Chapitre 11A: mai 1761

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Un jour trop morose, je décidais de sortir dehors seule, il ne faisait pas encore nuit, mais quelque peu frisquet. Je m'habillais chaudement, et sans prendre d'autres affaires, quittais l'hôtel.

Le vent me caressait la joue, finalement le froid n'était pas si terrible, nous étions en mai.

Je me baladais un moment, goûtant à cette liberté tout juste acquise, me sentant grande et indépendante maintenant. Lorsque je rentra à la tombée de la nuit, toute la maisonnée dormait. Cependant et je ne m'y attendais pas, Marguerite m'avait cherché et c'est les larmes aux yeux qu'elle me serra dans ses bras, ayant eu si peur pour moi. Finalement, je n'étais pas si transparente à ses yeux.

Elle s'occupa de moi le lendemain, prépara mon déjeuner, nous jouâmes aux cartes l'après–dîner, et elle m'emmena me promener. Je lui donnais aussi des nouvelles de Camille, Marguerite avait l'air vraiment très contente, elle me pria de lui donner plus de nouvelles de ma sœur.

Camille recommença à m'écrire, ses lettres vraiment courtes valaient beaucoup à mes yeux.

Cet été–là, je fis d'innombrables balades avec ma cousine France, dans le tout Paris, au bord de la Seine, dans les rues pavées et ensoleillées.

La jolie blonde faisait garder son enfant par Marguerite, ou bien nous l’emmenions avec nous, Thérèse marchant bien à présent.

Les commerçants nous connaissaient tous, et il nous arrivait de passer du temps à discuter avec eux, sauf lorsque la petite fille était avec nous. Elle trépignait alors à l'idée de repartir et finissait toujours par interrompre les discussions.

Un de ces jours, Thérèse fus particulièrement drôle.

Alors que nous marchions tranquillement dans la rue, la petite me surpris en s'exclamant vivement :

— '' Maman, sieur gros !

Un homme de forte corpulence venait d'entrer dans une échoppe, et Thérèse ne l'avait apparemment pas raté.

Je me trouvais presque morte de rire, tandis que France tentait de lui expliquer avec sérieux l'irrespect de ces paroles, en lui tenant la tête pour l'obliger à la regarder.

A un an et demi cependant, il semblait compliqué de lui faire apprendre de telles notions, et elle recommença un peu plus loin. Cette fois, c'était un homme noir, le premier qu'elle voyait de sa vie. Nous ne considérions pas tellement les nègres dans la famille, ils étaient idiots, le plus souvent esclaves.

— '' Caca sieur !

Sa mère lui essuya la bouche pleine de bave.

—''Vous pouvez parler Thérèse, ces gens-là sont à éviter, vous m'entendez ?

Thérèse n’écouta pas sa mère, elle triturait de ses petites mains potelées de bébé la médaille de baptême qu'elle portait autour du cou, comme si elle venait de s’apercevoir de son existence.

Nous nous assîmes sur un banc, puis France prit sa fille sur ses genoux pour lui faire des chatouilles, sur le ventre, les joues. L'enfant riait fort en dévoilant ses quatre dents, deux en bas et deux en haut, j'adorais les rires de bébé. Nous rentrâmes en fin de journée, je me sentais bien, j'avais le sourire aux lèvres, mais Marguerite gâcha tout et me rappelant d'apprendre mes leçons. C'est qu'elle m'agaçait souvent, ma tante.

France avait l'air d'une enfant, du haut de ses vingt-deux ans, elle mettait encore parfois Thérèse au sein pour provoquer sa mère, alors même qu'elle n'avait plus de lait depuis longtemps.

Gentille et bienveillante, j'aimais son manque de sérieux.

Dans le parc, il lui arrivait de courir avec sa fille ou moi ou de jouer a cache-cache. Elle n'avait pas l'air de parvenir à renoncer à son enfance, encore si proche en vérité. Comme Thérèse avait de la chance d'avoir une maman aussi chouette !

Marguerite n'approuvait pas ces comportements pour sa fille, une fois elle la sermonna.

— '' France, vous n'êtes plus une enfant, prenez soin de votre mari, occupez-vous de Thérèse, entretenez votre foyer, mais cessez ces comportements immatures.

Ma cousine ne fit qu'esquisser un signe d'agacement et rentra chez elle.

Marguerite fatiguait, le temps faisant son œuvre, et même si je ne connaissais pas son âge précis, elle était vieille, pour l'époque en tout cas.

Un jour d'août, alors que nous étions parties en balade France et moi, sans Thérèse cette fois, le ciel s'assombrit et en cinq minutes, suite à quelques gouttes de pluie, une averse terrible se déversa sur Paris.

Comme l'appartement de France était plus près, elle m'invita à y rester le temps que la pluie cesse.

Elle vivait avec son mari au premier étage d'un immeuble qui en comptait deux, et une fois les escaliers montés, nous arrivâmes chez elle trempées. Je n'étais encore jamais venue.

Modeste mais chaleureux, tout était bien rangé et propre. France était une bonne épouse malgré ses mœurs d'enfants, et Joseph le lui rendait bien.

Lorsqu'il me vit, il ne fit que s'exclamer :

— '' Louise, vous devriez être chez vous, votre tante risque d'être inquiète. Je vois que vous êtes trempées, que faisiez-vous dehors par un temps pareil ?

—''Nous nous baladions et la pluie est tombée.

Thérèse, qui dormait jusqu'à alors, dû entendre sa mère rentrer, puisqu'elle se mis à pleurer.

Joseph parla calmement à son épouse.

—''Allez donc chercher votre fille, puis vous préparerez le souper, j'ai faim.

France m'adressa un dernier mot avant de partir chercher Thérèse.

—''Louise séchez-vous, et rentrez, la nuit va vite tomber.

Sans même m'égoutter un peu, je quittais l'appartement, ne voulant pas perturber leur vie de famille si bien rangée.

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