XIII. Un accident du crépuscule
Un accident du crépuscule
Une voiture file avec son conducteur,
Deux voyageurs d'une fin d'or d’après-midi
Sur l'autoroute longue et grise, sans lenteur.
Ils ont quitté l'enfer urbain, l’été hardi ;
Là-bas les gratte-ciels gris et transis se fondent
Dans l'horizon lointain, décor déchiqueté.
Le bitume noircit, l’air si chaud se fend d’ondes,
L’homme est vite oublieux de la lourde cité.
Les écrans anti-bruit font tous la sourde oreille,
Ils veillent, bornés, sur l’autoroute et ses bolides,
Emprisonnent les sons, les forcent au sommeil,
Maintiennent le goudron dans une grande ride,
Mais ne parviennent à cacher les fines têtes
D’acier et les cous tordus des réverbères,
Pas encore allumés, leur métallique arête –
Sans cesse dressée pour répandre leur lumière –
Dévertébré, fluide et longue ; leur rectiligne
Alignement sans vie, semblable à une échelle.
Là-bas les cumulus arborent les insignes
Du crépuscule ambré, ils passent sous tutelle
Du rose et du rouge et du pourpre et du vermeil.
Le ciel s’emplit d’une cicatrice éphémère,
De roses fusillées, des veines du soleil.
L’astre immolé, blessé s’écrase sur la Terre.
La ville de béton s’est changée en campagne ;
Une butte, des géants blancs - les éoliennes -
Qui tournent sans arrêt – on les croirait au bagne –
D’hélices animés, moulins de porcelaine,
Geôliers de la brise, oiseleurs du zéphyr.
L’autoroute en sommeil les dépasse trop vite,
L’hématome béant et souriant l’attire,
Les vastes, violacés panaches qui s’effritent
Dans la nuit tandis que la paupière s’affaisse,
Celle de l’homme qui trébuche et qui passe,
Une paupière vidée qui efface
Les lueurs du cadran des vitesses.
Brusquement, un coup de volant !
Erèbe se débarrasse
D’un dernier accident.
Ru, perles de sang,
Membres broyés,
Bas-côté.
Plus rien...
Fin.
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