V. Le bûcheron
Le bûcheron
Le rugueux bûcheron abat le fort tronc noir,
Synchronisé avec la pluie et le silence.
Chaque coup devient un regain d’espérance ;
L’arbre cueilleur d’années tombe de désespoir.
Les feuilles affranchies forment une tornade,
Empourprées par l’automne, animées par la mort ;
Le très morne abatteur rechute dans l’effort,
Dans son inexorable et longue tâche fade.
Une feuille vieillie, sans vie, sanguinolente,
Tourbillonne et frétille une seconde en l’air.
C’est qu’elle a vécu pour cet instant éphémère,
Cet ultime ballet, disparition errante.
S’arrêtent un moment les rythmes implacables,
Le bûcheron dévoile un regard argenté,
Son éternel rictus gagne en sincérité –
Ou ne serait-ce qu’une impression falsifiable ?
La hache monte haut, brillante de résine,
Lentement l’acier se retrouve éclairé,
Cette hache étoilée s’élance, libérée,
Déchirant le bois plein d’agonies, héroïne.
Le bûcheron détruit, fou de travail, bourreau,
Ses muscles sont bandés, son visage se ride,
La lame libre, allègre occit le bois humide.
En cet instant et plus jamais, c'est un héros .
Ce cyclope sera détruit par son labeur,
Son corps, ses os seront soufflés par le zéphyr,
Ses larmes couleront après son froid sourire.
C’est qu’il aura vécu, contre son gré rêveur.
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