Accoudé à la barrière, je siffle entre mes doigts. Ce bon gros feignant va venir tout seul, je n'ai pas l'intention de crotter mes bottes pour aller le chercher au fond de son pré ! Et puis, il sait bien qu'il aura un morceau de pain dur en récompense, alors il ne tardera pas. Autour de moi, l'effervescence d'un samedi après-midi au centre équestre : des gamines qui brossent leur poney, des ados qui s'échangent des photos de leur cheval préféré, la monitrice qui appelle ses élèves pour la leçon suivante...

Moi je n'irai pas tourner en rond dans le manège avec elles, mon cheval m'en voudrait trop. Lui et moi préférons de loin une balade en forêt, entre mecs. Cheminant entre les arbres, lui grignotant un brin d'herbe ou quelques feuilles glanées au passage, et moi emplissant mes poumons de l'odeur printanière de la forêt.

Voilà Strokkur qui s'arrête devant moi, les yeux cachés derrière ses crins, les oreilles en avant et les naseaux frémissant d'impatience qu'il glisse dans le licol que je lui tends. D'un coup de langue il attrape le bout de pain sec que je lui destinais, et j'ouvre grand la barrière pour lui permettre de sortir du pré à ma suite.

Lorsque nous arrivons dans la cour, toutes les têtes se tournent vers nous, et j'entends les soupirs et les commentaires, tandis que toute la gent féminine du club nous entoure :

"Strokkur il est trop beau !"

"Il est tellement mignon, ce cheval..."

"J'adore sa crinière !"

"Je peux t'aider à le brosser ?"

Décidément, ce cheval est un appeau à gonzesses...