Chapitre 13A: mai - juillet 1764

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Adrienne ( 27 avril - 12 mai 1764 )

Alors que les premières chaleurs s'annonçaient, je prenais une année de plus en fêtant mes quatorze ans.

Il se passèrent beaucoup de choses terribles durant ce mois de mai. Nous fîmes d'abord faire sa première sortie à Adrienne, relativement importante puisqu'elle portait une tâche rouge vif gonflée au front, qui s'estomperait sans doute avec l'effet du vent. La tâche ne disparaissait pas, et commença à inquiéter sérieusement la famille, de plus le médecin redoutait le diable, mais que faire? Furent appliqués différentes potions censées guérir, mais dont l'effet restaient encore à démontrer. En dernier recours, le médecin pratiqua une petite opération pour retirer la bosse, qui s'avéra être remplie de sang du démon. Alors qu'Adrienne sembla se remettre de l'opération, nous aperçûmes dès le lendemain que coulait de sa plaie un liquide jaunâtre et purulent, et que tout autour se formait des rougeurs. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que la plaie s'infecta plus encore et que le nouveau - né eu de la fièvre.

Le médecin fut très vite rappelé, il ausculta rapidement l'enfant, et conclu à une intervention trop tardive sur la bosse du diable, qui avait eu le temps d'infecter tout l'organisme. Sans nous le dire clairement, il était déjà trop tard.

Vivant avec la menace de retrouver Adrienne morte le matin dans son berceau, nous priions pour que la vie lui soit laissée, nous nous rendions à l'église tous les jours, gardant espoir tant que la mort n'arriverait pas. Le nouveau-né vécu une semaine durant avec l'infection, et rendit son dernier souffle dans la journée du douze mai. Son petit corps fut exposé une journée durant, puis nous récitâmes une grande prière apprise dans la précipitation.

— '' Seigneur, nous avons du mal à comprendre que l’on puisse mourir si jeune, qu’une vie soit brisée alors qu’elle commençait à s’éveiller.

Tu nous vois déchirés et abattus ; la mort d'Adrienne nous semble une injustice.

Alors, nous nous tournons vers toi pour te dire notre peine.

Ne nous laisse pas seuls au fond de notre tristesse ; aide-nous à supporter le vide qui s’est creusé parmi nous ; fortifie notre espérance au-delà de notre souffrance.

Accueille Adrienne comme un père accueille en sa maison ; donne - lui le bonheur que tu promets et l’éternelle jeunesse de Jésus-Christ.

Après les différents rites funéraires, elle fut enterrée dans le caveau familial avec ses grands-parents, ses oncles et tantes, et tant d'autres... France dû être soutenue moralement pendant cette période particulièrement dure, perdre un enfant étant l'épreuve la plus difficile pour une mère. Elle resta chez elle plusieurs mois durant, d'abord refusant de croire en la mort de cet enfant si fragile et si aimé, puis en colère contre ce monde si injuste qui avait failli lui retirer son fils un an avant, et qui avait cette fois réussi à lui retirer sa fille.

Joseph, lui aussi affligé, resta à ses côtés durant toute cette période pour lui éviter de faire une bêtise. Quant à moi, je fis assez facilement mon deuil : elle était si petite et si jeune que je n'avais pas eu le temps de m'y attacher. La vie devait continuer malgré tout, ce genre d’événements arrivait souvent, bien malheureusement.

Nous reprîmes doucement le cours de notre vie, tout en prenat soin de Thérèse et Amédée, qui eux, n'avaient pas conscience du drame. C'était si beau un petit enfant, le seul être qui continue à rire et à s'amuser lorsqu'il y a un décès dans la famille. Marguerite n'était pas de mon avis, elle sermonnait Thérèse lorsqu'elle ne respectait pas la paix du deuil, alors que la petite ne comprenait sûrement pas la mort.

Quel bel été fut celui de 1764 ! Rythmé par les balades dans la ville sous le ciel bleu, le hennissement des chevaux dans les rues, le bruit de leurs sabots sur les pavés, les petits enfants qui rient insouciamment, jouent au cerceau, s'improvisent des parties de billes. Les échoppes aux vitrines appétissantes dont l'odeur nous passent délicieusement sous le nez, le doux vent qui fait frémir les feuilles et les branches des arbres, les fenêtres des bâtiments qui laissent entrevoir le linge blanc à sécher...

Oh bien sûr, tout n'était pas idyllique, il y avait aussi des mendiants, les pigeons qui déposaient leurs fientes partout, le crottin de cheval (ramassé chaque soir à la pelle par un garçon), les accidents de voitures provoquant dans le meilleur des cas le cabrage des chevaux, et dans le pire des personnes piétinés...

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