Chapitre 29I: décembre 1780 - février 1781
Décembre passa, Émile m'offrit un joli dessin pour le nouvel an, il reçu un baiser plein d'amour, son seul cadeau d'anniversaire pour cette année, mais il s'en contentait, trop heureux d'avoir un petit frère ou une petite sœur à cajoler d'ici quelques semaines.
Mon monde s'écroula lorsque Gustavine m'apporta cette lettre.
Je décachetais et lisait l'épître, avant de m'effondrer. Ma cousine France venait de décéder. Je n'avais pas de mots, je regrettais énormément de ne pas lui avoir écrit, de ne pas lui avoir rappelé que je pensais encore à elle, qu'elle pouvait compter sur moi dans ses malheurs et les deuils successifs qu'elle avait dû supporter. J'aurais voulu me rendre à son enterrement, mais mon mari avait peur que je n'accouche là - bas, il préférait me savoir en sécurité dans ma chambre. Mes larmes dû au départ de France se mêlaient à la douleur des contractions que me causait l'enfant, c'était une période difficile pour moi.
Michel avait neuf ans et Gustavine treize ans ce mois de février.
Le vingt – quatre février au matin, mes contractions devenaient insupportables, je sentais l'enfant pousser pour sortir, je prévenais Gustavine qui courait chercher les voisines pour m'aider à mettre au monde. Tout se passa comme pour mes précédents accouchements, si ce n'est que l'enfant naquit relativement vite, non sans me rappeler le petit Amédée que ma tante avait à l'époque surnommé le bébé surprise. La délivrance se faisait en milieu d'après – midi du vingt – cinq, à l'heure où les enfants prenaient leur goûter, j'entendais Émile se disputer avec son frère au rez de chaussée, ils ne se doutaient pas que leur petit frère était né. Alors que j'aurais vraiment imaginée être déçue si c'était un garçon, je n'y pensais même plus lorsque je voyais mon fils pour la première fois, si beau, je l'embrassais longuement sur le front chaud, ses petites mains s'agitaient dans les mailles, ses yeux de bébé étaient clos. Les matrones s'éclipsaient tandis que je tentais de trouver un joli prénom à mon nouveau – né, mon mari étant absent, j'en profitais pour décider.
Une fois mon choix effectué, j'appelais les enfants qui accoururent pour rencontrer leur petit frère. Émile se dirigea en premier vers le berceau.
— ‘’ Émile, calmez - vous je vous prie. Vous pourrez prendre votre frère dans vos bras quand vous serez sage.
—''Comment il s'appelle mon petit frère?
—'' André. Comme le deuxième apôtre de Jésus. Vous le connaissez, le deuxième apôtre, n'estce pas Émile ?
—''Oui !
—''Qu'a t-il donc fait pour l'église ?
—''C'est lui qui est allé trouver Pierre pour l’emmener à Jésus.
—''C'est bien trésor. N'oubliez pas que Pierre était son frère.
Léon – Paul, suivi de Malou, Gustavine et Michel arrivèrent dans ma chambre, j'avais l'impression d'être un roi lors de la cérémonie du lever ! Émile revendiqua le droit de prendre dans ses bras André, je me levais péniblement de mon lit pour l'aider a bien porter le bébé âgé de seulement quelques heures.
—''Prenez le bien comme ça… voilà, mettez votre main sous sa tête, il ne la tient pas. Restez ici, il est très fragile, faites bien attention.
—''Moi aussi je pourrais prendre mon petit frère ? Me demanda envieux Léon – Paul assis sur le bord du lit près de ses cousins.
—''Bien sûr. Mais pour l'instant c'est au tour d’Émile.
Chacun des enfants, à l'exception de Michel, pris le nouveau – né dans ses bras, mais comme il n'était pas encore baptisé, je préférais ne pas le sortir de la chambre.
—''Les enfants, je voudrais me reposer, vous verrez André tous les jours après.
La nourrice était venue allaiter mon fils, mais j'avais refusé qu'il ne mange avant son baptême, j'avais trop peur qu'il ne lui arrive quelque chose de grave avant cette cérémonie très importante. Mon mari finissait par arriver, c'était la première fois qu'il s'absentait lors d'un de mes accouchements, mais il avait quitté la maison tôt le matin, avant que je ne sois réveillée par mes contractions.
Je l'entendais entrer dans la maison, à peine avait -il le temps de sortir un mot que les enfants lui annonçaient la naissance. Mon mari montait donc les escaliers presque quatre à quatre, sans doute pressé de voir son enfant, et pénétrait doucement dans ma chambre.
—''Alors vous avez accouché ? Hier soir vous n'étiez pas souffrante pourtant.
—''C'est un fils.
—''Les enfants me l'ont dit. Je vais l'emmener au baptême. Vous lui avez déjà donné un prénom ?
—''Trois. Camille, Louis, André.
Il s'approchait du berceau de son fils, et l'embrassa sur la joue, l'enfant ouvrit un peu ses yeux sur son père, avant de se rendormir très vite. Je me levais de mon lit pour attraper le couffin et y placer le nouveau – né, de façon à ce que mon mari puisse le conduire à l’église. Je rabattais le mieux possible les couvertures pour qu'il ne prenne pas froid en ce mois de février, et je laissais Léon sortir mon bébé pour la première fois de cette chambre.
Je me recouchais, encore épuisée, et me réveillais au retour de Léon avec le nouveau – né. André pleurait, il avait faim. J’appelais donc avec la force qu’il me restait la nourrice.
—''Amantine ! Amantine !
Celle – ci arriva, s'assit, aussi je lui donnais mon fils pour qu'elle puisse le nourrir. Je m'étais recouchée, mais je sentais que quelque chose n'allait pas, entendant encore mon fils pleurer. Amantine me regardait avec insistance, et finissait par me dire de sa petite voix, comme si elle se reprochait quelque chose.
—''Il ne prend pas le sein madame.
—''Comment cela ? Montrez - moi.
Quand la nourrice plaçait la bouche de l'enfant contre son téton, il détournait la tête.
—''En effet il ne prend pas. Comment vais – je faire ? Léon !
Mon mari arriva presque en courant, sans comprendre pourquoi je l'avais appelé.
—''André ne prend pas le sein. Comment pourrait-il être nourri autrement ?
—''Cela viendra peut – être au fil des jours. Quand il aura faim, sans aucun doute il tétera. Écoutez Louise, ces choses-là, vraiment, ne me concernent pas en tant que père. Cela tient de votre éducation, non ?
Mon mari quittait ma chambre tandis que je réfléchissais au moyen de nourrir mon fils. Je proposais à Amantine de tirer son lait dans un biberon, qu'il aurait plus de facilité à téter, mais elle refusait, sous prétexte qu'elle était payée pour allaiter un nouveau – né et non pas jouer les vaches à lait. La dernière solution était de moi-même nourrir mon bébé, ainsi j'espérais qu'il accepte mieux, et qu'il mange. Même si mon mari ne serait pas forcément d'accord et qu'il était très contraignant d'allaiter un enfant, jour et nuit dans les premières semaines de vie, je ne voyais que cette solution.
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