Et la Porte de l'Enfer

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 Il y avait des Bêtes de l’Enfer partout autour du groupe. Des Bêtes de toutes tailles et des monstres de tous les genres. Armand tentait de calmer sa terreur en se remémorant les noms. Des Orgs bien sûr, mais également des Orures, et qu’est-ce celle-ci ? Une Bête qui n’avait pas de jambes, pas de pattes mais semblait plus marcher à l’aide de tentacules. Des tentacules semblables à un poulpe. Plus loin, à proximité de la Porte, des Onirs commençaient, à ce qu’il paraissait, à bâtir quelques choses. Des pierres noires-rougeâtres sortaient de la Porte et un Onir allaient les prendre pour les empiler. Entre deux, des hordes d’Orures, des Orgs qui sautaient en tout sens et partaient en maraude sans attendre, et d’autres monstres encore.

Le groupe se déplaçait lentement, les uns derrière les autres, les visages fixés dans une expression d’horreur funeste. Plus aucune parole n’était échangée et le Gardien menait en tête de file. D’une manière calculée ou autrement fait exprès, si le groupe était invisible, aucune Bête n’allait vers eux pour les bousculer, leurs mouvements naturels les esquivaient. C’est ainsi qu’ils arrivèrent devant la Porte de l’Enfer. Et le Gardien arrêta nette la course.

« Passez devant moi » dit-il.

Et d’un pas hésitant, le groupe s’approcha de la Porte en contournant le Gardien. L’Orque passa la première, Armand ne vit aucun geste d’inquiétude chez elle et son pas resta le même avant et après Œ. Après l’Orque, le Nain observa une dernière fois autour de lui puis sauta en avant pour traverser la Porte. L’Elfe le suivit de très peu. Puis Isabelle, du Désert de l’Est, lança vers le Gardien :

« On se retrouve de l’autre côté » avant de disparaitre à travers la Porte.

Et lorsque vint le tour d’Armand, une main sur son épaule l’empêcha d’avancer.

« Je te prête mon manteau gris, Armand

- Pourquoi cela ?

- Car je ne peux aller où vous irez. Mais ce manteau gris permettra de communiquer. Mais attention, une fois de l’autre côté de la Porte… hum… le manteau te pèsera lourd… pas que sur les épaules. Et plus vous resterez là-bas, plus tu le sentiras lourd.

- Un mauvais cadeau en quelque sorte

- Avec quoi je pourrai être un peu avec vous. »

Et la main poussa Armand en avant, ce le surpris quelque peu. Il se sentit aspirer par la Porte mais avant de perdre totalement la vue sur ce qui se trouvait derrière lui, il put observer une dernière fois le Gardien lui faire signe de la main. Et puis Armand observa également que la petite bulle d’invisibilité autour du Gardien sauta. Toutes les Bêtes de l’Enfer arrêtèrent leur mouvement pour concentrer leur regard sur ce dernier. Il sourit largement.

Et puis plus rien, la Porte se referma sur Armand.

 Son pied droit toucha terre et il dû se rattraper rapidement avec l’autre pour ne pas tomber en avant, très surpris d’avoir enfin une présence solide sous lui. Ce rattrapage lui laissa également temps à ses yeux de s’habituer à la nouvelle lueur, après avoir passé un temps incalculable dans la plus grande obscurité.

Armand se trouvait en Enfer, il en avait la certitude, mais cet Enfer ne ressemblait pas exactement à l’image qu’il s’en était faite. Pas de rivières de laves, pas de rochers de cendres ni de volcan crachant les râles de la terre. Non. Il y avait devant lui une vaste plaine verdoyante avec son lot de bois à droite et à gauche, avec des collines et des vallons puis une ligne de montagnes en fond, loin. Une couche de neige se voyant sur les sommets.

Devant lui, ses compagnons de groupe avait déjà fait quelques pas et observaient en commentant tout ce qu’ils voyaient.

« C’est une forteresse que je vois là-bas ? la ligne orangé une route y menant ? demandait Isabelle à l’Elfe.

- Il me semble bien, oui.

- Pourquoi il n’y a personne ? s’enquit le Nain, l’arme à la main.

- C’est étrange, en effet. Dit Armand en s’approchant d’eux. Il y avait des dizaines de monstres qui passaient la porte à la seconde. On devrait trouver ceux qui attendaient ici… »

Qui laissa un instant de silence.

« Ce n’est pas exact. Dit une voix étrangement familière dans le dos d’Armand. Toutes les Bêtes ont passée le portail, elles attendent leur tour entre deux, comme ce que vous avez vécu. Cela fait, hum… une dizaine d’heures que vous avez passé la Porte. »

Armand, surpris, tourna sur lui-même pour laisser découvrir aux autres sa cape grise, et sur sa cape grise les yeux vieillis du Gardien.

« Hé ! Vous n’êtes p.

- Je ne peux pas. Pour la raison que je ne viens pas de votre monde, en sortir en passant la Porte m’est impossible. Mais que ma non-présence ne vous empêche pas d’accomplir votre voyage ! Vous devez rencontrer l’Enfer en personne et le raisonner. Le temps est compté. »

 A ce mot précis, Armand reçu un choc sur les épaules comme il n’en avait pas connu, et pourtant il a bataillé et guerroyé bien assez pour sa jeunesse. La cape qu’il portait sur les épaules attachées par des liens lui passant sous les bras, lui pesa le poids d’un sac à dos militaire. Celui transportant armes, armures, tente personnelle, et nécessaire de cuisine. Il soupira un coup, et puis le temps de reprendre son souffle, l’Orque pointa du doigt une direction, celle de la forteresse visible au loin et commença à marcher dans un grognement autoritaire.

Aucun meilleur plan ne fut établi dans le groupe, alors chacun enclencha la marche derrière l’Orque. Le début du voyage se fit dans un silence profond. L’Elfe comme le Nain observait autour d’eux à la recherche personnelle des réponses aux questions. Isabelle semblait tendue, elle avait remis sur ses épaules son grand vêtement et hésitait à s’en recouvrir complétement. L’Orque, de dos, était impassible et son pas gardait un rythme déterminé sans être dérangé par les rochers, les racines et les buisons à contourner ou escalader sur le chemin.

Armand était différent. Il avait ce poids dans le dos avec quoi venait des interrogations sur le bien-fondé de son voyage. Sous sa cape, pourtant, logeait également un regain d’espoir. L’Enfer, si tel était bien le lieu qui se trouvait autour de lui, était largement mieux que ce qu’il croyait. Il se voyait déjà aux prises avec des monstres cauchemardesques et face à l’Enfer, un géant dont le sommet du crâne atteint la voûte céleste et dont la voix pénètre l’âme pire que les yeux las du Roi, son oncle.

Il repensait à sa vie, du pays d’où il venait. Les Plaines de la Mer, au Sud-Ouest de Barge, étaient assez similaire à cet endroit : des collines et vallons de verdures sur lesquels on peut observer la découpe des champs et les limites entre les propriétés ; distinguer les différentes cultures de champs, repérer les élevages de moutons et les forêts exploitées pour le bois et la chasse. En fond, sur sa Terre d’È, on ne voit que le ciel qui bleuit au-dessus de l’océan, là se trouve la différence notable avec ce qu’il voit aujourd’hui et les hautes montagnes blanchâtres.

Le groupe descendait par un chemin de pierres glissantes le sommet sur lequel il était apparu. La Porte de l’Enfer restait en place, comme surplombant son superbe pays et mettre ces deux images dans une même phrase est bien une chose que je ne pensais jamais faire de ma vie de scribe. Il y avait tout de même quelque chose d’anormal. Pénétrant sous le couvert des arbres au fond du vallon, l’Elfe partagea cette observation d’abord pour lui, puis une seconde fois plus forte :

« Je n’entend le bruit d’aucun animal »

Observation qui fit sursauter Armand, le coupant à ses divagations intérieures. C’est vrai ! On n’entendait que le son des pas des membres du groupe et des bruissements des vêtements. Pas de chants d’oiseaux, aucune course de rongeurs, de renard, de lapin, détalant sur le chemin, rien. Il n’y avait rien.

« Et le vent, avez-vous sentit le vent, un courant d’air ? demanda Isabelle.

- Hum… eh bien non », répondit Nain après s’être donné une seconde.

Alors il y avait une autre différence d’avec le paysage d’enfance d’Armand. La campagne de la Terre d’È était plus vivante. Où donc couraient les chevaux sauvages sur la colline au loin ? Où volaient les oiseaux sous le ciel bleu ? Qu’était donc devenue cette faune sauvage ici ? Lors d’une inspiration, Armand se remémora l’air marin flottant au-dessus des Plaines… pour se rendre compte que l’air d’ici semblait vicié.

« Je ne sens aucune odeur commune. Nous sommes dans les bois, il y a de l’herbe, des champignons, des plantes, des fleurs. Mais je ne sens rien. »

L’Orque s’était avancé vers un arbre et grattait son tronc. Son doigt s’enfonça d’abord, puis toute sa main et elle bascula en avant dans un bruit de craquement. La tête reparue de l’autre côté du tronc en y sortant avec d’autre fracas d’écorce.

« Eh bin ça ! s’exclama le Nain en allant secourir l’Orque.

- Le tronc est complétement vide, c’est une façade, un faux. Comme un…

- décor. »

 La voix qui termina la phrase était grave et sentencieuse. A sa sonorité, tout ce qui était autour disparut. Armand se retrouva à faire un pas sur un sol de pierres froides. Où il voulut tendre le bras vers une branche d’arbre, ses doigts se plaquèrent contre un mur de pierres froides. Et devant lui, une grille en fer faisait le quatrième mur. Armand se retrouvait dans une cellule de prison. Il tâtonnât les surfaces pour être sûr de ce qu’il voyait, que ce ne soit pas un autre décor, un autre faux. Non, les pierres étaient rêches et il se coupa dessus, la grille tenait fermement en place avec un espace restreint entre les barreaux où il ne pouvait pas même y passer le bras.

« Il y a quelqu’un ?? Isabelle ? Lam, Dhor, Ulla ? se tenta-il en observant ce qu’il pouvait voir au-delà des barreaux. Une large pièce avec les mêmes murs en pierre, une caverne ? Ou un sous-sol.

- Je suis là, répondit la voix de Dhor.

- Mais qu’est-ce qu’il se…

- Je ne peux le dire, je suis comme toi. Un instant dans une belle caverne superbement creusé par des Nains, et puis à présent une cellule… Lam ?? Ulla ?! »

Appels qui restèrent sans retour. Le poids sur les épaules du frêle homme en cage se fit plus grand, plus dur. Un espoir disparut de sa carapace.

Mais ces appels firent venir quelqu’un, au loin, dans la partie invisible de la place d’Armand. Il y eut d’abord un bruit de clefs régulier, puis des pas descendants des marches, puis ces mêmes pas se rapprochant subtilement.

« Bien, bien, bien… se répercuta sur tous les murs une voix grave, la même qui projeta Armand dans cette cellule, qu’avons-nous là ! »

 Un visage encapuchonné souriant fit son apparition de l’autre côté des grilles. Le sourire n’était pas bienveillant, la capuche ne servait pas à protéger du mauvais temps, le visage n’était pas un visage, il était autre chose.

« Admirez-moi !! Ouiii ! Regardez le contour de mes joues, le bas de mes mâchoires, les orifices de mes yeux, oui, oui, oui !! Et mes petites oreilles ! joua avec Armand et Dhor la silhouette. Vous ne verrez rien, rien… de ce que vous connaissez.

- Qui êtes-vous ? Que voul. Tenta Armand avant de sentir sa gorge se serrer de sorte à empêcher tous les autres sons qu’il voulait émettre. Et en même temps, il s’étouffa.

- Tut, tut, tuut. Pas de questions avec moi, vous en avez déjà bien profité avec le Gardien, je ne servirai pas son petit jeu. »

Un instant de silence passa tandis qu’Armand s’étouffait toujours. En dehors de sa peur grandissante de mourir, réflexe naturel du corps dans cette situation, il put observer avec ce qui lui restait de lucidité un petit peu plus l’obscurité qui entourait leur visiteur. C’est comme si, sous cet habit assez classique en cuir marron se cachait une vapeur constante, donc quelque peu solide, semblable à celle se trouvant au-dessus des feux les plus intenses. Cette vapeur prenait à loisir ici ou là des formes communes de bouche, de nez, de cavité pour les yeux, pour les oreilles, mais sans l’être vraiment.

« La vie est belle, maître Nain, ça va pour vous ?

- Comment pouvez-vo.

- Tut, tut, tuut ! Pas de questions ! Vous n’êtes que des petits pions ! des pionpions… piou piou… piou. Blam ! Pan, ratatatata. »

Face à Armand, le nouvel arrivant prit des allures particulières pendant que ces propos perdaient en cohérence et concentration. Puis la strangulation se relâcha également et Armand reprit son souffle avec quelques grands bols d’air.

« Je les fume tous ces fils de catins ! Blam ! Blam ! »

Continua le manège de l’être de vapeur qui mima plus encore ce qu’il décrivait. Il fit des gestes incompréhensibles à Armand comme s’il mimait tenir une arme pour tuer des oiseaux qui tremblait en rythme du « ratatata » et avec des forts reculs et en-avant sur les « blam blam ».

« Est-ce que vous en êtes ? reprit très sérieusement l’être vaporeux en recentrant son regard sur Armand puis Dhor. Hum ? Vous êtes qui exactement ? Vous êtes quoi ? Vous vous prenez pour quoi dans votre petit monde merdeux ?

- Pour ta.

- Tuut ! Êtes-vous, ce coup-ci des Rois, des grands Seigneurs ? Un lettré ? Aaah, mes préférés ! Non ? Me dites pas encore un « Elu » incarcér, heu, non, incarné ! Incarcéré c’est vous actuellement, pfft !! incarné de l’Equilibre avec un E majuscule s’il-vous-plaît. »

A ces mots, le jeu de ce geôlier reprenait des airs de théâtre, un théâtre ou bien de mauvais acteur, ou ironique jusqu’en ces traits exagérés parodiant les mœurs caricaturales de la bourgeoisie.

« Alors quoi ?!

- Alors ri.

- Tuut ! Je sais tout ça, bien sûr. Je sais que le sieur ici présent transporte une cape et que cette cape transporte un petit portail qui permet de… approche mon garçon. »

Armand s’approcha contre son grès de la grille de sa cellule où l’attendit la silhouette inhumaine d’un être bavard.

« qui permet de parler avec le Gardien… est-ce que tu lui a parlé ? est-ce qu’il a échangé avec vous récemment ?? la voix se faisait plus silencieuse petit à petit, plus intimiste… plus secrète, comme s’il voulait qu’on lui révèle les plans d’actions prévus. Et à chaque mot, Armand se rapprochait plus encore, jusqu’à se pencher en avant.

« s’il m’entendait actuellement, j’aimerai beaucoup lui dire quelque chose. Vous pensez que c’est… possible ?

- Je c.

- TAAA MÈÈÈRE, ENCUUUULÈÈ ! »

Cria-t-il d’un coup avec une force supérieure à tout ce que Armand aurait pu se préparer. Il se vit projeter en arrière contre les pierres du fond de sa cellule qui l’assomma en grand fracas.

 La douleur est la cause de son réveil. Les pensées de son esprit durant son coma étaient tout à fait légères. Il se prenait pour un oiseau planant dans les airs, que tout le poids de son corps était porté par un autre, que la force d’attraction du sol ne comptait même plus, ce mal premier, cette retenue originelle, n’avait plus prise. L’oiseau était libre de toutes les contraintes, le vent le portait, le vent, le vent… et puis le vent disparut d’un coup et l’oiseau sombra vers le sol puisqu’une force reprit le dessus, une contrainte supérieure réapparut sur les épaules d’Armand.

Moins, peut-être, que cette force pesante, une douleur dans tout le dos lui vint dès qu’il reprit ses esprits. Bouger lui faisait mal dans tout son être, même le geste juste de glisser son bras sur le sol lui était douloureux. Armand était face contre terre et sa cape grise recouvrait sa vision. Un instant, par ailleurs, il ne sut s’il était devenu aveugle puisqu’il se savait les yeux ouverts mais ne voyait rien.

L’espace d’une seconde, un trait fin d’une pure blancheur fit son apparition sur la partie de la cape devant les yeux d’Armand. L’espace d’une seconde, la silhouette d’un visage féminin se dessina. Et le cœur de l’homme reprit toute sa superbe. La coquille de protection d’Armand s’était encore un peu plus brisée et le poids de la cape grise s’était développé. Il lui fallait puiser dans ses forces intègres et dans la nature même de sa volonté pour combattre encore et se relever encore. Il l’avait fait de nombreuses fois déjà ! Dans des batailles, où sont morts sur le champ d’honneur nombre de ses compagnons, où les combats étaient perdus d’avance et où il croisa l’adversaire de trop, l’ennemi plus fort que lui, à toutes les fois où son visage s’étouffa dans la boue et la mélasse de terre remuée et de sang, Armand n’a jamais abandonné.

Il s’est figé dans la mémoire une image qui hante ses pires cauchemars, qui se trouvent en ses plus sombres ténèbres, qui se situe au centre de son désespoir : un matin, après s’être doucement réveillé dans un lit d’une auberge de mauvaise réputation, perdue sur les bords de l’Avin à l’Est de Lot, il s’est tourné sur le côté et a admiré la plus authentique des scènes qu’il n’a jamais pu admirer ; Eléonore dormait sur le côté, le visage vers lui, dans un sommeil silencieux de paix, de quiétude. Voilà ce qu’il visualise pour lui redonner force et espoir.

« Je suis vivant ! » exprima-t-il en se relevant d’un coup. D’un coup plus de douleur, plus de poids sur les épaules, il était de nouveau sur pied pour en découvre contre son adversaire.

« Eh ! Voilà une bonne nouvelle, fit la voix de Dhor, plus loin, au-delà de la grille et des pierres de la cellule.

- Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

- Je ne peux pas te voir, mais j’imagine que tu as été, tout comme moi, projeté en arrière par notre geôlier fou. Et tu es tombé assommer.

- C’est… hum…je crois m’en souvenir, oui. J’ai été inconscient longtemps ?

- Je ne sais pas, je perds la notion du temps. Je… mon corps ne semble pas ressentir le temps passer. Je n’ai pas faim, pas soif, je ne suis pas fatigué d’attendre ici.

- Et moi, j’avais mal au dos après ma chute, je ne la sens plus du tout.

- Mes aïeux, où sommes-nous tombé.

- L’Enfer t’a parlé ensuite ?

- Oui et non. Il a pas mal continué à discuter avec lui-même et déliré en racontant dix fois les mêmes choses. Il n’aime pas les oiseaux, c’est ce que je retiendrais.

- C’est assez peu.

- En effet. »

 Et les deux compères restèrent ainsi un certain temps. Ils ne pouvaient se voir, aucune des deux n’arriva même en forçant de toutes ses forces, à briser ou plier les barreaux. Armand tenta plusieurs fois de foncer dessus. Il ne récolta que quelques douleurs, douleurs qui s’estompèrent plus vite que la normale. Alors les deux compères échangèrent entre eux, ils parlèrent beaucoup, de ce qu’ils observaient autour de leur cellule, des endroits possibles où ils étaient, ils s’inquiétaient également de leurs autres compagnons, puis ils parlèrent de leurs vies, de leurs idées, de leurs projets. Au-delà de deux mètres des grilles, le reste de la pièce était plongée dans une obscurité tamisée, suffisante pour empêcher de voir plus loin, si ce n’est plus que des ombres lointaines. Armand se dit que Dhor devait être dans une cellule sur sa gauche, peut-être celle juste de l’autre côté de son mur, peut-être. C’était bien le seul point solide dans son espace. Le reste n’était que flou, incertain, obscur.

Après qu’un temps se soit passé et qu’une pause se fasse dans la discussion avec Dhor puisqu’ils semblaient être arrivé au point où ils se sont tout dit, Armand s’adossa au mur. Il était resté debout jusque-là, sauf lors de sa perte de connaissance. Mais il n’était pas fatigué, il n’avait pas idée du temps qui venait de s’écouler.

« Dhor ?

- Je suis encore vivant.

- Tu avais dit, entre le moment où tu es sortit de la Porte et ton arrivée dans cette cellule, que tu t’étais trouvé où ?

- Bah, dans des galeries souterraines ! Tu étais avec moi, et il y avait les autres, tu ne te souviens pas ?

- Non, justement. Ces galeries, elles ressemblaient à…

- Elles avaient un air des galeries qu’on trouve près de RazikEter. Elles m’ont rappelé le… temps. Avant.

- C’est étrange, quoique arrivé ici, l’étrange me semble bien commun. Je n’ai pas ce souvenir moi. Pour moi on est arrivé au milieu de vastes plaines verdoyantes à portée de vue.

- Oh !

- Oui, et le plus intéressant c’est qu’en parcourant ces plaines quelques temps, avant d’arriver ici, je me faisais la remarque qu’elles me rappelaient les Plaines de la Mer et la campagne de mon enfance. »

Des paroles qui posèrent un silence profond dans les cellules.

« Intéressant est le mot. Mais qu’y pouvons-nous ?

- Je ne sais pas encore, mais cela laisse supposer une chose que nous n’avions pas encore évoquer : le pouvoir d’illusion de notre hôte.

- Mouai, appelle-le comme ça si tu veux, je ne me sens pas bien accueilli moi !

- Non, non, je suis très sérieux. Ecoute plutôt cela : l’élément déclencheur qui m’a transporté de mes champs à cette cellule, c’est la découverte que les arbres étaient en carton. Et de ton côté ?

- J’ai gouté du Zira, dégueulasse !

- Voilà. Donc l’illusion n’était pas complète, elle avait des points faibles sur lesquels l’Enfer ne voulait pas que l’on se fixe. Pourtant c’est arrivé et nous voici, ici… qui est peut-être une autre illusion. Mais revenons en arrière. L’Enfer nous attendait, je me dis cela puisque c’est dès lors que nous avons passé la Porte que nous avons été piégés. Mais l’Enfer ne souhaite pas notre présence, on n’a que des mauvaises choses à lui apporter.

- Hum.

- Alors pourquoi ces scénettes d’ouvertures ; pourquoi moi mes champs et toi tes galeries ? Quel était l’objectif ? Aller jusqu’à la découverte de la supercherie pour nous amener en cellule comme à présent ? Pourquoi ne pas nous avoir enchainé directement ? C’est incohérent, non ?

- Humm. Oui. Ou bien l’Enfer est bien cette forme totalement folle que nous avons-vu et c’est avec un raisonnement de fou qu’il faut réfléchir aux événements. Ou bien il s’amuse avec nous ?

- Aah, pff, ouai… c’est possible. »

 Armand et Dhor restèrent dans leur cellule comme coincé dans l’espace et dans le temps. Le temps, oui, passa, ou ne passa pas, aucun des deux ne pouvait le savoir. Sans ce repère, cet élément essentiel de la vie d’un être mortel, l’existence même perdait de sa saveur. Armand commençait, la tête dans les mains qui elles-mêmes reposaient entre ses jambes, à perdre en substance. Les yeux fermés, l’image d’Eléonore lui apparut bien sûr, lumière face aux ténèbres, mais ce n’était pas de cela qu’il manquait à présent. Il attendait que quelque chose de nouveau vienne.

Soudain, le visage d’Eléonore remua. Avec grâce et légèreté, ses yeux s’ouvrirent. Cela sortait de son souvenir ! Mais Armand resta maître de lui et parce qu’il voulait en savoir plus, resta concentré les yeux fermés. Eléonore lui sourit, de son sourire apaisant toutes les craintes, un mal de plus quitta les épaules éprouvées. Puis Eléonore demanda qu’Armand la dessine. C’était totalement insensé. La dessiner, mais avec quoi ?

« Avec tes doigts, devant toi, dessine le contour de mon visage. »

Ajouta Eléonore comme en réponse de ses doutes à lui. Et Armand fit ce qu’elle voulait. En restant la tête et les yeux fermés comme il était, ses bras s’élevèrent et dessinèrent dans l’air, devant lui, le visage qu’il voyait. Il prit le temps et pensa à tous les détails, à toute l’originalité de ce pourquoi il était tombé amoureux.

« Voilà mon aimée, murmura Armand, j’ai terminé. Trouves-tu cela à ton image ? »

Il se souvint lui avoir déjà demandé cela un jour, c’était, il lui sembla à présent, des siècles en arrière. Les deux amants s’étaient en effet essayés à la peinture un jour. Au bord d’un lac, au bord du lac de leur mariage, il s’était retrouvé à peindre chacun sur une toile ce qu’il trouvait de plus beau dans ce qu’il voyait. Charmeur, Armand avait dessiné Eléonore. Malgré l’absence de talent inné pour cela, le charme avait fonctionné.

Et bien malgré l’absence de talent à dessiner dans le vide sans regarder, les quelques cercles maladroits qu’Armand fit dans le vide fonctionnèrent :

« Vous voilà bien au fond du trou ! »

S’écria une vois. Armand se redressa d’un coup, se cognant l’arrière de la tête contre les pierres.

« Qui, que ?

- C’est Œ, là, dans le cercle. Je suis avec Armand, Dhor, tu m’entends ?

- J’entends, qu’est-ce qu’il se passe ?

- J’ai réussi à créer une connexion à l’aide d’Armand. En fait une petite, toute petite Porte de l’Enfer à travers laquelle j’arrive à voir et entendre, comme vous.

- Comment s’es.

- J’aimerais bien avoir le plaisir d’expliquer l’artifice, mais nous avons plus urgent.

- Nous sommes enfermés ! Il n’y a aucun moyen de sortir d’ici ! cria Dhor pour bien se faire entendre.

- J’entend cela, et je vois. Hum… »

Armand pouvait voir à travers le cercle qui était apparu devant lui, le buste du Gardien de l’Equilibre. Il était pensif dans la situation actuelle. Ce qui n’aidait pas au moral du Prince Humain.

« Je sais.

- Comment sort-on d’ici ?

- Là, je ne peux rien faire pour vous. Mais je peux me déplacer grâce à ma petite Porte. C’est… innée, je ne le savais pas, mais je le peux. Alors je vais aller explorer. »

Il resta encore une seconde immobile, les yeux fixe.

« Je vous laisse. Gardez courage, gardez espoir. Je vais trouver un moyen de vous aider ! »

A ces mots, le cercle de transparence disparu de l’endroit où il était, pour apparaitre au même instant un peu plus loin dans la pièce, de l’autre côté des barreaux. Puis, après quelques secondes, il disparut pour apparaitre plus, il n’était plus qu’un flou lumineux au regard d’Armand.

« Je vois des escaliers, je monte ! »

Entendit Armand avant qu’au loin la lumière s’éclipse.

 Outre des échanges entre Dhor et Armand revigorants sur la suite de leur avenir, ce qui fit se relever Armand et se tenir à la grille, dans l’espoir de voir revenir Œ, le Prince Humain entreprit de faire autre chose. Quand la discussion avec son compagnon se termina sur « il ne reste plus qu’à attendre » et que le silence reprit la place, Armand tourna le regard vers le fond de sa cellule. Il avait en tête de retenter l’expérience. Il ferma les yeux, tendit les bras devant lui et dessina dans le vide un cercle. Il rouvre les yeux ensuite pour observer que rien ne se passa. Il avait raté quelque chose. Aussi il recommença. Puis une fois encore. Puis encore, et encore. Malheureusement, revenait incessamment le même résultat : il ne se passait rien, rien du tout. Tout comme le temps semblait fixé dans cette cellule, plus aucun événement étranger ne serait capable de se produire à la volonté seule de l’être humain risible qu’était Armand.

Déçu et prit du doute sur la situation, Armand chût de nouveau assit au sol, les barreaux rigides et froids en soutiens de son dos. Et bien sûr qu’il ferma les yeux de désespoir et bien sûr également qu’il revit dans le noir son Aimée. Il n’avait jamais autant vu son visage en si peu de temps ! Au grand jamais il n’avait eu le besoin d’un réconfort que seule Eléonore, sa présence et sa chaleur, pouvait offrir. Elle était si loin à présent… si loin, dans un autre monde, dans un autre espace.

Et puis soudain :

« Mes petits oiseauux ? Où sont mes petits oiseauuux ? » fit une petite voix reconnaissable.

Le visage atypique reparut à la grille de la cellule d’Armand. Celui-ci eut le temps de se relever et par sécurité de se coller contre le mur au fond.

« Votre désir le plus cher ne serait-il pas de voler de nouveau ? » à la question, un silence froid s’immisça jusqu’aux prisonniers.

« Battre de vos ailes, sentir le vent le long de vos plumes ! Et mieux que tout, ooh oui, mieux que tout… CHIER sur TOUT LE MONDE !! »

De nouveau, la puissance de la voix, ici colérique, plaqua Armand contre la paroi, comme une rafale de tempête.

« Emmerder le monde, oui, voilà votre envie. Sortir d’ici, et répandre votre chiasse partout.

- Mais pour qui nou.

- Tut tut tuut, mon jeune et petit et chétif oisillon, laisse les grandes personnes parler. Sortit le geôlier à Dhor. »

Et ce même geôlier qui venait de prendre en une seconde des traits supérieurs et potentiellement raciste, retomba dans l’obscurité de sa folie. Il étendit les bras (ce qui ressemblaient à des bras, un amas de brume à la perpendiculaire du reste du corps) et courut en cercle dans la pièce.

« Piou, piouuu ! Piouuu, piouuu. » fit-il un certain nombre de fois, avant de revenir sur quelque chose de plus sérieux.

« Alors ? Que faites-vous donc en mon beau et agréable domaine ?? demanda-t-il en posant son visage si proche des barreaux de la cellule d’Armand que celui-ci appréhenda que la silhouette de l’Enfer ne traverse tout bonnement la matière en l’absorbant dans sa brume.

- Nous venions rencontrer l’Enfer. Se risque-t-il à sortir, presque inaudible.

- L’Enfer ?? Connaît pas. C’est qui ?

- Ou sommes no.

- Tut, tut, tuut, pas de question ici !

- Nous ! reprit Armand avec vigueur, supposons qu’ici soit l’Enfer, un domaine maléfique dominé par un être mauvais. Et qu’il se nomme Enfer, de la même façon que son territoire.

- L’Enfer ?? Connaît pas. C’est qui ? redit le geôlier avec l’exact ton que précédemment, son visage n’avait pas bougé d’un millimètre.

- Un ennemi de l’Equilibre.

- L’Enfer ?? Connaît pas… laissant un temps de silence optimiste. C’est qui ?

- Toi, tête de pioche ! »

Dhor exprima d’un coup toute la haine qu’il avait, malgré une insulte « tête de pioche » assez limité, sa répartie sévère et directe montrait qu’il avait besoin d’exploser, de faire sortir ce qu’il accumulait en silence, comme Armand, depuis le début.

« Tête de pioche ? Oh ? fit le geôlier en s’écartant de devant Armand pour rejoindre sur le côté l’espace du Nain. Tête de pioche, tête de pioche ! hé ! têche de pioche, tête de pioche ! Têteu de piocheu… et après un instant de silence. Tête de linotte !! Tête de linotte. Oh mes petits oiseaux ! Vous êtes mes petits oiseaux !! »

Et le geôlier repartit dans ses mouvements de folie où il dansait en répétant toujours la même chose. Le ton était joyeux, amusé, mais ce n’était pas partagé avec les autres personnes dans la pièce, tout le contraire.

Et soudain, tout disparut. Le geôlier et ses paroles et sa danse. L’espace autour d’Armand et de Dhor redevint silencieux et froid.


 « Et merde, mais qu’est-ce que c’est que cette… raah ! » ne retint pas Dhor.

Armand put apprécier un son métallique venir d’à côté, le Nain venait de taper sur un barreau pour se canaliser.

« Vraiment… étrange. Fit Armand en reprenant possession de son espace de cellule. Je me demande s’il a croisé le Gardien.

- Je n’en suis plus à ça. Comment va-t-on sortir de là ? Où sommes-nous ? Depuis combien de temps on est enfermé ?? Et qui est cet hurluberlu ?! »

A quoi les deux prisonniers crurent entendre, comme en écho, les « hou, hou » typique d’une chouette.

« Noon, c’est une blague, il se paye vraiment notre tête… »

Armand sentit dans les paroles de Dhor qu’il était en train d’éclater. Ce qui se comprenait, Armand partageait la lassitude, l’incompréhension et même le sentiment d’injustice de la situation. Plus encore, la façon de se voir traiter de petits oiseaux faisait son petit chemin dans l’esprit de l’être humain. Quel en était l’objectif ? La folie du geôlier et colère visible contre les oiseaux étaient-elles réelles ?

« Je vais te poser une question, Dhor, que tu trouveras peut-être inapproprié à la situation… mais sous ses airs, elle ne l’est peut-être pas.

- Je t’écoute, de toute façon, il n’y a que cela à faire.

- J’ignore cela, mais dans les galeries des Nains, il y a des oiseaux ?

- Pfff. eut Armand pour première réponse, puis un rire éclata dans la cellule d’à côté. Un rire relâché, franc et sincère, un rire aux éclats. L’impulsion que créa se rire se répandit dans la pièce et il envoûta Armand qui rit également aux éclats. Le partage atteignit son paroxysme quelques instants et puis les deux compères reprirent sur eux la situation présente. Il y a des oiseaux dans les galeries, bien sûr. Des espèces particulières je pense, qu’on ne trouve pas à l surface. Il y a quelques lieux comme ça et souvent des cavernes larges et profondes qui sont envahi. J’aime bien… un silence, Armand avait peut-être vu juste !, oui, j’aime bien leur présence, en général c’est bon signe.

- Signe de paix, de tranquillité.

- Eh oui, s’il y a des oiseaux dans les cavernes, c’est qu’il n’y a pas de prédateurs, pas de Bêtes de l’Enfer ! »

Et s’ajouta à l’échange des détails précis sur les oiseaux des cavernes et des galeries. Un sujet de conversation qu’Armand découvrait et que Dhor se trouvait avoir beaucoup de choses à dire. Armand avoua également bien aimer les oiseaux, et à lui de décrire où il en voyait et il aimait à les observer du côté de chez lui


 Et un temps passa avec ces échanges. Un temps certain, oui, mais combien en réalité, là se trouvait encore le mystère. Et au bout d’un moment, après que beaucoup de paroles soient échangés entre les deux cellules de prison, les deux résidents forcés s’eurent tout dit. Le moral d’Armand était quelque peu regonflé. Ces images d’oiseaux et de ses terres natales lui ont redonné le courage de lutter pour ce qui est bon et juste en ce monde. Dhor devait penser à peu près à la même chose. Mais rapidement le silence recommençait à peser sur les épaules. Et la cape grise du Gardien de l’Equilibre reprenait du poids. Armand se rendait même compte qu’à chaque seconde, la cape pesait de plus en plus. Il était assis contre le mur et il se rendit compte qu’il ne pouvait plus se lever, cela lui demandait plus de force qu’il en avait.

Il concentra son attention sur cette cape. A quoi bon l’avoir sur les épaules dans sa cellule ? A quoi bon la porter ? Et il se résolut à l’enlever de ses épaules en dégrafant les liens sous ses bras. Puis un mouvement ample la fit s’effondrer derrière lui tendit qu’il se penchait en avant. Dans le mouvement, un son reconnaissable entre mille monta jusqu’à son cerveau. Il entendit quelqu’un l’appeler. Le ton de la voix était apeuré, apeuré avec la pointe d’espoir mis dans l’appel. Mais surtout, la voix était féminine, lointaine, et légèrement étouffée.

Armand sursauta d’abord. Puis il chercha autour de lui la source de l’appel. Il reparut à ses oreilles venant de derrière lui. Plus bas et toujours étouffé. Prit de panique, Armand tenta de soulever les plis de la cape. Elle était lourde, très lourde. Il se força, il avait une énergie nouvelle dans les muscles mais cela ne suffisait apparemment pas. Il se concentra et entendant un troisième appel et en étant vraiment certain de l’identité de la personne l’appelant, il répondit :

« Eléonore ! Je suis là !

- Armand ?? Je ne vois rien, où es-tu ? Où es le Gardien de l’Equilibre ?

- Eléonore !! J’essaye de te voir. »

Dit-il dans un dernier désespoir en tentant éperdument à soulever la cape de lin qui en pesait comme des millions.

« Tu vas y arriver, Armand, je crois en toi. »

Dit Eléonore, en récitant les mots comme une formule magique… mais qui marche, un voile nouveau passa devant les yeux de l’homme qui voulait croire comme une vérité générale tout ce que disait son ange, son âme sœur. D’un coup, son geste décrocha la cape et le mouvement fut si forcée que son bras incontrôlé lança en l’air toute la cape.

Celle-ci s’envola et en prenant les courbes de son mouvement, elle dessina les contours d’un visage, du visage qui apparaissait sur sa surface. Puis la cape se figea ainsi, posant face au visage de Armand celui d’Eléonore. Il la voyait au travers du tissu, comme par un miroir, comme par une porte de la taille d’un miroir.

« Eléonore, c’est bien toi ?! ne put se retenir au bord des pleurs Armand.

- Oui c’est moi, mon chevalier. Je suis là. Où es

- Je ne croyais jamais te revoir… jamais… je s

- Moi non plus, oh, Armand. Cela fait si longtemps !

- Combien de temps ?! posa Armand sur un ton rompu de tout ce « temps » passé dans une cellule

- Qu ? Eh bien quatorze ans, mon amour, depuis que tu es parti !

- Quatorze ans ?? fit à l’unisson Armand et une voix de l’autre côté du mur de pierres.

- Oooh, si longtemps… fit Eléonore en retenant ses larmes. Si longtemps… la guerre ici ne s’est jamais arrêté.

- Nous sommes… en prison… depuis si longtemps. » Fit un cruel constat Armand.

En écho à cela, des bruits métalliques apparurent dans la cellule à côté et le Nain cria :

« EEEEH OOHH, Y A QUELQU’UN DANS CE GOURBI DE BOUSEUX ??!! »

Qu’il répéta deux-trois fois avec quelques nuances près avant d’entendre des bruits de clefs légèrement plus haut.

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