Chapitre 7B: mai - juillet 1758

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Plus tard, je montrais mon trésor à Camille, qui me conseilla de mettre les pièces dans une boîte, pour pouvoir les dépenser plus tard. Comme j'étais fière !

Je me promenais dans tout l'appartement avec ma boîte, qui fus rapidement confisquée par ma gouvernante, considérant qu'une jeune fille de mon âge n'avait rien à faire avec de l'argent.

Ma tante, voyant ma tristesse, me redonna bien vite ma boîte, ce qui me rendit le sourire. Après tout, ce n'était pas de grande valeur.

Le dix mai, un petit garçon porté disparu depuis plusieurs jours fut retrouvé mort dans le quartier pauvre qui jouxtait celui où nous vivions. Comme les malheurs n'arrivaient qu'aux autres, nous ne nous méfions pas.

Depuis quelques temps, nous avions remarqué un homme qui tournait autour du parc où nous jouions, ce qui était étrange, car il n'avait rien à faire près d'un jardin où évoluaient en permanence des enfants.

Avec mes amies, nous l'observions depuis notre cachette, critiquant son physique, sa barbe bien tondue, ses cheveux bruns, soyeux, son visage bien dessiné et ses drôles de manières.

Tous les jours ou presque, il recommençait le même manège, observant un temps les enfants depuis l'extérieur du parc, puis s'approchant, parlant avec certains d'entre eux, et repartant à pied. Personne ne s'inquiétait. Plutôt jeune, il n'avait pas l'air méchant et offrait même parfois des friandises aux petits gourmands.

Beaucoup plus tard dans le mois, nous le vîmes avec mes amies garer sa petite carriole, rentrer dans le parc, prier un garçon de cinq ou six ans de le suivre et l'emmener avec lui.

Comme nous ne devinions pas ses intentions, nous ne prévînmes personne. La disparition de l'enfant n'inquiéta personne avant le soir, où la nourrice paniqua de ne plus voir le bambin dans le parc une fois tous les enfants rentrés chez eux. Les parents prévinrent le soir venu les autorités qui cherchèrent, en vain.

L'homme ne refit pas son apparition avant que tout le monde n’ai sorti ce drame de son esprit. Sur la page principale du journal de mon oncle, il y avait écrit un jour en première de couverture ''L'enfant fantôme''.

Lorsque nous revîmes cet homme, nous ne riions plus du tout. Il avait toujours ce sourire en coin, celui d'un homme plein de bonnes intentions, mais nous savions maintenant que c'était lui, le meurtrier. Son manège se perpétuait, et personne, non personne, ne le soupçonnait. Lorsqu'une petite fille disparu à son tour, si nous ne l'avions pas vu passer à l'acte, nous étions certaines que c'était lui.

La gazette avait quelques jours plus tard comme titre '‘ Perrette de Malmaison, le deuxième enfant fantôme ?''

La fillette ne fut pas retrouvée mais l'homme revint, encore une fois. Cette fois, nous avions vraiment peur. Les enlèvements se succédaient, trois enfants disparurent entre le mois de mai et le mois de juillet. Lorsque enfin, on le soupçonna à force de témoignages de passants intrigués, il fut retrouvé mort sous un pont.

Le plus terrible, c'était de savoir que les enfants étaient peut - être encore vivants, enfermés quelque part dans le royaume de France, où même à Paris, mais faute de savoir où ils se trouvaient, ils mourraient probablement de faim et de soif avant que les recherches ne soient commencées.

En juillet, Charles, qui tenait désormais assis seul et s'éveillait avec toute l'attention de ses parents, vit sa gencive percée de sa première dent. A cinq mois, il était le plus heureux et le plus beau des petits garçons. Sa mère Élisabeth, un peu plus mature depuis qu'elle était mère et épouse, avait cependant toujours autant de liens avec nous.

Lorsque je venais à me demander si Dieu existait vraiment, Camille me remettait toujours sur le droit chemin.

— '' Croyez - y, Louise. Ne doutez jamais de son existence, c'est important. Promettez-moi que plus jamais vous ne douterez.

—''Je ne douterais plus, ma sœur, c'est promis.

Alors je l'embrassais avant de quitter la pièce satisfaite.

J'aimais discuter avec Charles, le mari de ma cousine, lorsqu'il venait nous rendre visite avec son fils et sa femme. Comme je me montrais curieuse de savoir ce qu'il lisait, il m'expliqua sa passion : le ciel. Son plus grand rêve aurait été de voler un jour, dans son prototype de ballon à air chaud, dont il avait soigneusement dessiné les plans. Il me transmettait ça avec une énergie incroyable, son grand projet étant de voler un jour dans son engin. Il réussissait au fil de ses visites à me transmettre sa passion pour le ciel, les oiseaux, le vent et les étoiles.

Lorsque j'observais un nouvel oiseau dans le parc, je lui faisais part de ma découverte et il répertoriait tout ça dans un carnet.

Mais à huit ans, les passions changent vite, et à peine quelques semaines plus tard, je n’en avais déjà plus rien a faire.

Dans l'insouciance de mes huit ans, j'oubliais la vie misérable de dehors, celle des enfants du peuple, qui grouillaient dans la ville. Pour moi, la vie était douce, tranquille, sans problèmes, alors que pour beaucoup, elle était malheureuse, faite de misère et de douleur.

Ma tante leur apportait souvent la soupe et le pain, mais ce n'était qu'une goutte d'eau dans l'océan. L'hiver je les voyais, quémandant le sou, vêtus de haillons troués, grelottants de froid. La pitié me saisissait alors, comme une voix qui m'inciterait à les faire rentrer chez moi.

J'aurais voulu tous leur donner la main, mais je n'avais pas encore une vision réaliste des choses, car ils se comptaient par milliers. Des fois, en hiver, ma sœur achetaient aux petits vendeurs d'allumettes sur ses économies. Elle était bonne, Camille.

Nous allions quelquefois, avec ma gouvernante, visiter les quartiers où leurs piteuses maisons se trouvaient, quand ils en avaient. Je leur jetais du pain, comme je l'aurais fait aux pigeons, en évitant de marcher sur les excréments qui jonchaient le sol et en essayant de ne pas penser à l'odeur d'urine qui saisissait mes narines avec une force impressionnante.

Je ne me rendais alors pas compte de la chance que j'avais de grandir dans ce milieu favorisé, qui n'était qu'une toute petite minorité dans la misère du Royaume de France.

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