Chapitre 19B: juin - septembre 1770
La réponse de ma sœur le lendemain fut sans appel. Le seul homme pouvant encore exercer une autorité sur moi était mon frère Louis-Henri.
Camille et moi ne nous rendîmes pas à l'enterrement de Célestin, juste pour lui faire payer les gifles de notre enfance.
Tout alla ensuite très vite, l'appartement si récemment acquis fus vendu, l'esclave avec, je récupérais seulement quelques affaires personnelles, et m'en allais vivre chez mon frère, que je n'avais pas vu depuis de nombreuses années. J'avais très peur avant d'entrer chez lui, de le déranger, mais aussi et surtout peur de pénétrer dans son intimité. A ma grande surprise, je fus accueilli par une femme, et avant qu'elle n'ait pu dire un mot, une voix masculine retentit de loin.
— ‘’ C'est sans doute ma sœur, laissez-la entrer.
Puis j’aperçus mon frère, il me laissa entrer, et nous fîmes les présentations.
Je saluais Madeleine, et elle me le rendit. Elle était sa fiancée, leur projet était de se marier l'année prochaine. Une fois cela effectué, je m'installais dans ma nouvelle chambre, une immense pièce avec un grand lit et décorée de peintures, de bibelots sur la cheminée. Elle sentait bon cette pièce, la lavande je crois. Aussitôt que je me sois installée, je partais chez Camille, il était hors de question pour moi de rester plantée ici. Je m'empressais de lui faire part de mon nouveau logis, de sa fiancée, elle chuchota.
—'' Cette jeune femme doit profiter du fait d'avoir pu choisir son époux.
—'' Ne vous plaignez pas, Auguste n'est pas si terrible. Répondis-je a son exclamation.
—''Vous ne vivez pas avec lui au quotidien. Il est insupportable, je le déteste.
—''Il vous bat ?
—''Si il me battait, je vous le dirais. Il n'est pas violent, mais très absent.
—''Je vous aiderais, ne vous inquiétez pas. Je prendrais soin du nouveau – né, et même d'Auguste fils le temps que vous vous reposiez.
—''Merci Louise, je vous serais infiniment reconnaissante.
Camille termina son été alitée car des saignements inquiétants eurent raison du bon déroulement de sa grossesse. Je restais près d'elle autant que je le pouvais, elle souffrait, il était temps qu'elle accouche. Cependant, il m’était devenu difficile de lui rendre visite autant que je le pouvais, car n'ayant plus de voiture, je devais faire les trajets à pied. J'avais très peur de rater la naissance de son enfant, surtout que la belle–mère m'interdisait de rester près de ma sœur la nuit, pour une raison idiote : l'intimité des époux. Je doute qu'Auguste touche sa femme enceinte, la belle–mère voulait surtout me mettre des bâtons dans les roues. Pour le premier accouchement de Camille, j'étais restée jusqu'à la naissance et j'avais accompagné le baptême. Résignée au choix de la belle–mère, je marchais une heure durant dès huit heures du matin, pour aller veiller ma sœur et lui faire oublier la souffrance la journée.
Nous jouions aux cartes, je lui servais des tisanes au genévrier, nous discutions quand sa douleur n'était pas trop forte, je prenais aussi soin d'Auguste fils, qui fêta sa première année le vingt – cinq juin, et je l'emmenais voir sa mère, pour qu'elle lui fasses des baisers réconfortant. Il ne marchait pas encore, et même s'il n'était pas très lourd, devoir le porter à longueur de journées était contraignant. Il se mettait à faire très chaud en juillet, et malgré la distance et le soleil qui tapait fort, je ne pouvais pas abandonner ma sœur. Elle était-ce que j'avais de plus précieux, la personne que j'avais de plus chère au monde. Le Seigneur sembla beaucoup trop cruel : ma tête était terriblement lourde, j'avais des nausées, je vomissais, et j'avais d'horrible des coups de soleil qui m'arrachaient la peau en lambeaux.
Madeleine me veillait, appliquait des linges humides sur mon front, me donnait à boire, et un jour lorsque je demandais la date, elle me répondit.
—‘’ Nous sommes le samedi 1er septembre.
Je fondis en larmes parce que j'allais rater l'accouchement de Camille. Chaque soir, je m'endormais en priant de ne plus avoir cet horrible mal de tête, mais le lendemain, il était toujours là. Incapable de me lever pour aller voir ma sœur, je m'en voulais terriblement.
Jusqu'au matin où Madeleine m'annonça :
—''Louis m'a dit que votre sœur avait accouché ce matin.
Persuadée d'être guérie, je me levais pour aller voir Camille. Louis arriva et me retint.
—'' Vous n'êtes pas encore guérie.
—'' Je veux voir Camille, j'ai besoin de la serrer dans mes bras…
Voyant mon insistance, il refusa de me voir partir à pied et m'emmena donc dans sa voiture voir ma sœur. Celle – ci était couchée, je m'empressais d'aller la voir, pour l'embrasser, et dire bonjour à son enfant.
—'' Je suis désolée de ne pas avoir pu venir vous aider... J’ai attrapé un coup de chaleur.
—'' Ce n'est pas grave... L'enfant est là, c'est le principal.
Camille se pencha vers le berceau, et attrapa le nouveau-né délicatement dans ses bras.
Elle le regarda avec tendresse.
—'' Je l'ai appelée Marie–Louise et vous êtes la marraine. Il m'a fallu négocier car vous n'étiez pas présente au baptême. C'est vous qui prendriez soin d'elle s’il m'arrivait malheur.
—'' Je ne sais quoi vous dire, merci, merci beaucoup Camille.
Auguste fils manquait de confiance et d'attention, mais j'étais sûre qu'il pouvait vite y arriver.
Durant deux jours, je l'encourageais à marcher en m'agenouillant de plus en plus loin de lui et en tendant les bras, le petit garçon avait peur de tomber, mais il avançait très bien sur ses deux jambes lorsque je le tenais par les mains. Lorsque enfin, il se décida à faire ses pas d'une chaise à l'autre, je l'emmenais dans la chambre de sa mère pour lui montrer les immenses progrès de son fils. Celui-ci parcouru sans mon aide la distance du seuil de la porte jusqu'au lit de sa mère.
Camille l'embrassa avec tout l'amour qu'elle pouvait lui donner et je le récompensa d'une pâte de fruits, qu'il dévora avec la gourmandise d'un enfant, sans doute fier de savoir enfin marcher.
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