XXXIV. Les Anges

Une minute de lecture

Les anges

La nuit s’est allongée sur un vieux clocher noir ;

Dansent des galaxies sur ses voûtes mystiques,

On peut voir des vitraux dans l’onde du lavoir.

Là demeurent figés les anges archaïques.

Comme d'obscurs croquis rouille, verre et ivoire,

Ils ouvrent tendrement leurs ailes mosaïques

Et paraissent dormir, éveillés dans le soir...

Mais ils vous guettent, droits, enchâssés, maléfiques !

Soudain, l’église se métamorphose

Elle agonise puis se stabilise

Le temps d’un bouleversement des choses

Surgi du noir comme un rêve lucide

Se dresse un dôme d’ardoise grise

Qui dévore les ciels invalides

Car oui ; les ténèbres sont lumière

Sont en guerre

La nuit est marbrée par ses nécroses

Lueurs roses

Là-haut encor, souvenirs mythiques

Historiques

Tournicotent les vieux séraphins

Enfantins

Rendus sales et gâteux par l’âge

Par la rage

De n’être plus que des silhouettes

Allumettes

Fines et consumées, toutes droites

Dans la boîte

La boîte-musée, boîte-prison

Sans tisons

Qui risqueraient de les rallumer.

Opprimés

Les hommes oiseaux tentent de s’enfuire

Et de luire

Leur pureté noircirait les cieux

Et les dieux

Les nouveaux dieux qui les remodèlent

Sans leurs ailes.

Tout ce qui naît et meurt sur les lèvres des hommes.

Emprisonné par le temps

Ces béats anges médiévaux

Sont usinés par le vent

Et rendus identiques

À leurs frères et descendants

Ces divinités renouvelées

Appelées

Les anges apatrides

Ils déploient arrogamment

Leurs ailes d’acier corrodées

Par la puissance acide

On les dit placides et cupides

Car ce sont des cueilleurs d’étoiles

Perchés sur la Tour Eiffel

Ils chassent Bételgeuse sur l’épaule du géant

Et le soleil au cœur de son étang

On les a boutés hors de l’Eden

Qu’importe

Ils se sont stellarisés eux-mêmes

Maintenant ils décrochent une à une

Les constellations et la voie lactée

Déicides avisés

Ce sont eux qui ont tendu

La peau orange et nettoyée de la nuit nue

Au dessus des villes-Tantales

Pour éclairer quelques Dédales

Et laisser les hommes vivre un peu

Avant qu'enfin le monde et ses dieux

Ne s'estompent.

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