Invitation
« C’est à vous que j’écris ce message et à personne d’autre. Parce qu’après toute cette aventure vécue, j’en reviens à mon mariage. Après avoir, comme ce que vous m’avez dit à notre première rencontre, et vous avez tenu votre promesse au fait, merci, vécue les plus grandes peines qu’aucun être de la Terre d’E ne devrait vivre, je reviens au plus beau jour de ma vie où les malheurs que je me suis fait avant ce jour et ceux que j’ai récupéré en revenant ici, sont bien risibles à présent. J’accumulerai assez de peine et de malheur pour toute mon existence et celles de nombreux de mes descendants vous m’aviez dit. Je l’ai retenu tout ce temps et malgré tout ce qui a été vécu. Aussi j’écris ces mots sur ce papier parce que je suis sûr que à tous les endroits où vous êtes ou pouvez être en ce jour, je sais que vous avez votre regard pointé sur mes doigts, ma plume et l’expression de mes sentiments.
C’est à vous que j’écris ce message et à personne d’autre car c’est vous que j’aurai souhaité revoir avant tout le monde en ce jour de mon mariage. C’est vous plus que quiconque j’aurai apprécié avoir dans l’assemblée de tous ces invités. C’est à vous plus qu’à quiconque que je voudrais offrir avec mon mariage un simple instant de joie, de gaité, d’abandon des tracas. Laissez-les-moi entièrement, je revêtirai une fois encore ce manteau gris poussiéreux de la magie de la Terre d’E, à la différence que cette fois-ci vous n’aurez pas à le partager, je le prendrais seul.
C’est vous que j’aimerais le plus inviter à mon mariage. Je vous présenterai à la mariée, ma future épouse. Vous la verrez en vrai, après tout ce que je vous ai dit sur elle, vous apprécierai la voir en vrai. Et je souhaiterai plus que tout sur cette Terre que mon mariage soit béni par un Gardien de l’Equilibre. »
Armand
Tandis que l’assemblée s’était installée devant un autel aménagé donnant sur le lac, devant le château, le marié, Armand avait remonté l’allée entre les sièges des invités jusqu’à cet autel. Au même moment, la Reine Pétra avait passé la porte du château pour rejoindre la chambre de sa fille. Elles allaient remonter l’allée ensemble, main dans la main. Si ce n’était pas de coutume dans l’Empire des Hommes d’aujourd’hui, ni dans aucun de ceux du passé, la Reine Pétra avait des idées de renouvellement des coutumes qu’elle ne manquait jamais de mettre en avant.
Les invités étaient cependant concentrés sur un autre point étrange de ce mariage. Avec l’autel et la cérémonie de remonter l’allée centrale, il manquait un élément clef. Dans l’Histoire, lorsque des mariages royaux furent décrits, beaucoup précisaient que les mariages étaient bénis de la présence de force céleste. On était dans les temps immémoriaux aux les Gardiens de l’Equilibre concentrait une croyance admise par tout le monde. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et les derniers à avoir été attaché à cette croyance passé sont un mauvais souvenir pour l’Empire des Hommes. Aussi le Roi s’était proposé à oindre le mariage sous la bienveillance de sa couronne, Armand lui a refusé cette idée, promettant qu’il avait tout prévu. Le Roi s’était donc installé sur une chaise comme n’importe lequel des invités autour de lui.
Soudain, les portes du château s’ouvrirent sous la pression de deux serviteurs. Et les cinq marches d’escaliers furent descendues par la Reine Pétra dans la tenue qu’elle avait gardé du matin passé. A ses bras s’accrochait nerveusement l’une des plus belles créatures que la Terre d’E a porté à la vue du monde. La sixième fille de la Reine avait une chevelure jaune brillant entre la couleur de l’or et les rayons réchauffant le cœur de l’astre céleste. La robe blanche qu’elle portait était d’une élégance à rendre jalouse toutes les dames invitées, elle était faite de soie blanche que des fils d’or et d’azur parsemaient en pure harmonie de couleurs. La robe pendait jusqu’au sol mais laissait, au rythme des pas de la mariée, dévoiler des chaussures également blanches entourant et portant avec simplicité les pieds blancs de Eléonore.
Sous les regards émus des invités, les deux femmes remontèrent l’allée. Le sourire figé aux visages de celles-ci était d’un extrême opposé. Le visage de la Reine Pétra était fier, haut, droit, en même temps qu’il reflétait le bonheur incommensurable quand elle posa le regard sur Armand. Le sourire d’Eléonore, lui, cachait tant bien que mal une nervosité qu’elle ne voulait pas dévoiler. La main de sa mère qu’elle serrait le savait, elle. En face d’elles, Armand, dans des vêtements élégants, jouant de manière osée entre le blanc et le noir, n’était pas non plus tout à fait à son aise. Il était nerveux lui aussi, qui ne le serait pas à sa place, mais il avait surtout peur que son plan ne fonctionne pas. Son idée reposait sur la bonne volonté de quelqu’un que, au fond, il ne connaissait pas tant que cela. Il n’avait partagé qu’un léger moment de sa vie avec lui et il avait osé lui demander quelque chose en plus que tout ce qu’il fait habituellement pour l’ordre naturel de la Terre d’E.
Pourtant, quand Pétra laissa sa fille rejoindre son futur mari et que ces deux derniers se prirent la main et se regardèrent dans les yeux… laissant là une seconde passer dans cette scène figée d’union de deux familles, qui appartiennent à deux mondes différents et en guerre ; dans cette scène figée qui donne encore espoir aux vieux esprits que l’union reste possible en ce monde déchiré ; dans cette scène figée qui réussi l’exploit à concentrer en ce monde en déclin un élan d’espoir qu’à la fin, tout se passera bien ; en cette scène figée que l’apparition d’un Gardien de l’Equilibre de l’autre côté de l’autel, sous l’arche construit de bouquets de fleurs multicolore, brisa.
« Je comprend votre stupeur, à votre place je serais également surpris. Et je reconnais le sens alerte de certains des invités. Je ne suis pas un ennemi, je suis comme vous invité au mariage et à l’union de vos deux familles en la présence de Eléonore de Dann et de Armand de Rollon. Puis en ma qualité de Gardien de l’Equilibre, je béni ce mariage puisqu’il repose sur l’acharnement de ces deux esprits qui ont préféré à la facilité de la dispute, le dur combat de l’unité. »
S’exprimait ainsi l’être entouré d’un halo de lumière d’une couleur indéfinissable, plus blanc que blanc ? peut-être, et habillé assez étrangement d’habits assez simples, équivalent à ceux de roturiers, et tous vert de couleur.
« L’unité, oui, qui n’a ni maître ni ordre. L’unité qui n’est jamais acquise à quiconque se joue de tout le monde. Au contraire de la désunion qui même laissée seule sans que plus personne ne s’en préoccupe resterait là, au même point où on l’a laissé… Mais de toute façon on ne la laisse jamais bien longtemps seule. L’unité, elle, en revanche, si on la laisse sans surveillance ne serait-ce qu’une seconde, elle peut disparaître, elle peut voler en éclat. Elle est source de jalousie et d’envie, oui, mais est également par nature chose fragile dont il faut s’occuper en tout lieu, en tout temps. J’apparais ce jour devant vous à l’invitation de Armand pour proclamer que l’unité qu’il souhaite voir revenir en son monde, en sa terre qu’il a chère en son cœur, pour la paix, pour la tranquillité des foyers, dont celui qu’il prend pour charge à partir de ce jour, pour proclamer, disais-je, que l’unité ne peut malheureusement se faire et se tenir tout seul. Armand peut compter sur Eléonore à présent, bien sûr, mais il faudra plus que cela. »
Il laissa là l’espace d’un petit instant de silence. Tous les regards étaient tournés vers lui, tout le monde était à ses lèvres, tout le monde tentait d’assimiler ce qu’il racontait, tout le monde attendait la suite. Une seule personne dans l’assemblée devant le Gardien de l’Equilibre savait ce qu’il allait dire ensuite. Mais même en ayant connaissance, il était autant concentré sur lui que n’importe qui.
« En effet, et les livres d’Histoire le racontent sans cesse, n’est-ce pas ? Nous vivons sous une menace constante du retour des Portes de l’Enfer. Vous l’avez connu il y a quatorze années, ce qui a amené à la recréation de l’Empire des Hommes qui n’a pourtant pas connu l’union totale souhaité. Quatorze années de guerre n’ont cessé de fragiliser l’état de la Terre d’E. Puis un petit homme, Armand, aidé de l’aimée de son cœur, s’en est allé en guerre contre le déséquilibre. Il a pour cela accompli un voyage périlleux que je n’aurais pas accomplis moi-même tout seul. Pour revenir ensuite ici porteur d’une sage et grande nouvelle : la dernière Porte de l’Enfer s’ouvre vers notre monde. Loin, très loin de nous à l’Ouest, mais par ce chemin, Il arrive en personne. »
De nouveau un silence total s’abattît sur l’assemblée. Pour éviter qu’un vent de panique ne prenne tout le monde, ce qui serait contreproductif, le Gardien de l’Equilibre conclut :
« Je béni ce mariage car il est le seul événement en la Terre d’E qui peut donner l’espoir en l’union de toute les forces pour la défense de notre Terre. Une bonne terre qui vous a vu naître, vous et vos ancêtres, les uns après les autres. Ne vous en faites pas, tout se passera bien. Mais des choses doivent être faites. En Unité. En Equilibre. Voyez Eléonore, voyez Armand. Et tout sera pour le mieux. »
Et le Gardien de l’Equilibre disparut soudainement, aussi abruptement qu’il était arrivé.
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