Chapitre 47 : L'arène
HORIS
Il avait séjourné un temps au sein de l’obscurité sans désirer le retour à la lumière. Du moins, guère dans les conditions actuelles.
Il s’était imprégné du silence même s’il n’était pas seul. Pourtant il aurait préféré un tapage d’une nature distincte.
Il s’était réfugié dans ses pensées, mais il désirait s’y immerger encore.
Retour au point de départ, ainsi ? Pas que je me sois dirigé vers Amberadie aveuglément et de plein gré, cette fois-ci…
La reconnaissance a peu d’importance au contraire de la liberté. Mais ils ont commis l’erreur lors de ma précédente capture, l’espoir est donc mince. Que ma vie s’achève bientôt est une possibilité de plus en plus concrète. Mais ils sauront remporter cette guerre sans moi. J’ai confiance.
Yuma, désolé de ne pas avoir totalement appris de mes erreurs. Noki, excusez-moi d’avoir agi comme un élément chaotique alors que vous aviez peut-être d’autres ambitions pour moi. Médis, Sembi, pardonnez-moi pour m’être séparés de vous. Nous venions à peine de nous retrouver et, pour être honnête, j’ignore si je vous retrouverai.
Papa. Maman. Réniol. Chédi. J’aimerais vous dire que nous serons bientôt réunis. Mais la vérité, c’est que ça n’arrivera sans doute jamais.
Tout s’interrompit avec brutalité, s’affadissait pour réémerger à un moment plus opportun. Sifflèrent les paroles empoisonnées de Badeni qui tournèrent encore et encore dans l’esprit déjà submergé de Horis. Il se remémorait combien les instructions furent claires et incisives. Combien les prisonniers se décomposaient à mesure que la garde progressait dans son discours. Combien les perspectives se réduisaient comme les heures s’égrenaient.
Et la sentence s’appliqua de plus belle.
Ils en sont divertis. Aucun honneur. Pourquoi en serais-je encore étonné ?
Une fente, une embrasure depuis laquelle Horis avait un aperçu de l’arène. Il pouvait clore les paupières s’il le souhaitait, sauf qu’il percevrait le bruit malgré lui, ses bras ligotés bloquant ses mouvements comme sa magie. Condamné à assister, assujetti à témoigner. De surcroît, cinq miliciens armés jusqu’aux dents s’assureraient qu’il ne s’échapperait pas.
Là où s’opposaient éclats et ténèbres gémissaient des âmes en perdition. Sous une grille en kurta, au centre d’une estrade que composaient plus d’un millier de spectateurs, des ombres en forme de losange étaient projetées sur le sable de l’arène. Une telle vue incita Horis à grogner et à pester.
Soyez maudits ! Qu’est-ce que vous gagnez à entretenir un système aussi monstrueux ? Vous êtes plus efficace à massacrer vos citoyens que la bête ne l’était.
Ils étaient une vingtaine à lutter pour leur survie. Eux aussi avaient les poignets liés par du kurta, aussi le combat se réduisait aux possibilités qu’offraient leur corps. Là battaient des cœurs de désespoir. Les uns convergeaient. Les autres détalaient avant d’aviser qu’il n’y aurait pas d’échappatoire.
La survie était leur salut.
Un seul de ces mages sélectionnés connaîtrait ce destin.
Du sang giclait sous les acclamations d’une partie du public. Élancés les uns contre les autres, les mages se ruaient dessus comme jamais ils ne l’avaient imaginé. Sœurs et frères d’hier, adversaires désormais, ils assenaient des attaques sans relâche mais guère sans hésitation.
À chaque coup se suspendaient les spectateurs. Bousculades et morsures se succédèrent. Poings et pieds fracassés sur une chair meurtrie. Des os craquèrent, des plaies suintèrent, des ecchymoses se formèrent.
Bien vite, cependant, des mares de fluide vermeil tâchèrent le sable. Les coups redoublèrent de véhémence, les blessés s’étalèrent à terre sous une violence inouïe. Hurlements et geignements hantèrent plus d’une âme.
Tout ce que l’on est capable de faire avec des mouvements limités… C’est terrifiant.
Nul répit ne fut accordé aux victimes du combat. Une fois vulnérables, à la merci de leurs agresseurs, leur glas se trouvait à une lugubre proximité. Ils ne pouvaient que s’y conformer quand des phalanges resserrées et ensanglantées s’écrasaient sur leur visage. Ils ne savaient que clore les paupières lorsque des semelles déformées pulvérisaient leur crâne.
Par-dessus des bouillies d’organes dispersés se dressaient les survivants, dont le nombre se réduisait davantage à chaque minute. Autour d’eux, au sein des estrades contrastaient des ovations avec grimaces et gémissements de dégoût. Horis lui-même sentait son estomac se nouer et de la bile remonter le long de sa gorge. Plutôt que de dégobiller, il grommela, non à l’intention des mages pour qui des larmes se versèrent.
Et l’affrontement s’étala. Assez longtemps que pour les meurtres s’imprimassent dans l’esprit du public. Assez courtement que pour ne surgît guère la lassitude. Si les mages se tuèrent de similaires façons, le rythme auquel ils s’y prêtèrent évolua à mesure que les dépouilles s’accumulèrent.
Au moment où deux demeurèrent, une figure s’était déjà distinguée plus que quiconque. Une silhouette que Horis regrettât de ne pas avoir reconnu plus tôt. Son torse et son pantalon avaient beau être enduits de liquide vital, son tatouage en forme de spirale détonnaient parmi ses homologues.
Assar assassina l’autre survivant en fracassant ses poings sur ses tempes. Dans l’agonie tonnèrent des acclamations comme des hoquets de stupeur.
Il les a dominés. Violent, impitoyable. Depuis le début, j’aurais dû prédire que ça finirait ainsi. Sa force brute n’aurait pas importé dans des circonstances différentes, mais dans ce cas-ci…
Horis déglutit en détaillant le vainqueur. Lequel enjamba les cadavres sans la moindre esquisse sur sa figure devenue cramoisie. Des vagues contrastées se diffusèrent d’un siège à l’autre tandis qu’il releva peu à peu la tête. Seulement à ce moment Horis repéra la personne qu’Assar fixait.
De l’impératrice, il ne reçut qu’une brève collision des mains. Pourtant une clarté insoupçonnée allégeait ses traits. Bennenike étudia longuement Assar, exigeant de la foule un mutisme complet. Sa voix se répercuta alors sur l’ensemble de l’arène :
— Félicitations, Assar. Mon honnêteté t’est garantie : j’étais persuadée que tu triompherais de ce premier tour. Je méprise l’indépendance trop prononcée des clans nomades d’Ordubie, tout en reconnaissant la combattivité des gens comme toi. Ligotés ainsi, même les mages déconnectés de la réalité en reviennent à la bestialité primaire de l’être humain. Tu m’as impressionnée, tout comme tes nombreux soutiens. Ne tiens pas compte les quelques dégoûtés n’ayant rien à faire ici, ils m’ont profondément déçue. Sache que tu m’as impressionnée, et de ma part, ce n’est pas peu affirmer.
Bennenike s’enrichit d’un silence marquant un répit peu naturel dans son discours. Même depuis là où il se situait, Horis percevait son ricanement.
— Tu pourrais me répondre si tu le souhaitais. Mais tu tiens à respecter ton vœu de silence même à des centaines de kilomètres de tes montagnes natales. Soit, Assar, je n’irais guère contre ta volonté, aussi absurdes soient tes coutumes. À défaut de t’exprimer, tu possèdes deux oreilles bien tendues. Écoute bien ceci : en récompense pour ta bravoure, tu n’affronteras nul autre que Horis Saiden en personne ! Voici venir le plus grand criminel de l’Empire Myrhéen. Tue-le, Assar, et je te rendrai ta liberté ! Vous aurez tous deux accès à votre magie, bien entendu.
La magie comme outil de l’art du spectacle ? Impératrice, quelles autres idées absurdes et nauséabondes rôdent dans votre esprit ? Et je vais y participer contre mon gré… Tant de choses défilèrent en l’espace de quelques secondes. Horis privé de liens, seulement pour riper sur le sable, éjecté d’un coup de pieds par une paire de miliciens. Ces derniers lançant un couteau en direction d’Assar, lequel le saisit en plein vol, et se libéra à son tour. Une porte claquant derrière le mage nouveau venu, dans l’impossibilité de la briser puisqu’elle était entièrement enduite de kurta, tout comme le mur attenant. Comment synthétisent-ils ce métal dans une pareille abondance alors que Khanir avait décapité l’alchimiste ? Si une telle invention se répand au-delà des frontières…
Un amalgame de soutiens et de huées bourdonnèrent pendant que Horis se hissait sur ses pieds. Au-delà des ombres dansantes régnait l’agitation d’un public étonné de l’apercevoir. La confusion l’entravait, mais il devait se ressaisir, car les circonstances plaidaient peu en sa faveur. Mû contre sa volonté, des engourdissements fendaient ses membres, et ses plaies menaçaient de ressurgir.
Assar se rua sur lui. Il ne lui laissa pas le temps de réaliser, ni celui de réaliser.
De justesse Horis déploya ses bras qu’il croisa au niveau de ses coudes. Émergea une protection manquant de se déchirer sous l’impact d’un poing saturé d’un flux pourpre. Sitôt dans la garde de son adversaire, Assar assena un second coup, puis un troisième. Des attaques s’enchaînèrent à une cadence démesurée. Des jets de sable décollaient sur plusieurs centaines de mètres. Des ondes déchiquetèrent l’air sous de véloces salves. Le sol s’ébranlait jusqu’aux limites de l’arène.
Comment riposter ? Les grilles m’empêchent de… Non, pas le temps de réfléchir ! Horis s’incurver face à la multiplication des assauts. Si son bouclier résistait aux sollicitations, si les atteintes se limitaient à de légères lacérations, il savait qu’il cèderait dans un futur proche. De doigts recourbés jaillit alors un flux nouveau. Par filaments bariolés, des éléments naquirent autour d’un adversaire aux narines retroussées et aux rictus persistants. Assar ouvrit une main mais reçut pleinement la projection, à cause duquel il faillit trébucher.
Il chargerait derechef dans les secondes à venir.
Son adversaire restait dans sa vision, dans sa portée. Horis plaqua sa paume sur le sol, d’où émana une lumière opalescente et étincelante, d’où surgirent des étincelles bleutées. Le sort jaillit, rapide, impactant. Surpris, ébloui, Assar échoua à l’esquiver, mais son adversaire ne s’attendait guère à ce qu’il en récoltât volontairement une partie. Il allait au-delà de la douleur, il fusait au mépris du raisonnable.
À l’affadissement de l’éclat se dressait encore la puissante silhouette. Malgré le sang suintant de ses plaies, malgré la puissance du grillage sous lequel il s’opiniâtrait, il sut projeter un impitoyable rayon incandescent.
Horis le dissipa sans effort, avant d’aviser qu’il s’agissait d’une distraction.
Il se déplaça à dextre. Son saut déclencha les applaudissements d’une partie de la foule. Mais l’attaque subséquente suivit une trajectoire incurvée contre laquelle il dut s’adapter. Il se maintint dans la protection au lieu d’esquive. Un instant de suspension, de réflexion avortée, et deux décharges fulgurantes rentrèrent ans une intense collision.
Au déclin des forces ressurgissait le flux, à la consécration du spectacle s’entrechoquèrent d’inarrêtables flots. Des parcelles de sort s’éparpillaient au gré de la volée, mais la majorité irradiait chacun des combattants. Une lutte embrasée atteignait son paroxysme sous le public hautement diverti. Les éléments s’entremêlèrent sans relâche. Pantelant, ils étaient secoués jusqu’au plus profond de leur être. Usés, ils s’acharnaient jusqu’à ne plus tenir debout.
C’est toi ou moi. Pardonne-moi, Assar. Je ne t’en veux pas pour notre passif en commun, mais nous sommes prisonniers, et obligés de nous plier à ces règles épouvantables.
Encore faut-il que je l’emporte…
Horis déploya une charge destructrice. Flammes et étincelles se mêlèrent le long d’un rayon qui se divisa en une multitude d’orbes. Bien qu’il en bloquât une poignée, bien qu’il en dévie une minorité, Assar en récolta la plupart.
Son adversaire sourit à l’étendue de ses grognements que les crépitements étouffaient. Sous l’amalgame d’éclats rougeâtres et jaunâtres perçait la silhouette. Des brûlures déchiraient ses bras, ses jambes et son torse. Ses veines saillaient de sa chair ouverte, enveloppée çà et là de noir cendré, presque éclatante.
Dans l’espoir de le voir flancher s’opposait un rugissement proche de briser le précieux vœu.
Il eut beau trémuler, Horis ne put s’en dérober. D’instinct il se protégea, et ses poings dégoulinant de flux rencontrèrent ceux d’Assar. Tonitruèrent les cris du public au choc colossal, sous lequel se creusait un renfoncement. Assauts après assauts, ils se consacraient inlassablement. Nulle vie alentour ne pouvait se désagréger de leur persistance.
Pourtant se heurta la plus regrettée des limites.
Le jeune homme subit un premier revers. Une onde de douleur le fendit au niveau des côtes, et alors qu’il tentait de répliquer, un uppercut lui fit glavioter une gerbe de sang.
Après quoi il se révéla impuissant face aux assauts. Esquissant un mince sourire, Assar s’appliqua continûment. S’insinuait un flux pernicieux, pénétraient des molestations bientôt mues en géhenne. Les nuances de la magie diapraient au désespoir de Horis. Grésillements et sibilances, sifflements et grondements. Plus son ennemi prenait le dessus et plus ses traits s’allégeaient, comme si le triomphe gagnait en netteté.
Horis, quant à lui, s’enfonçait davantage à chaque seconde. Il avait tant perdu en perspectives qu’il échoua à riposter contre un sort de projection. Des fissures lézardèrent la base de l’estrade contre laquelle il collisionna. Un borborygme s’échappa de sa bouche. Remuer ne fût-ce qu’un doigt lançait des éclairs de douleur dans tout son corps.
Pas terrible… Je n’ai pas fait pour un duel contre lui…
Peu avant, il aurait tressailli à l’approche d’Assar, dont les avant-bras se couvrirent de lignes de flux céruléen. Mais sa vision s’était réduite. Autour de lui s’emboîtaient des ombres si floues qu’elles s’apparentaient à du néant. D’estafilades en cautères, il était paralysé sur place, inapte à se relever.
J’ai vaincu une créature gigantesque et je perds face à un seul gars.
Assar était à sa portée, et exhibait une ambition à laquelle son opposant aurait préféré se soustraire. Agrippant Horis par le col, lequel émit un gémissement imperceptible, il le maintint contre le mur. De sa main il abattit son poing sur le torse. Recommença avant même que son adversaire ne s’en fût remis. Le rudoya impitoyablement. Jusqu’au saignement abusif de ses plaies désormais rouvertes. Jusqu’à la rupture de nombreux os.
Incomparable. J’étais allié avec Nafda, aussi absurde que cela puisse paraître. Une chance m’était offerte et je l’ai saisie. Mais maintenant… Juste bon à les distraire le temps de journée. Pour leur prouver que le célèbre mage a ses faiblesses ? Je le savais déjà. Depuis si longtemps.
Assar venait de lâcher prise à Horis, sans doute lassé. Pour autant ne le voilait guère un sentiment de libération. Étalé sur le sable, le jeune homme anhéla profondément, lui-même horrifié par la quantité de sang qu’il avait perdu. Il se crispa aussi, car Assar écrasait sa paume droite de son pied, du flux s’accumulant autour de sa main, le visage de marbre.
Ce ne fut pas lui qu’il dévisagea.
Au miroitement de l’astre diurne, elle s’érigeait. Aux ovations d’une partie de la foule, elle se hissait. Bennenike toisait Horis du plus profond de son âme. L’on fit silence pour elle. Elle n’attendait que ce moment. Elle jubile. Y’a-t-il pire sensation que de la satisfaire ?
— Je subodore que beaucoup de questions se bousculent dans ta tête, Horis Saiden.
Le concerné cracha une autre gerbe de fluide vital, incapable de formuler quoi que ce fût d’intelligible. De sa main gauche, cependant, il fit couler de légères vagues de flux verdâtre grâce auxquelles il se soignait par bribes. Il gagna du temps en foudroyant l’impératrice du regard.
— Pourquoi t’occire dans ces conditions alors que j’aurais pu t’égorger dans ton opaque et sale cellule ? fit-elle. J’ai évoqué le besoin de spectacle, pour sûr, mais il existe une autre raison. Les techniques de torture habituelles ne fonctionnent aucunement sur toi. Il fallait te faire tomber aussi bas que possible. Pour que tu quittes misérablement ce monde, mais non sans de spectaculaires coups d’éclat des deux côtés.
— Vous êtes une lâche, tança Horis. Vous saviez qu’Assar l’emporterait, et vous saviez qu’il serait en meilleur forme que moi.
— Et alors ? Tous les moyens sont valides pour remporter une guerre. Estime-toi honoré que je te considère comme un formidable adversaire.
— Le sentiment est réciproque… D’aussi haut, par-dessus la grille de kurta, vous êtes bien protégée. Vous n’avez pas seulement peur de moi, mais aussi de votre peuple.
— Le peuple myrrhéen m’aime ! Je me sacrifierai afin de les préserver, et ils feraient pareil !
— J’entends la colère qui gronde. Peu importe le nombre de rébellions que vous materez, d’autres surgiront encore… et la révolte gronde même à l’intérieur de vos précieux murs.
— Toutes périront et je survivrai ! Parce que je suis le premier éclat à l’aurore. Parce que j’incarne la volonté de chaque précédent impératrice et empereur. Ne comprends-tu pas, Horis ? J’ai consacré l’effort d’une existence entière à la félicité de l’Empire Myrrhéen, et par extension de chacun de ses citoyens !
— À l’exception des mages, visiblement. Nous appartenions à cette société tout autant que les autres. Nous y étions intégrés, même, depuis des siècles ! Mais vous avez tout gâché.
— Épargne-moi tes diatribes moralisatrices. Quand on assiste aux fourberies d’une mage comme Elewi Jaas, on ne peut que vouloir réduire leurs machinations à néant.
— Je ne cherche pas à vous persuader… C’est bien trop tard. Et je ne suis même pas sûr que tout le public m’entende non plus… Rien qu’à vous apercevoir, mon sang bouillonne. Mais quand j’ai achevé Nerben, le plaisir était éphémère, et il en sera sans doute de même avec vous… Je ne dois juste pas juste tuer des individus. Je dois anéantir le système qui a favorisé la mise en exécution de leurs plans.
— Tu n’en feras rien. Car c’est maintenant que je somme l’exécution !
Le sort de soin commençait à faire effet. Assez que pour de légers mouvements, insuffisant que pour le délivrer de la fatalité. Pas un écho ne l’anima à l’imminence du trépas. Palabrer était inutile. Jamais ses intentions n’ont été nébuleuses… Seulement les espoirs de victoire.
Bientôt un cadavre paracheva le massacre du jour.
Contre toute attente, Nafda avait bondi jusqu’à leur position. Si véloces qu’Assar ne l’avait pas aperçue, si efficace qu’elle lui cisailla la nuque sans effort. Des jets écarlates l’éclaboussèrent sous les exclamations des spectateurs. Là où dominait le kurta luisait une parcelle courbe et salvatrice de ce métal. Et sa porteuse, les traits plissés à l’extrême, comblées par son œuvre.
Quoi ? Est-ce que j’hallucine ? Horis crut être le plus estomaqué avant de croiser le regard de Bennenike. D’innombrables sillons striaient sa figure tandis qu’elle fixait hargneusement sa protégée.
— As-tu perdu la tête l’esprit, Nafda ? beugla-t-elle. Tu viens de secourir Horis ! Réponds-moi, tout de suite ! Es-tu une traîtresse ? Dois-je t’exécuter avec lui ?
— Vous l’avez avouée vous-même ! répliqua Nafda. Horis est votre plus grand adversaire. Et vous vouliez qu’un simple mage lui porte le coup fatal ? Hors de question. Je me suis jurée de le priver moi-même de sa vie, car il est mon plus grand rival. Organisez un autre duel. Lui contre moi. Vous avez ma parole que je m’y engagerai.
Quand Horis fut emmené, la souffrance le calait peu par rapport à sa confusion.
Il se laissa récupérer par les miliciens, visiblement déçus que son cœur battît encore. Tout le temps qu’il resta dans les limites, jamais ses yeux ne se dérobèrent en dehors de l’impératrice et de l’assassin.
Plus la moindre complicité ne transparaissait de l’expression de la despote.
Au lieu de quoi se consumait la haine révélatrice.
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