Epilogue

5 minutes de lecture

Le silence était roi dans un palais profondément endormi. Seuls les gardes demeuraient éveillés, alors qu’ils effectuaient leurs tours habituels tantôt dans les couloirs, tantôt dans les jardins fleuris. Un d’eux s’arrêta devant la grande fenêtre au dernier étage de la tour grise, contemplant la magnifique vue sur la Citadelle légendaire et la cité paisible à cette heure tardive de la nuit.

Plusieurs étages en dessous, quatre gardes royaux, accompagnés de deux Feis Nona, entrèrent dans le palais et se dirigèrent d’un pas assuré, vers les cachots. Ils descendirent les escaliers, passant chacune des grosses torches illuminant les différents niveaux creusés dans les profondeurs du château. Ils atteignirent le 10ème sous-sol pour arriver devant la prison renforcée de Lancère et de symboles anti-lunsors.

« Tout est calme ? » demanda un garde au crâne rasé.

« Tout est calme. La créature semble dormir. »

« Parfait. Nous tacherons de ne pas la réveiller. »

Les nouveaux arrivants remplacèrent leurs collègues qui quittèrent les cachots sans attendre. Les cloches de la Citadelle sonnèrent trois fois et les gardes se placèrent à leurs postes respectifs, lorsque les Feis Nona restèrent à l’intérieur de la cellule.

« Plus que 4 heures. » marmonna le garde à gauche de la porte.

Son collègue à côté pouffa de rire.

« Oui, plus que 4 heures sur 4. »

Le bruit de la lourde porte principale des cachots plusieurs étages plus haut raisonna bruyamment dans les escaliers. Ils se regardèrent un moment, leurs sens en alerte, mais n’entendirent rien d’autre que le souffle de leur propre respiration.

« Ça leur en aura pris du temps pour monter. » fit remarquer l’un d’eux finalement.

« Ils doivent être fatigué après leur tour de garde. »

Un Feis Nona sortit de la cellule et les dévisagea un à un, comme pour évaluer à qui il allait s’adresser.

« Tout va bien par ici ? Nous avons entendu un bruit métallique. » demanda-t-il au garde chauve à sa droite.

« Ce n’est que la porte des cachots à l’entrée. »

Le moine le fixa longuement.

« En quoi est-ce rassurant de savoir que c’est la porte d’entrée des cachots ? »

Son ton hautain donna envie à son interlocuteur de le cogner. Le garde serra les dents, maintenant un air des plus calme, et répondit :

« Le groupe avant nous vient probablement de fermer derrière eux. »

« Mmm… » marmonna le Feis Nona avant de claquer les portes de la cellule.

« Connard. » cracha le garde.

« M’en parle pas. Ils sont toujours comme ça, tous. » commenta son collègue.

« En général, ils ne disent pas un mot. Pas besoin de s’enflammer. Passons une nuit calme et sans histoire. »

Seulement, aucun ne pouvait voir les torches s’éteindre progressivement, à plusieurs niveaux au-dessus, comme asphyxiées par un souffle invisible.

1er sous-sol, 2ème sous-sol, 3ème. L’obscurité s’installait d’un étage à l’autre dans le royaume du silence.

Au 4ème, un prisonnier fut réveillé par la lumière qui vacillait. Il sortit sa tête entre les barreaux des cellules, curieux de voir ce qu’il se passait. Il ne remarqua d’abord que les autres détenus plongés dans leur sommeil agité. Alors qu’il était sur le point de retourner lui aussi dans ses cauchemars, il se figea. Une figure plus vaste que les murs apparut dans les escaliers. Il se frotta les yeux, incertain de sa vision, mais il ne put percevoir plus, pendant que l’ombre laissait derrière elle rien que les ténèbres.

5ème, 6ème,7ème.

Un Kaaïn au 8ème sous-sol fut réveillé par des pas à peine perceptible. S’il n’avait pas l’ouïe surdéveloppée des métamorphes, il ne l’aurait sans-doute pas perçu. Il s’approcha des barreaux de sa cellule et sentit tout de suite que quelque chose n’allait pas. L’air était chargé d’une lunsor intense alors même que les murs et plafond étaient couverts de symboles anti-lunsors.

« Qu’est-ce que… »

La lumière de son étage vacilla. Le Kaaïn ferma les yeux, essayant de comprendre ce qu’il se passait, faisant appel à ses instincts aiguisés de métamorphe. La lunsor était si palpable qu’il crut voir des filaments d’une énergie puissante, planer tout autour de lui. Il recula, effrayé par une telle concentration d’énergie. La lumière s’éteint dans son couloir et il buta contre le mur de sa cellule. De ces 50 années d’expérience parmi la rébellion Kaaïns, il n’avait jamais rien sentit de tel. Ses tripes lui hurlaient de fuir, mais il était piégé telle une proie. Il n’avait plus qu’à prier que la créature à l’origine de cette aura n’allait pas venir vers lui.

Mais rapidement, le prisonnier comprit que ses prières étaient vaines alors qu’il entendait son trépas approcher. Il s’agenouilla, les jambes tremblantes, lorsqu’une silhouette sombre apparut devant sa cellule. Dans l’obscurité totale, il ne pouvait que deviner les contours de la longue cape de la Faucheuse se confondant avec le néant. Il se doutait que les barreaux de sa cellule ne suffiraient pas à arrêter ce Kaaïn d’une puissance irréelle. Et il avait raison. Le cliquetis du verrou se fit entendre et la porte s’ouvrit dans un grincement bruyant.

« Pitié… » murmura-t-il désespérément, les battements de son cœur assourdissant ses sens.

« Tu es libre. »

La voix chargée de lunsor raisonna dans son esprit. Il n’était pas tout à fait certain s’il l’avait entendu avec ses oreilles ou directement dans sa tête.

« Qu… Quoi ? Comment ? »

« Au bout de l’escalier, la porte est ouverte. Une fois celle-ci dépassée, il n’y a plus de symboles anti-lunsor. Transforme-toi en mouche ou un autre insecte si tu en es capable, et vole vers ta liberté. »

Le métamorphe regarda le Kaaïn, abasourdi, ne comprenant d’abord pas ce qu’il lui arrivait.

« Merci… merci… ! » dit-il alors qu’il fondait en larme.

Le détenu sortit en trombe sans même se retourner et prit la fuite aussi vite qu’il pouvait.

Derrière, le Kaaïn continua son chemin vers les profondeurs du château. Il passa sans bruit les marches du 9ème sous-sol, telle une ombre dans les ténèbres crée par son passage. Il arriva enfin à son but. D’un geste, les torches de tout le couloir du 10ème s’étouffèrent.

« Que se passe-t-il ? » demanda le garde au fond.

« Que quelqu’un allume les torches ! »

« Lunsor ou pas lunsor ? » demanda le Kaaïn d’une voie amusée.

« QUI VA LA ? »

Les gardes dégainèrent leurs épées comme un seul homme. Ils n’eurent pas le temps de finir leur geste, qu’une dague vint s’enfoncer dans leur gorge. Le Kaaïn pulvérisa déjà la lourde porte de la cellule alors que les corps des gardes touchaient à peine le sol. Il trancha la gorge du Feis Nona caché sur sa gauche et assomma le second debout contre le mur d’un violent coup de coude. Il ne tarda pas de l’achever en plantant son épée droit dans le cœur.

Le Kaaïn se releva et avança vers la cage au centre.

« Uraura ! »

La petite créature s’illumina et commença à sautiller. Dès qu’il toucha la cage, elle explosa en million de morceau et Uraura se jeta sur lui, des larmes de lumière coulant sur ses joues à peine visibles.

« Je suis tellement navré de ne pas être venu plus tôt, ma belle… Mais tu es libre maintenant, tu es libre. »

Annotations

Vous aimez lire Kenala ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0