Chapitre 25I: avril 1776

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Je me réveillais ce matin d'avril avec un mal de ventre et une migraine qui me serrait la tête comme un étau, et la journée fus pire, si bien que je vomissais mes tripes la nuit suivante. Nauséeuse, je restais au lit et ne pouvais plus rien avaler sous peine de tout vomir, même un verre d'eau me donnait des hauts le cœur. La nourrice d’Émile s'occupait des enfants tandis que je dormais d'un sommeil entrecoupé de vomissements, qui me brûlaient la gorge et me tirait l'estomac douloureusement. Mes nuits chaotiques furent suivies de celles de Michel, lui aussi malade, qui pleurait de fatigue tant les maux de ventres lui étaient insupportables et celles de tous les autres enfants, qui en l'espace d'une semaine tombèrent tous malades, plus ou moins douloureusement et avec plus ou moins de vomissements et de crises de diarrhées, terribles celles-là…

Mon petit Émile, très jeune et fragile, fut envoyé quelques jours avec sa nourrice chez les voisins pour échapper à la maladie, qui lui aurait été mortelle. Ceux – là, aidés par leur famille, venaient d’emménager dans leur nouvelle maison avec leur petit garçon, qui avait sept mois. Je m'étais liée d'amitié avec Gabrielle, nous allions au lavoir ensemble le dimanche, à six heures le matin où les séances de lavage de linge rouge n'étaient plus si terribles en sa compagnie, au marché aussi, où nous comparions nos achats et éclations en fous rires lorsqu’on s'apercevait que nous avions acheté les mêmes produits, lorsque je lui faisait part de la manie qu'avait Léon - Paul de vouloir retirer les pépins de sa fraise en s'en mettant partout sur les doigts.

Avril fus joyeux, j'étais bien avec Gabrielle, et lorsque je ne la voyais pas pendant ne serait-ce qu'une journée, elle était triste et sans rires. Nous portions nos bébés contre nous dans le village en surveillant Léon – Paul qui adorait toujours autant sa draisienne, Michel me prenait la main pendant que je tenais bébé dans mes bras, je voulais qu'il fasse l'effort de sortir, pour rien au monde je ne l’aurais laissé seul à la maison, il était vrai que faire sortir un enfant aveugle demandait beaucoup d'attention, mais c'était pour son bien, je n'avais pas honte de sa différence, c'était mon neveu, on me l'avait confié, alors j'en prenais soin. Malou et Caroline couraient loin devant en allant parfois espionner les écoliers en pause dans leur cour, elles s'agenouillaient et passaient des bouts de biscuits volés dans la cuisine à travers un trou dans le mur. Cela nous faisait bien rire avec Gabrielle, nous riions de tout, c'était tellement agréable.

Lorsque nous mettions face à face Émile et François en les tenant à bout de bras, ils éclataient de rire. Pour nous c'était sûr, ces deux - là seraient les meilleurs amis du monde. François était un peu plus âgé qu’Émile, il essayait déjà de se retourner lorsqu'on le mettait à plat ventre sur le sol et babillait de vagues '' maman'', alors que mon bébé a moi tenait tout juste sa tête.

Gabrielle m'invita chez elle, après que nos corvées soient à peu près toutes faites, beaucoup plus importantes pour moi que pour elle, nous étions huit, ils étaient trois. Dans sa petite maison de trois pièces toute en pierre, on sentait une agréable odeur d'herbes aromatiques, coriandre, persil ou poivre, pendus au-dessus de sa cheminée, des saucisses et des jambons qui séchaient. Gabrielle me fit visiter son logis : d'abord la chambre qu'elle occupait avec son époux, meublée d'un grand lit, près duquel se trouvait le berceau de François, une coiffeuse pour Gabrielle, un cadeau de mariage qui ne servait jamais, un coffre fermé à double tour, un cierge, un tapis. En sortant de la pièce, je lui faisais une remarque.

—''Est–ce un choix ou au contraire un manque de place qui vous pousse à partager votre couche avec votre époux ?

—''Pourquoi cela vous étonne-t-il ? Cela ne se fait pas chez vous ?

—''Non, personne dans ma famille ne fait cela a ce que je sache…

—''Louise, cela se fait, que vous le vouliez ou non, nous n’avions pas le choix. La maison ne compte que trois pièces, et puis, je ne vois aucun problème à cela.

—''C'était juste une remarque Gabrielle, ne vous fâchez pas.

Dans la maison et dans la même pièce il y avait aussi une minuscule cuisine et un modeste salon dans lequel au plafond l'on pouvait voir les poutres apparentes qui donnaient un grand charme à la maison, une cheminée éteinte en cette période de l'année et des représentations du Christ.

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