Chapitre 26E: juillet - août 1776
Il y avait tant de monde que j'aurais parié ma vie pour que je croise quelqu'un que je connaisse. Alors que nous nous installions au balcon, mon cœur se mit à battre : j'avais vu juste, mon frère et son épouse étaient assis non loin de nous. Madeleine avait chaussé ses jumelles, tant elle était loin de la scène, et mon frère lui fis remarquer que j'étais présente au balcon. Ma belle – sœur retira ses loupes et me fis un vague signe de la main accompagné d’un grand sourire. Suite à cela elle chuchota quelques mots à son époux avant que le rideau ne se lève. Pendant la pièce, un grand classique appelé '' Antigone'', Émile s'endormit et Malou s'agita, je tentais de la calmer mais elle sanglota bientôt à chaudes larmes. Je lui donnais un mouchoir et préférais regarder mon ange dormir plutôt que cet ennui sur scène, je n'avais plus le plaisir d'aller au théâtre, était-ce parce que j'étais mère ? Je ne le savais pas, mais ce que je savais, c'est que je voulais sortir de cette ambiance étouffante au plus vite. à la fin, je m'en allais voir Madeleine et Louis, avec dans mes bras mon ange somnolant, et à la main Malou, qui traînait des pieds. Il était déjà clair que Madeleine était enceinte, son ventre n'était pas imposant, mais seulement, il était un peu rebondi.
Je saluais Madeleine par une accolade et Louis me faisait un baisemain. Soulagée de les revoir, je prenais de leurs nouvelles, les filles étaient à la maison, la sœur de Madeleine venait de se remarier et d'avoir un enfant. Je me sentais prisonnière à Montrouge et je serais restée définitivement à Paris, si nous n'avions pas dû rentrer. Je couchais Émile et les enfants en rentrant et m'occupait de Malou, écrivant la lettre pour Adélaïde, répondant à ses questions sur son père et son frère aîné, la prévenant qu'il risquerait d'être froid et mal à l'aise avec elle si nous allions lui rendre visite, elle ne changeait malgré tout pas d'avis. Elle dormait plutôt bien la nuit suivante, et j'allais poster la lettre dès le lendemain. Chaque jour Malou me demandait si j'avais reçu une réponse, mais de quelle manière pouvait-elle comprendre qu'une lettre mettait souvent plus de deux semaines à arriver ?
Lorsque les poussins naquirent, Lion en croqua quelques-uns. L’animal avait l'habitude de chasser les petits oiseaux et nous avions dû l'attacher pour éviter qu'il ne mange la couvée entière. Malheureuse, la pauvre bête aboyait et tirait la chaîne sans cesse, je n'aimais pas la voir comme cela. Quand Léon – Paul la caressait elle se couchait, docile, il l'embrassait affectueusement. Les semaines passèrent, nous arrivâmes en juillet, Malou ne pensait plus à sa réponse, mais moi, je l'attendais avec appréhension : je n'avais pas du tout envie d'aller voir Auguste père, je savais pertinemment qu'il recevrait mal sa fille, qu'il serait mal à l'aise et qu'elle serait déçue. La réponse arriva au début du mois de juillet :
Ma petite Marie – Louise,
J'ai appris que vous souhaitiez voir votre père et votre frère, c'est pour cela que je vous envoie leur adresse, ils vivent 7, rue Molière, au premier étage, dans un petit appartement tout à fait convenable pour deux personnes, Auguste fils, qui a huit ans, suit un apprentissage avec son père, c'est un charmant garçon qui sera ravi de voir sa sœur cadette. Pour votre tante, je peux vous dire Louise que mon frère est ravi de revoir sa fille, il est pudique mais il l'aime ne vous en faites pas. Mon frère se libérera le jour venu pour vous recevoir, simplement dites-moi quand vous comptez vous y rendre. Michel aussi pourrait venir, je n'ai pas de nouvelles de lui, est-il au moins encore en vie ? Louise, je suis affligée, mon fils, qui avait seulement un an, vient de mourir emporté en une nuit par une fièvre terrible, et son frère Augustin ne comprend pas. Dieu, rend nous ce petit être, pour le faire mourir, pourquoi l’avoir fait naître ? Nous n'avions pas envoyé de faire part pour la naissance de Charles, mais il était né le quatre juin de l'année dernière. Sur ce drame je vous souhaite une bonne continuation,
Adélaïde.
Nous répondîmes par une lettre de condoléances à Adélaïde et a son mari et Malou, excitée a l'idée d'enfin pouvoir voir son père, en oubliait l'école qui l'attendait en septembre, cela me rendait morose car je savais à quel point Caroline aurait aimé y aller avec elle.
J'aurais voulu ne pas aller chez Auguste père mais j'avais promis à ma nièce, alors aussitôt l'accord de Léon obtenu (il se fichait vraiment de moi car je n'avais même pas eu besoin de justifier ma visite à Paris) il nous déposa un matin dans la rue où vivait Auguste.
Après la visite, je comptais emmener ma nièce au jardin des plantes et aux boulevards pour faire du lèche vitrine. Les enfants étaient restés avec Gabrielle à Montrouge, je lui avais promis à elle aussi de l'emmener un jour et pour la première fois de sa vie aux grandes avenues de Paris. L'immeuble dans lequel vivaient Auguste et son fils était un vieil immeuble populaire situé dans un quartier coupe gorge de la ville. Nous montâmes les escaliers et Malou frappa au n°2, un instant j'eus espéré que son père travaille, mais Adélaïde m'avait affirmé qu'il se libérerait ce matin-là pour la venue de sa fille. Un jeune garçon ouvrit la porte, si je n'avais pas su son âge, j'aurais dit qu'il avait celui de Malou, en effet il n'y avait que quatorze mois de différence d'âge entre ces deux-là.
Il nous demanda :
—''Bonjour … Qui êtes-vous ?
—''Voyons Auguste, cela ne fait pas si longtemps que cela, vous ne reconnaissez donc pas votre sœur et votre tante ?
—''Ah oui… papa m'avait parlé de vous. Me disait -il tandis que je lui baisais la joue, sa sœur il ne fit que la regarder de bas en haut, sans rien lui dire.
L'enfant resta un temps interrogatif, avant que je ne coupe le silence, et propose à Malou d'entrer (je devais prendre des initiatives, sinon je serais restée plantée là), nous suivîmes Auguste fils dans l’appartement qu’il occupait avec son père.
—''Je vais le chercher, il travaille dans son bureau.
Cela ne changea pas énormément de ses habitudes, du temps où il vivait avec ma sœur, nous ne le voyions presque jamais, il était toujours dans son petit cabinet.
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