Chapitre 2A : mai 1753

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(Ellipse) + narrateur externe jusqu'aux six ans de Louise, avant qu'elle ne reprenne la narration ( sur les gentils conseils de Shoy'n).

Lorsque Louise s'éveilla dans la voiture ce jour-ci, le paysage avait changé. Les voitures à cheval étaient partout et il arrivait qu’elles se percutent ou que les chevaux se cabrent tant le désordre était présent. Près des immeubles qui se dressaient, des femmes richement habillées portaient dans leurs bras de beaux enfants bien nourris et bien emmitouflés. Dans les squares, de petites filles bien coiffées jouaient à la corde à sauter, à la marelle ; et des petits garçons, aux billes et à la balle. Ici, pas l’ombre d’un rat ou d'un chien errant, pas l’ombre d’un enfant s'amusant dans la boue avec des vêtements troués.
Bienvenue à la maison.
La voiture s’arrêta devant un petit immeuble, en réalité hôtel particulier de son oncle Jean. Sur le fronton de pierre, gravé en lettres majuscule, son nom : l’Oiseau. Lorsqu'elle descendit, tout impressionnée, Louise resta muette, cachée derrière les jupons de sa tante. Elles montèrent les escaliers, accédèrent au premier étage, où, dans une chambre très jolie, Marguerite ordonna à une femme à la peau noire de laver sa nièce.
Celle-ci la déshabilla de ses haillons dégoûtants, et lui enfila une chemise de bain blanche.
Louise entra dans l’eau tiède tout intimidée, en se laissant simplement faire. On la frotta énergiquement d'un gant de crin sous sa chemise, puis on savonna ses longs cheveux roux et crasseux.
La bonne lui retira ensuite sa chemise trempée, la frictionna dans une serviette chaude et moelleuse, puis lui enfila une petite robe de satin bleue, très légère et très élégante. On lui glissa aux pieds des souliers de cuir qui soulagèrent énormément ses plantes couvertes d’ampoules dues au port continu de sabots chez sa nourrice.
Quand on lui perça les oreilles avec un morceau de bois préalablement passé au feu, ce fut si douloureux qu'elle se mit a sangloter sans parvenir à s'arrêter. Mais sa tante, essayant de la rassurer, lui disait :
- Allez Louise-Victoire, séchez vos larmes, ce n'est rien. Vous êtes une grande fille maintenant.
Comme s’il s’agissait d’un geste banal et systématique, l’on y attacha deux petites pierres précieuses.
On tenta par la suite de coiffer ses cheveux, mais après plusieurs lavages et des centaines de coups de peigne qui lui causaient souffrances et pleurs, sa tante demanda, résignée, à la femme noire de les lui couper. S'il s’agissait d’un geste plutôt mal vu, le fait de les garder en aussi mauvais état l'était presque tout autant. La bonne attrapa donc son ciseau et interrogea Marguerite sur la longueur à faire disparaître. Après en avoir déterminée une suffisante, les mèches pleines de nœuds tombèrent devant ses yeux telles des gouttes de pluie.
Bientôt, la chevelure emmêlée de Louise ne fut plus qu’un lointain souvenir. Elle n'avait pas été coupée très courte, mais assez pour qu'il soit probable qu'on la dévisage. On lui enfonça donc sur la tête un léger bonnet de dentelle.
Malgré tous ses efforts, Marguerite avait omis un détail. Du haut de ses trois ans, Louise trempa le parquet sous ses petits pieds blancs.
Sa tante Marguerite lui asséna une violente gifle, sans chercher à comprendre la raison de cet incident. Une fois calmée, elle décida de lui apprendre l’utilisation d'un pot de chambre et la fit langer.
Louise rencontra ensuite ses cousines. Elles étaient quatre sœurs, mais les deux aînées étaient en pensionnat dans un couvent à Paris. Louise rencontra d’abord Anne, la benjamine, qui, malgré le fait qu'elle soit de deux ans son aînée, devint rapidement sa complice.
Elle lui fit visiter les lieux, lui montra la chambre qu'elle partageait avec sa grande sœur Camille-Marie. Luxueuse, assez grande et lumineuse, ses murs étaient ornés de portraits et en plus des deux lits, il y avait une sorte de table à musique appelée clavecin, un tapis en peau d’ours, une cage à oiseau vide et un grand miroir, dont le reflet à l’intérieur effraya sa petite conscience. C’était la première fois de sa vie et Louise ne s'était jamais imaginée ainsi. Maigre, à l’apparence juvénile, son visage rond arborait d’innombrables taches de rousseur, encadré par une coupe de cheveux roux mi-longs et assez bouclés. Si elle était encore trop jeune pour se faire un avis sur son apparence, le commun des mortels l'aurait trouvé très jolie.
Anne lui montra le reste de l’hôtel, dont sa chambre à elle toute seule, tout aussi luxueuse que la sienne, et elle lui présenta les esclaves achetées par son père. La première s’occupait de préparer les repas, la deuxième d’entretenir l'hôtel et enfin, la troisième était chargée de prendre soin des enfants. Elle avait un fils qui serait bientôt vendu. Il effectuait les tâches simples mais ingrates de la maison.
Puis, la petite Louise rencontra son oncle Jean, un homme très élégant et apprêté dans son vêtement serré. A ce moment-là, il portait une redingote noire, et des cheveux impeccablement coiffés.
Et puis enfin, elle pu voir pour la première fois sa sœur aînée, Camille-Marie. Cette jolie petite fille de six ans lui baisa le front puis la laissa avec sa cousine Anne.
Louise la suivit jusqu'au grand parc situé en face de leur hôtel. Elles traversèrent la rue en évitant les voitures, avant d'arriver dans cet endroit folâtre où se trouvaient des enfants de touts âges, surveillés par leurs nourrices qui tenaient sur leurs genoux les plus petits n’ayant pas encore acquit la marche.
Des garçons jouaient aux billes, au loup, à cache–cache, et même à saute-mouton tandis que des filles s’amusaient de leur côté avec une petite marelle, une corde à sauter et une escarpolette faite maison.
Anne rejoignit un groupe composé d'une dizaine d'enfants, dont les âges variaient grandement, qui s’amusaient à se poursuivre. Un garçon qui avait peut-être sept ou huit ans s'arrêta subitement de courir, bientôt suivi de tous les autres. Ils s’approchèrent tous d'Anne.
— Vous voilà ! Le meneur se pencha vers Louise, et lui demanda son prénom.
Anne répondit pour elle.
— Je vous présente ma cousine Louise-Victoire, elle vient de fêter ses trois ans.
Ce qui se passa ensuite fut incroyable, chaque enfant la salua et lui embrassa la joue.
- Venez donc jouer avec nous ! Crièrent-ils en chœur
C’est ce qu'elle fit donc durant tout l'après–dîner. Il y avait Armand-Marie, Jules, Marie-Catherine, Marie-Anne...

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