Chapitre 25E: septembre - novembre 1775

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Louis m'annonça, dans une vraie lettre et non un faire part, la naissance.

Louise,

Cette fois ce ne sera pas un faire part, mais une vraie lettre, pour vous dire que ma troisième fille est née ce vendredi quinze septembre 1775, elle s'appelle Victoire, comme maman. Madeleine est un peu fatiguée mais la naissance, qui a eu lieu en pleine journée, s'est bien déroulée. Françoise et Henriette, qui marche depuis deux semaines, sont ravies de cette nouvelle sœur, moi pour tout vous dire un peu moins, un fils ne serait pas de trop, même si je trouve que Victoire ressemble un peu à Madeleine, elle est très jolie. Je ne vous demande jamais de vos nouvelles, mais j'espère que vous allez bien et que vous êtes heureuse avec Léon. Saviez-vous que sa première femme est morte en

En vous souhaitant une bonne continuation, Louis.

Qu'il ait prénommé son enfant Victoire me rendit heureuse, car au travers de ce prénom il la faisait revivre, on rendait hommage à maman partie trop tôt que ses petits–enfants ne connaîtraient jamais et que je n'avais vu qu'une fois. Ce qui me dérangea en revanche, c'était ce qu'il avait barré. Je n'avais jamais demandé à Gustavine de quelle manière sa mère était morte, ni même à Léon, mais mon frère m'avait mis le doute et désormais, j'étais inquiète. Je ne savais même pas comment elle se prénommait, alors j'allais voir Gustavine pour lui poser des questions.

—''Comment s'appelait votre mère, Gustavine ?

—''Caroline.

—''Comme votre sœur ?

—''Oui... Elle était déjà malade à la naissance et papa avait voulu lui redonner le sourire. C'était aussi le prénom de notre grand – mère, morte peu de temps avant.

—''De quelle sorte de maladie souffrait - elle ? Tuberculose ? Tumeur ?

—''Je ne sais pas. Quand elle est morte, j'étais encore petite. Mais je me souviens que papa nous a dit un soir : mes filles, votre mère est morte.

—''Vous l'avez vu malade ? Vous lui avez dit au revoir ?

—''Non, elle était si malade que papa ne voulait pas que l'on aille dans sa chambre.

—''Tout cela est bien étrange. Vous avez assisté à son enterrement ?

—''Non. Nous sommes restées chez notre grand – mère deux jours durant. Papa nous a dit que nous irions lui rendre visite à Paris, quand il aura acheté la nouvelle voiture.

—''Une nouvelle voiture ?

—''Oui, il m'a même dit qu'elle pourrait transporter toute la famille.

Je venais d'apprendre par ma belle – fille que Léon comptait acheter une nouvelle voiture, que sa femme était morte dans de mystérieuses circonstances et que Caroline et Gustavine avaient encore leur grand – mère paternel.

J'envoyais une lettre à Madeleine, qui en tant que cousine de Léon, avait dû connaître son ancienne épouse.

Ma chère Madeleine,

J'espère que vous ne trimez pas trop avec vos trois petites filles, et qu'elles vont bien autant l'une que l'autre. N'êtes-vous pas trop fatiguée par la naissance ? Louis m'a dit dans sa première lettre que l'accouchement vous avait épuisé, je vous souhaite de vous en remettre au plus vite. Connaissiez-vous bien Caroline Aubejoux, la première épouse de Léon ? J'aimerais savoir les circonstances de son décès, si cela ne tient pas trop à l'intime, car Gustavine m'a affirmé ne rien savoir de sa mort, ce qui est étrange, elle est sa fille tout de même ! Dites-moi tout ce que vous savez, je ne mène pas d'enquête, je veux juste éclairer certaines choses. Sur ce, je vous souhaite une bonne continuation, et une bonne santé pour votre petite famille déjà nombreuse !

Louise.

Louise,

Merci de me donner du courage avec mes trois princesses ! Françoise et Henriette aident (enfin Henriette aime suivre sa sœur) beaucoup la nourrice à laver, nourrir et bercer Victoire, elle m'a confié qu'elle ferait une très bonne mère ! Vous savez Louise, je voyais très peu Caroline, la seule fois où je lui avait parlé, c'était pour son mariage, lors de la naissance de ses enfants, lors des décès aussi car le couple à perdu trois enfants en bas – âge en 1765, 1766 et 1769. Sinon je ne les voyais pas du tout. Tout ce dont je suis sûre, c'est qu'elle est décédée le 30 janvier 1770, d'une tumeur jamais soignée. J'ai assisté à son enterrement, Léon était déchiré, c'est la première fois que je voyais un homme pleurer. C'est tout je que je peux dire sur sa mort, si vous avez des questions, n'hésitez pas, j'ai le temps, Victoire dort tout le temps et la nourrice emmène tous les après – midi Françoise et Henriette jouer au square.

Madeleine.

Je n'avais plus de questions à poser à ma belle–sœur, tout était désormais clair pour moi.

En novembre, je priais Léon de me laisser prendre sa voiture pour aller déposer des fleurs sur la tombe de ma sœur, pour son anniversaire. Il refusait, il avait besoin de sa voiture pour aller travailler et selon lui, une femme ne pouvait pas savoir mener un attelage. Le soir venu, seule dans ma chambre, je tapais contre le mur, je le détestais, ma sœur n'aurait jamais méritée une telle estime, ce n'était qu'un pauvre type égoïste. J'allais bientôt mettre au monde mon bébé, dans quelle société? une société misogyne, injuste envers les pauvres et par-dessus tout monarchique, puisque le peuple n'avait pas le droit à la parole pour élire son représentant, surtout quand le représentant qui gouvernait par la force des choses n'était qu'un menteur, un mauvais. Toute cette haine était accentuée par mes douleurs, la même que celle de mes autres grossesses, et la tristesse profonde de ne pas pu avoir souhaiter l'anniversaire de ma sœur, mettre de nouvelles fleurs sur sa tombe, pour faire vivre sa mémoire.

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