors ?
— Alors, la Direction de la Société Intergalactique des Mines a reçu un dossier, émanant d’une certaine Christa Kalemberg. Cette géologue, reconnue pour ses compétences, expliquait que, suite aux derniers mouvements de terrain, l’ensemble de la mine était impraticable. Elle précisait aussi que, de toute façon, le gisement était presque épuisé. Il n'était donc pas justifié d'effectuer les travaux nécessaires à la relance de l’exploitation.
— Mais c’est faux. Je n’ai jamais écrit un tel rapport. Le gisement est encore largement exploitable !
— Je m’en doutais. Je savais que vous n’aviez pas scanné l’ensemble de la mine. Ce document était donc un faux.
— Mais qui a pu le faire ?
— Le Président. Il avait votre rapport, il en a modifié le contenu et envoyé le faux à sa direction.
— Pourquoi a-t-il fait ça ?
— A cause de ce que vous avez trouvé dans le puits numéro quatre. Grâce à ce faux rapport, la direction va décider de la fermeture définitive de la mine. Le Président va en profiter pour la racheter en sous-main. Ainsi, votre découverte lui appartiendra.
Christa écoutait les explications de Steve, abasourdie. Celui-ci continua ses explications.
— Malheureusement, son message a été intercepté par le syndicat des mineurs. Ils n'en ont pas cru leurs yeux, eux qui sont bien placés pour savoir que la mine est encore exploitable. La fermeture du site va les précipiter dans une misère noire. Vous devinez leur colère ! Ils ont décidé qu'il était urgent de faire comprendre, à la Société des Mines et au gouvernement de Solera, qu'ils n'avaient pas l'intention de se laisser faire. D’où la manifestation dans laquelle vous êtes allée vous coller, vous qu’ils considèrent comme l’auteur d’un rapport mensonger.
— Pauvres gens. Je comprends tout maintenant. Mais vous me parlez de Hugues Milton... Excusez-moi, mais je n’ai pas encore les idées très claires… Quel rapport avec le Président…
Steve eu un petit ricanement et fit un geste explicite avec ses doigts. Christa devint rouge comme une pivoine.
— Hum…Bon. Et cette histoire de siège ? Vous avez bien dit que nous sommes encerclés ?
— Les mineurs n’ont pas apprécié notre intervention. De toute façon, ils voulaient occuper la mine. Alors, nous sommes retranchés dans le bâtiment administratif, et eux bloquent l’entrée du site. Donc nous sommes encerclés. En plus ils semblent armés.
— Vous croyez qu’ils vont nous attaquer ?
— C’est possible. J'ai l'habitude de ce genre de situation. Dans un premier temps chacun montre ses muscles. Puis, des négociations s'engagent. Généralement elles n'aboutissent pas, chacun campant sur ses positions. Alors commence une phase d'intimidation avec des escarmouches. Plus tard, la violence monte d'un cran et c'est la vraie épreuve de force. Dans notre cas ils devraient attendre la nuit pour essayer de nous surprendre.
Christa pâlit et se voilât la face de ses mains.
— Mon Dieu ! Moi qui croyais être tirée d’affaire. Ça va recommencer ?
— Non. Cette fois nous sommes tous ensemble. On va tenir le coup.
Il repoussa la tablette et s’assit sur le bord du lit à coté de Christa. Il se pencha vers elle et lui posa la main sur l’épaule.
— Christa. Personne ne touchera à vous. Je vous le promets.
Sa voix était devenue rauque. Malgré la panique qui l’envahissait, la jeune femme sentit la détermination du mercenaire. Épuisée, elle se laissa aller contre son épaule. Steve la laissa faire, mais il se sentait un nœud à l’estomac. Comment allait-il pouvoir tenir sa promesse ?
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