La Boussole Magique

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— L’automate magique est une découverte récente, il ne faut en aucun cas le confondre avec le golem bien qu’ils partagent certaines caractéristiques… d’ailleurs, qui peut me dire ce qui les distingue ?… oui le golem est « plus ancien », bravo Théodule, mais ce n’était pas difficile à deviner… les automates sont en métal, c’est vrai mais il existe des golem de cuivre et de fer… ah, les automates ont été mis au point par les gnomes, très bien Alvin. Rien d’autre ? Messire Archibald, êtes vous avec nous ?

La cave qui servait de salle de cours était exigüe, humide et mal éclairée, mais la douzaine d’étudiants devraient s’en contenter : les cours de « forgerie magique » n’était pas assez prestigieux pour mériter une salle confortable.

— Bien sûr Maître, je vous écoutais, bien sûr… quelle était la question ? Les golems et les automates ? C’est pourtant évident : un automate est une créature animée par des pièces mécaniques activées par des éléments magiques alors qu’un golem est une créature totalement magique. L’automate n’a que très peu d’autonomie et n’effectue que des tâches simples, il faut régulièrement mettre à jour ses instructions car il ne peut faire face à l’imprévu. Le golem au contraire possède une forme d’intelligence qui lui permet de comprendre des instructions complexes, mais il arrive que le créateur en perde le contrôle…

— Cela suffit, coupa le Maître. Vous ne dormiez pas, me voilà convaincu. Pourriez-vous me montrer cet objet qui semble vous passionner plus que mon cours ?

Lioren Alcanor, Haut-Magistère de l’Université de Brocéliande, était un grand gaillard roux doté d’une impressionnante musculature, développée lors d’un long apprentissage auprès d’un mage forgeur d’automates. Il était partagé entre la contrariété de voir un de ses étudiants distrait par un gadget pendant son cours et une certaine admiration devant l’aplomb et la pertinence de sa réponse.

— C’est une boussole à golem, elle appartient à Antonius. Il m’a chargé de vous demander un certificat d’orthodoxie et j’attendais la fin du cours pour vous le montrer.

— Mais vous avez éveillé ma curiosité, faites moi voir cela… J’ignorais qu’Antonius pratiquait les enchantements.

L’apprenti lui tendit l’objet. Le magistère l’examina avec fébrilité. Puis, une perplexité grandissante s’afficha sur son visage.

— Elle a été fabriquée par Nécros, c’est pour ça qu’il a besoin d’un certificat… J’ai l’impression qu’elle ne fonctionne pas très bien, il y a une sorte de signal fantôme qui apparaît et disparaît à intervalles irréguliers… comme si un golem en déphasage se promenait dans l’université.

— Ou simplement une breloque magique que cette boussole identifie comme un golem par intermittence, fit le Magistère en fronçant les sourcils. Allez au bureau des arcanistes, au bout du couloir, il y a normalement trois Magelames de garde. Expliquez leur l’affaire, montrez leur votre gadget et – surtout – laissez-les prendre les choses en main. Ce n’est peut-être rien du tout, mais je ne veux pas prendre de risques.

S’il fut étonné de recevoir ces instructions, Archibald n’en laissa rien paraître. Il n’eut pas de mal à trouver le bureau des arcanistes. Un guerrier vêtu d’une armure de cuir plaqué de bronze en gardait l’entrée. Sa tête était recouverte d’un impressionnant casque de bronze. Il faisait les cent pas dans les couloirs.

— Magelame ! S’exclama Archibald.

— Magicien ! Répondit le magelame.

— Le Magistère Alcanor m’a chargé de vous montrer cette boussole à Golem. Elle indique de manière assez chaotique la présence d’un golem.

— Faites voir ! … c’est étrange en effet, mais ça n’a rien d’alarmant. Certains objets magique anodin peuvent perturber les sorts de détection. Merci de m’avoir informé, vous pouvez me rappeler votre nom ?

— Archibald Ascoviel, apprenti de Sylvestre.

— Bien, retournez à votre cours et ne vous inquiétez plus, je vais alerter le sergent de garde et il saura quoi faire.

— C’est vous le sergent de garde, s'exclama Archibald avec étonnement. Vous en portez l’insigne sur l’épaule.

— Ah, c’est vrai…

Et d’une frappe rapide du tranchant de la main, le magelame mit le jeune apprenti hors d’état de poursuivre sa réflexion.

Puis, il traîna le corps de sa victime à l’intérieur du bureau des arcanistes, ou les corps de deux magelames se trouvaient déjà, l’un d’eux dépouillé de son armure.

— En temps normal, j’étudie les grades des uniformes avant de les voler, grogna l’assassin. Mais aujourd’hui j’improvise, parce que je n’ai pas le temps de faire autrement. Dors bien petit magicien, et merci du coup de main.

Et il reparti, avec la boussole…

* * * * *

La piste du Golem était simple, c'était une ligne droite qui menait directement vers le bureau du validateur d'objets magiques, Fizran comprit rapidement ce qu'il cherchait.

— Eadrom doit se trouver dans ce bureau, à moins que ce soit Antonius... ou les deux. Dans tous les cas, il faut que j'arrive avant lui...

Mais les couloirs étaient plus sinueux, Et Fizran comprit rapidement qu'il arriverait trop tard. Pressant le pas, il tomba nez à nez avec un surveillant accompagné de deux magelames. quatre étoiles ornaient le cordon du mage, c'était un personnage redoutable.

— Magelame ! fit le surveillant d'un ton sévère.

Fizran lui adressa un salut militaire.

— Magistère ! Je dois me rendre au bureau de validation des objets magiques. Un apprenti de l'Archimage Sylvestre vient d'avoir un accident en utilisant un objet magique non règlementaire, ça s'est produit chez le Magistère Alcanor il y a quelques minutes, mes hommes sont sur place.

Le magistère réfléchit rapidement: la présence d'un magelame solitaire hors de son secteur était étonnante, mais les explications tenaient la route: Alcanor donnait cours au même moment et Archibald était connu pour se mettre dans des situations désastreuses.

— Allez-y, vous irez plus vite en passant par le couloir transversal, juste devant vous. Le mot de passe du jour est "Rukatoedra Caashfenshu", je vais voir ce qui se passe chez Alcanor et vous me rejoindrez.

Il ne se donna pas la peine de répéter le mot de passe, un authentique sergent des magelames devait être capable de le mémoriser du premier coup, et un expert en tromperie également... Fizran pouvait être satisfait de son mensonge, mais ce dernier présentait un inconvénient majeur: le surveillant ne tarderait pas à trouver Archibald et les magelames encore assomés et donnerait l'alerte... Il ne restait que peu de temps.

Arrivé au bout du couloir, Fizran prononça la formule magique sans la moindre difficulté et le mur s’ouvrit devant lui, faisant place à un large couloir. Il se demanda soudain si le golem – car il était certain d’avoir affaire à un véritable golem – utilisait des couloirs similaires ou un autre moyen. Dans tous les cas, la puissance magique de cette créature devait être exceptionnelle pour déjouer la surveillance de la plus puissante organisation de mages du continent. Et le doute commençait à s’insinuer en lui : serait-il capable de vaincre une telle puissance lui qui ne possédait pas le moindre pouvoir occulte ?

Certes, il avait vaincu de puissants mages, mais dans ces précédents combats, il avait pu compter sur des caractéristiques bien humaines : peur, haine, malice, cupidité… autant de faiblesses dont une créature artificielle était forcément dépourvue.

* * * * *

— Et bien messire Antonius, voici l’inventaire du trésor de Nécros, j’ai souligné en rouge les objets que vous devrez restituer à l’Inquisition dans le mois qui vient : la dague sacrificielle bien entendu, l’Orbe de Chronos que l’Archidevin souhaite étudier avant de décider si vous pouvez ou non la récupérer, le grimoire de cuir noir qui devra être brûlé, le grimoire ordinaire, en raison des annotations dans la marge. Pour ce grimoire, vous serez autorisé à en faire recopier les formules par un scribe assermenté.

Le frère Nicolas s’était exprimé d’un ton neutre, comme s’il s’agissait d’une simple liste de course. Mais la réalité était plus complexe : chaque objet ayant appartenu au Magistère Trevan Ballon, plus connu sous le nom de Nécros, avait été dûment soupesé et sa possession âprement négociée entre le Grand Inquisiteur et GrandOeil l’Archidevin. Ce dernier avait pris en charge les intérêts d’Antonius, à la surprise générale, et en particulier du principal intéressé.

— Quant à cette fameuse « boussole à golem », poursuivi-t-il, je présume que votre ami Archibald obtiendra sans peine le certificat d’orthodoxie…

Le ton de l’inquisiteur venait de s’assombrir : la mention du mage Archibald venait de lui rappeler de déplaisants souvenirs d’indiscipline, de plaisanteries de mauvais goûts et d’échecs personnels. Ruminant ses sombres pensées, il ne s’aperçut pas de l’inquiétude que son silence produisait chez ses interlocuteurs.

— Tout me semble en règle, fit soudain une voix grave et posée. Il ne nous reste plus qu’à signer le protocole d’accord, tous les témoins sont présents,

Cette voix appartenait au chevalier Eadrom, lui et Fradj étaient présents, en tant que témoins d’Antonius.

— Maître Nicolas ? Insista Antonius.

L’interpellé revint brutalement à la réalité.

— Oh ? Je vous demande pardon, j’étais en train de réfléchir aux derniers détails… le grimoire noir à brûler… les formules que vous pouvez recopier… l’Orbe de l’Archidevin… vous pouvez me remettre tout de suite la dague sacrificielle et le grimoire noir, je vais vous signer un reçu.

Un grondement interrompit le débat, le mur du fond venait de s’ouvrir sur un couloir qui n’existait pas quelques secondes auparavant, un magelame en surgit.

— Messeigneurs, fit le nouvel arrivant. Vous ne pouvez pas rester ici, vos vies sont en danger !

Au même moment, le pan de mur opposé s’écroula, entraînant dans sa chute l’armoire aux registres de l’inquisiteur. Ce dernier poussa un cri de rage, qui se mua rapidement en cri de terreur lorsqu’il découvrit la cause de la catastrophe :

Un golem d’acier venait de défoncer le mur.

— Où est le Gardien de Chronos ?

Les yeux sans expressions du golem parcoururent l’assistance.

— Je veux le Gardien de Chronos, répéta-t-il. Les autres peuvent vivre.

— C’est moi ! Je suis le Gardien de Chronos.

Et en prononçant ses mots, Fizran comprit que c’était son dernier mensonge.

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