Chapitre 21
Au milieu d’une bataille enragée, Ushnag avait perdu le contrôle. Les orques, encore certains de l’emporter quelques minutes plus tôt étaient maintenant assaillis au nord par les redoutables guerriers pictes et au sud par une cavalerie bretonne, réduite en nombre mais suffisante pour désorganiser ses troupes. Pour couronner le tout, l’abominable « voix magique » du gnome semait la terreur dans les rangs orques :
Tirez vous d’là tas de cornichons,
on est là pour vous cuisiner,
faire de vous du pâté de cochon
et vous écorcher l’nez !
Fidèle à ses habitudes, le gnome prenait bien garde à rester derrière ses compagnons et ne prenait pas part au combat… Il n’en brandissait pas moins une lame courte au dessus de sa tếte, multipliant les moulinets dans le vide.
De l’autre côté, les pictes avaient vaincu aisément la cavalerie orque et combattaient vaillamment les orques. Har-kull était descendu de sa monture – qui poursuivait le combat de son côté – et cherchait visiblement un duel contre le chef de la horde… il trouva rapidement le Xarkhan Ushnag et les deux chefs de guerre engagèrent un duel qui serait déterminant pour l’issue de la bataille.
— Regardez ! s’exclama Eadrom. Har-kull est en train d’affronter le chef des orques, mais il risque d’être attaqué traîtreusement ! Nous devons couvrir ses arrières.
Malgré leurs pertes, les orques étaient encore plus nombreux que les pictes et les bretons réunis et le risque était bien réel.
— Allez-y, répliqua Fizran ! Il faut que je m’occupe d’un cas plus urgent.
Et il se précipita en direction de l’ours que plusieurs orques portant des torches tentaient de diriger vers un ravin.
— Mais bon sang ! Revenez Fizran ! Ordonna Hugon.
— C’est inutile, soupira Eadrom, il n’en fait qu’à sa tête… mais nous ferons bien le travail à trois…
— Attendez ! protesta Fradj. Ce n’est pas du tout ce qui était convenu…
— Viens, tu seras plus en sécurité avec nous !
— Je suis pas d’accooooord ! Gémit le gnome alors que son cheval suivait ses compagnons.
Arrivé à proximité du combat, Eadrom et Hugon mirent pied à terre et obligèrent les orques à rester à distance d’Har-kull pendant son duel. Le cheval de Fradj ayant fait un brusque écart pour éviter un cadavre de sanglier géant, le gnome se retrouva au sol d’une manière beaucoup moins élégante.
* * *
Sous la menace des flammes, l’ours reculait dangereusement vers le ravin… quatre orques équipés de torches lui fermaient toute possibilité de s’échapper.
Au fond du ravin, d’autres orques équipés de piques attendaient sa chute.
Mais l’ours avait compris le danger, il poussait des hurlements de rage et de dépit en essayant de rester sur un sol ferme, repoussant les orques de ses griffes.
L’un d’entre eux réussit à l’atteindre avec sa torche.
La fourrure s’enflamma aussitôt, mais l’ours ne tomba pas dans le ravin…
par contre, il changea de forme… et bientôt, bras et jambes remplacèrent les griffes, et un picte à la peau décorée de peinture bleue remplaça la bête. Un picte hébété par sa propre transformation.
Ou plus exactement une picte… la fille de Har-kull.
Les orques restèrent sans réaction pendant quelques instant, puis l’un d’eux dégaina son épée et se précipita sur « l’ours », mais avant qu’il ne l’atteigne, un cavalier le dépassa et l’égorgea au passage.
Fizran sauta en bas de sa monture et s’interposa entre les orques et leur victime.
— Tenez bon ! cria-t-il à l’attention de la sorcière picte. Et utilisez votre magie s’il en reste.
La sorcière dégaina deux lames courtes et se plaça aux côtés de l’assassin.
— Il ne m’en reste plus… mais je suis aussi une guerrière ! Pas une princesse qu’il faut protéger !
* * *
Le duel se poursuivait implacablement entre Har-Kull et Ushnag. Har-Kull possédait une énergique qui semblait inépuisable, mais le chef orque avait affronté de nombreux et puissants adversaires pour atteindre la position de Xarkhan. Il économisait son souffle, ce dont Har-Kull semblait incapable et il tiendrait certainement mieux sur la durée que son adversaire…
Har-Kull poussa un terrifiant cri de guerre et abattit son épée sur son adversaire qui put éviter une vilaine blessure au bras, mais il répliqua avec un hurlement bestial et un coup de taille que le chef picte évita de justesse…
Et soudain, l’incroyable se produisit.
Har-Kull fixa son adversaire d’un air hébété en poussant un étrange gloussement.
— Xillir nagshir ! grogna le Xarkhan.
Ce qui signifiait simplement : « je vais te saigner espère de fiente de porc ! », mais Har-Kull ne pouvait être effrayé d’une telle menace, car il n’entendait rien au langage orque.
Et pourtant, le picte prit la fuite… semant la panique dans sa propre tribu.
— Chef Har-Kull ! Revenez cria Eadrom.
De son côté, Fradj contemplait un objet abandonné sur les lieux du duel…
une ceinture de tissus vert coupée en deux.
Et les derniers mots de la chronique de Iontach lui revinrent en mémoire :
« un fort parti d’orques prit d’assaut le château Iontach et en extermina les occupants jusqu’au dernier. Ainsi s’achevèrent en même temps la Baronnie et la lignée. »
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