Camille,

Une belle et heureuse année de vos quatorze ans et bien que je vous le souhaite une journée à l'avance, lorsque vous le recevrez, ce sera un retard !

Je souhaiterais également vous annoncer une heureuse nouvelle, dont je ne peux que m'empresser de vous faire part, notre cousine France vient en effet de nous annoncer sa grossesse ! Tout le monde espère un fils, Marguerite a même brûlé des bâtons d'encens, l'odeur est épouvantable dans l'hôtel mais je suis si heureuse qu'elle devienne mère. Cela m'importe très peu qu'il s'agisse d'une fille ou d'un garçon, même si je préférerais dans l'immédiat une petite fille, pour partager mes poupées.

Je suis malheureuse, car Marguerite vient en secret de me retirer la pièce que venait de m'offrir Célestin, qui est sûr que je l'ai égarée, si sûr qu'il ne me donnera jamais plus rien. Je ne pourrais plus vous faire de cadeau, alors que je savais quoi vous offrir pour vos quatorze ans.

Pour conclure, je dirais que je déteste Marguerite depuis que Jean est mort, je vais même, et c'est pour vous dire à quel point elle m’horripile, lui préférer Célestin.

Bien à vous,

Louise.

Chère Louise,

Cette lettre sera courte, mais ne vous inquiétez pas, je n'ai pas grand-chose à vous dire.

Tout d'abord merci de m'avoir souhaité mon anniversaire, que la plupart des gens de notre entourage ont oublié, mais vous, vous pensez chaque année à me le souhaiter. Je suis très heureuse que France soit enceinte, mais je regrette de ne pas pouvoir voir l'enfant avant des années, il sera grand lorsque j'aurais l'occasion de le rencontrer. Effectivement, Marguerite n'est pas très gentille de vous avoir retiré votre argent, mais il faut savoir que c'est ainsi, et qu'il faut se soumettre à son autorité.

La vie dans cette institution est rigoureuse, mais je m’accroche en imaginant le bonheur que je ressentirais dans quelques années en rentrant à la maison.

Camille.

Chère Camille,

Joyeuse Saint - Nicolas en avance ! L'ambiance est centrée sur France, son époux travaillant beaucoup, elle passe son temps à la maison, choyée, et je suis un peu oubliée de tous.

Nous n'avons toujours pas de nouvelles d’Élisabeth, Marguerite se fait un sang d'encre, surtout que Charles non plus n'écrit pas. Il neige dehors, je pense que vous avez le même temps que moi, mais moi, je peux jouer avec ! Julienne m'ennuie avec ses anecdotes, que je fais semblant d'écouter, en riant une fois sur deux, mais elle est très pratique pour remonter la luge après la descente.

Vous risquez de me trouver cruelle, mais elle ne se plaint pas, je suis sa seule amie de toute façon. J'ai fais une grosse bêtise en attrapant un objet au-dessus de Marguerite, puisque j'ai accroché le collier qu'elle portait autour du cou et les perles se sont déversées sur le sol du salon. Elle ne m'a pas battu, mais Célestin fait mal lorsqu'il frappe, et je tiens à mes dents !

Je vais tenter de rester discrète, en espérant que Marguerite omette de lui en parler à son retour du travail.

Je me suis fais un bleu en glissant sur le tapis du salon et en me cognant la tête contre le meuble, mais ce genre d'information ne vous intéresse guère, je le pense.

Bien à vous,

Louise.

Chère Louise,

Tout d'abord joyeuse Saint-Nicolas en retard. En effet je ne profite pas de la neige, plongée dans mes livres de prières, mais je suis presque adulte à présent, et il est temps de passer à des occupations plus matures, dignes de mon âge.

De mon avis personnel, je trouve très impoli de la part d'Élisabeth de ne pas envoyer de nouvelles à sa famille, mais peut - être les lettres se perdent-elles ?

Faites attention ma sœur à vos gestes, car je n'aimerais pas vous retrouver en morceaux. Votre bêtise n'est sûrement pas grave, mais Célestin trouverait n'importe quel prétexte pour vous battre jusqu'au sang.

Camille.

Chère Camille,

Je voudrais vous souhaiter une belle nouvelle année pleine de bonheur et une bonne santé.

A la maison, je n'ai pas grand-chose à faire, car France est au centre de l'attention, alors je vous écris, je pense à vous, je me demande souvent ce que vous faites, si vous n'avez pas trop froid dans votre chambre.

La neige tombe, il fait froid dehors, il n'y a personne dans les rues mis à part quelques voitures et quelques mendiants, j'aimerais aller jouer dehors, mais le courage me manque. Marguerite aimerait que j'apprenne mes leçons, que je révise mon clavecin, que je fasse des exercices de théologie, mais je n'aime pas apprendre, comprenez-le.

Au sujet du collier, personne n'a ressassé ma faute, je ne peux pas vous décrire à quel point je me suis trouvée soulagée, je ferais bien attention à présent. Concernant les actualités de la gazette que lit Célestin, il y a eu un incendie dans le quartier qui jouxte celui où nous habitons, et un enfant noyé dans la Seine, mais pour de ce qui est plus heureux, six naissances dont les parents ont fait part au journal.

J'aime relever les naissances, des enfants que je ne verrais jamais, mais cela me fait plaisir.

Encore une fois bonne santé, bien à vous,

Louise.

Chère Louise,

Bonne année à vous, et bonne santé.

J'ai toujours aussi froid, mais je m'habitue, et mes nuits ne sont de toute façon pas très longues, je dois me lever vers six heures du matin pour la prière, c'est vraiment ce que je déteste ici.

Comment se déroule la grossesse de France ? Avez-vous des nouvelles d’Élisabeth ?

Tant de questions qui me font m'inquiéter, sachez qu'a part vous, personne ne m'écrit, pas même tante Marguerite, ce qui me fait comprendre qu'elle ne tient pas tant à moi que cela.

Merci de me tenir informée de ce qui se passe, je vous en suis reconnaissante.

Camille.