10 - Pixel Bar
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Titus fit jouer ses contacts et notre contact nous donna rendez-vous le soir même dans un rade minable au fond d’un chan privé et crypté du Ret profond. La décoration pixelisait un max, mais elle semblait composée de poissons empaillés, de vieux filets de pêche et d’étoiles de mer en plastique sur une peinture bleue décrépie. L’objectif était probablement d’évoquer l’exotisme des plages du pacifique sud, moi ça me donnait plutôt le mal de mer et envie de gerber. Le troquet était tellement minable qu’il n’y avait même pas une carte en RA pour accueillir les clients.
D’un mouvement du menton, le bel apollon que Titus s’était choisi pour avatar me désigna notre homme. Il était là, accoudé au comptoir en train de se descendre des shots de tequila. Une tête d’iguane sur un corps humanoïde, sec comme une trique, en uniforme de vigile avec un gros logo de Quetzal dans le dos. Bien joué la discrétion !
Nous nous installâmes chacun d’un côté, perché sur un tabouret. Titus commanda la même chose pour nous deux.
— Alors, c’est vous les potes de Miguel ?
— Ouaip, c’est nous ! répondit du tac-o-tac Titus.
— Bon qu’est-ce que vous voulez, je n’ai pas que ça à faire, moi. Et je vous préviens, je ne ferai rien qui pourrait me faire perdre mon job ! J’ai bien trop galéré à le décrocher.
— T’inquiète pas mon gars, dis-je. On veut juste discuter un brin.
— Discuter un brin ? Ouais, c’est ça. Je les connais les gars comme vous. Et je n’ai pas franchement envie de parler avec.
— D’après ce qu’a m’a raconté Miguel, t’as pas trop le choix en fait.
L’avatar iguane se figea quelques secondes avant de se reprendre.
— Puisque Miguel me demande de vous rencarder, je vais vous rencarder. Bon, je vous écoute alors, dit-il entre deux gorgées.
— T’étais en poste martis dernier ?
— Non, mais j’ai entendu parler de cette histoire. Tu parles, ils étaient tous furax au taf. Les grands pontes ont débarqué, on s’est pris un audit sur la gueule. Des têtes vont tomber et de nouvelles procédures vont être mises en place. Comme si on avait que ça à foutre.
— Oui, j’imagine que ça la fout mal en effet, compatissai-je faussement.
— Oui, il parait même qu’il y a un sénateur qui a pondu un caca nerveux et qui menace de nous retirer des contrats. Bref, ils ne font pas les fiers dans leurs beaux costumes.
— Et sais-tu ce qui a été volé ?
— Non. Aucune idée. Nous, on nous demande de déplacer des caisses, pas de savoir ce qu’il y a dedans. Mais vu le tintouin, ça doit couter bonbon !
— Et le sénateur, intervint Titus. Tu sais qui c’est ?
Il haussa les épaules de quelques pixels.
— On n’est pas payé pour poser ce genre de question…
— OK, OK, toi tu déplaces des caisses, je crois qu’on a compris…
Titus me lança un regard interrogateur. C’était une impasse. Son gars s’avérait être une tanche. Il s’accordait parfaitement avec le décor. Il ne nous avait pas appris grand-chose.
— Bon, ben si c’est tout ce que vous vouliez savoir, moi je vais filer, dit-il en engloutissant son dernier shot. Ha et heu… J’ai quand même réussi à récupérer ça pour vous, dit-il en se déconnectant sans régler l’addition.
Une demande de téléchargement apparut. Il s’agissait d’un fichier vidéo holographique. En passant le fichier en vitesse accélérer, je me rendis vite compte qu’il s’agissait de l’enregistrement d’une caméra de surveillance, la même vidéo que ce connard de flic m’avait fait voir lors de mon interrogatoire.
— Merci, mais déjà vu, marmonnai-je pour moi-même.
— Désolé mon gars, je pensais que ça aiderait, essaya Titus.
— Putain ça me gonfle. Un sénateur, du matos militaire… et on me fait porter le chapeau…
Je lâchai quelques sesterces pour régler nos consommations.
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