Sur la piste du sens
Ils avaient marché tout le jour, comme pour rattraper le temps qu’ils les avait fui ce matin là, alors que l’Oubli frappait Saber. Cela avait été une progression lente, prudente : même si leur voyage débutait à peine, le lieu était déjà hostile. L’épaisse végétation les avait freinée, leur avaient coûtée bien des efforts, mais finit par leur céder un passage – qu’elle obstrua sitôt après eux. Sénder, avait mené ses compagnons tout du long. Il était celui qui se souvenait des chemins et des lieux auxquels ils menaient. De fait, il les devançait toujours de quelques mètres, suffisamment pour pouvoir les guider ou fuir selon les besoins : le voyage devait continuer, quoi qu’il en coûtât. Ainsi, il s’était souvenu du nom de Saber, car avec lui, ils étaient les indispensables de l’expédition, ceux dont la disparition provoquerait son échec immédiat – le premier cercle et le dernier bastion à la fois.
Il était sorti le premier des bois denses qui les avait cernés jusqu’à présent. Réalisant qu’il venait de passer les limites du monde qu’il connaissait, il s’arrêta – comme pour marquer l’événement. Devant lui, une plaine immense et verdoyante s’étirait jusqu’à l’objectif – déjà visible à l’horizon. Il estima la distance : cela n’allait pas être simple. Le regard fixe, il photographia le panorama, cherchant à mémoriser un lieu, à fixer un repère. Les autres arrivaient enfin quand il remarqua non loin un grand rocher sortant de terre, une sorte de promontoire, qui dominait largement un cours d’eau paisible. Son instinct animal l’excita suffisamment et il considéra le lieu comme le plus sûr abris possible afin de passer la nuit. Il s’élança, ne laissant à ses compagnons que quelques secondes de répit. Lui menait, les autres devaient suivre, c’était le contrat. Pour l’heure, ils parvenaient à tenir la distance, mais qu’en serait-il après plusieurs jours d’efforts ? Allait-il devoir ralentir l’allure ? Le faire reviendrait à se suicider collectivement or ils n’en avaient pas le luxe – ni l’envie en ce qui le concernait. Ils leur faillaient atteindre l’objectif – cette masse sombre et informe qui se hérissait au loin – même s’il ignorait pourquoi. Saber, lui, le savait, ça lui suffisait : chacun son rôle, c’était une question de survie.
Il parcouru la distance, entre lui et l’abri, assez facilement – l’endroit était luxuriant, mais suffisamment plat pour céder à son envie de vitesse. A première vue, le promontoire correspondait à leurs attentes : peu de stimulations pour Saber, un unique accès à retenir pour lui et pour Harga, des occupants dociles à éliminer. Ils seraient vite couchés et le lendemain ils reprendraient leur chemin. Un chemin qu’ils parcourraient à toute vitesse – comme poursuivis pas une menace innommable.
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