Chapitre 27E: septembre 1778
Je me souviens, c'était un jeudi matin, le trente septembre je crois, mon mari me laissait un peu d'argent, quelques consignes, et conduisit Léon – Paul à l'hôpital, pour l'y faire soigner. Le voyage était de quelques jours, mon mari espérait que son fils en reviendrait guéri de tous ses maux, alors que je n'y croyais absolument pas.
L'après – midi même, alors que nous lavions le linge avec Gabrielle, qui surveillait du coin de l’œil sa petite endormie dans son couffin, mon cœur se mis à battre, c'était comme ça quand je trouvais quelque chose d'interdit à faire, une occasion que je n'aurais jamais plus. Pourquoi ne pas profiter de l'absence de Léon pour emmener les enfants rendre visite à la famille à Paris ? Bien sûr, nous devrions marcher, mais qu'importe, mes p’tits loups étaient solides. Gustavine pourrait porter Émile s’il était fatigué, elle avait de l’énergie. J'avais décidé que nous irions le lendemain, pour faire la surprise à Madeleine.
Le soir où ni Léon ni Léon – Paul n'étaient là, j'avais laissé Gustavine faire la soupe. Du haut de ses dix ans et demi, je voulais pour elle une indépendance, surtout si elle voulait faire de longues études et se marier tard. Bien sûr ce soir-là, je lui avais expliqué la technique, mais j’espérais qu'elle sache bientôt la faire seule. Ce soir-là, j'avais l'impression d'être libérée d'une chaîne autour du cou, je me sentais libre, pouvant faire ce que je voulais, il ne rentrerait que dans quelques jours, une semaine m'avait -il dit avec le voyage aller – retour et le temps sur place, autant de temps dont je comptais profiter le plus possible.
Le lendemain matin, alors que je comptais partir tôt pour pouvoir marcher tranquillement, Michel se mettait à se plaindre de douleurs au ventre aussi il refusait de sortir de son lit et avait le front chaud. J'habillais Émile quand Malou venait me voir en courant :
—''Louise ! Michel est malade, il vomit !
Je laissais Émile et me précipitais auprès de Michel qui pleurait dans son lit, au pied duquel le sol était trempé, il y avait une immonde flaque jaunâtre.
—''Pauvre Michel, que faire ? Nous allons rester là les enfants, que voulez-vous, je ne peux pas le laisser seul du fait de son âge et de son état.
Je m'interrogeais sur la santé de mon neveu tandis que Gustavine me faisait une proposition :
—''Je peux le garder aujourd'hui si cela vous arrange, si cela vous permet d'aller voir votre famille. Je ferais à manger ce midi.
'' —Écoutez Gustavine…
—''Gabrielle est là, elle pourrait m'aider en cas de problème. Et puis je ne connais pas votre famille, donc cela m'importe peu de ne pas les voir.
—''De toute façon, si personne ne garde Michel, nous ne pouvons pas y aller. Et puis pourquoi pas ? Vous êtes grande maintenant. Mais promettez-moi de ne jamais le laisser seul, quel que soit la situation, il ne saurait pas quoi faire. S’il a envie de faire ses besoins, emmenez le dehors, s’il a envie de vomir, apportez-lui une bassine mais n'oubliez pas qu'il ne voit rien.
Avec un peu d'inquiétude, je laissais Michel aux soins de Gustavine, a vrai dire je comptais plus sur la surveillance de Gabrielle pour s'assurer qu'il ne se passait rien de grave, je lui faisais confiance, même si je savais bien qu'elle avait des choses à faire avec ses enfants.
Après le repas du matin, nous partîmes donc, avec Émile dans mes bras. Ma nièce marchait bien, c'était du haut de ses huit ans, une petite fille joviale et dynamique, qui aimait jouer avec ses amies, mais pas l'école. Elle m’en parlait souvent.
—''Moi, quand j'aurais quatorze ans, j'arrêterais l'école et je resterais à la maison. Ensuite, je me marierais et comme ça, je n’aurais plus jamais besoin de faire des études !
—''Marie – Louise…
Elle me coupa net dans ma phrase.
—''Non, ne m’appelez pas comme ça, je n'aime pas ça ! Moi c'est Malou !
—''Ne me parlez pas sur ce ton je vous en prie. Vous vous appelez Marie – Louise et ce, pour toute la vie. Je sais bien que vous n'aimez pas, mais bon, ce n'est pas moi qui était à la place de votre mère le jour de votre naissance!
Au bout d'une heure et demi de marche, pour nous et d'ennui profond pour Émile, nous arrivâmes devant l'appartement de mon frère, ce fus alors un véritable soulagement. C'était le nouvel appartement qu'ils avaient acquis, non loin en effet d'un chantier qui s'avérait être immense, pour construire une école pour aveugles, chantier qui débutait juste.
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