Chapitre 19E: octobre 1770
Dès le lendemain, à quinze heures et quelques minutes de l'après–dîner, je retrouva France devant l'immeuble de Camille. Nous entrâmes, frappèrent à la porte, et fûmes reçu par le petit Auguste fils qui, avec ses grands yeux bruns et ses belles boucles, nous fit nous extasier toutes les deux.
Camille apparu enfin, avec un grand sourire. Elle nous embrassa et nous fit entrer chez elle.
—''Chuuuuuuut... Malou dort…
—'' Comment l'appelez-vous ? Demandais-je interloquée
—''Malou. ‘’ C'est un petit surnom que je lui donne et que je trouve mignon...
—''Votre mari n'est pas là ? Questionna France qui n'avait pas connaissance des habitudes d'Auguste père.
—'' Non. Il rentre vers six heures et demie.
Autour du thé, nous nous extasiâmes devant Auguste fils qui s’essayait à des roulades arrières pour prendre plaisir à être au centre de l'attention. Camille alla ensuite chercher Malou dans son berceau, et France la prit dans ses bras. Nous rîmes lorsqu'elle tenta de lui parler, l'enfant avait les yeux grands ouverts, de belles billes bleues qui fixaient France.
—''Bonjour Malou, bonjour petite princesse, mais oui je vous regarde, vous êtes belle mon enfant…’’ Malou régurgita dans la surprise générale un peu de lait la robe de France.
—'' Je crois qu'elle vous aime bien... M'exclamais–je en connaissant ma sœur et en tentant de minimiser la situation.
Camille changea d’humeur.
—''Je ne comprends pas pourquoi elle me fait cela ! Le lait est celui d'une bonne nourrice pourtant ! Elle récupéra sa fille, et tenta d'essuyer le liquide tâchant le fauteuil et les vêtements de France.
Ma cousine s’adressa a elle sur un ton presque enfantin.
—''Ce n'est pas grave voyons. Calmez-vous Camille, vous êtes trop stressée. Prenez le temps de vous reposer, mes enfants sont grands, je peux vous garder Auguste et Malou ne serait-ce qu'un après – dîner. ‘’
Ma soeur déclina sèchement.
—''Non merci, je vais m'en occuper moi-même.‘’
Camille n'allait pas bien, je le sentais dans ses gestes, ses paroles, l'expression de son visage lorsque Auguste rentrait pour réclamer son repas du soir. Il n'était que dix–huit heures trente, mais il avait faim. Ma sœur paniqua lorsqu'elle le vit arriver, rien n'était encore prêt. France nous laissa, tandis que je restais encore un peu avec ma soeur. Ne sachant quoi faire, elle se mit à trembler.
Je la rassurais.
—''Ne vous inquiétez pas, je vais vous aider... Vous allez mettre Marie-Louise dans son berceau, peu importe si elle pleure, et donner sa bouillie à Auguste. Je m'occupe du repas de ce soir. ‘’
Effectivement, Marie – Louise manifesta sa colère du loin de la chambre, mais peu importe, les enfants pleuraient souvent à son âge. Ma sœur donnait a manger a son fils, pendant que je préparais le souper d'Auguste père, qui le dégusta en posant tout de même la question de pourquoi son épouse ne préparait pas le repas ce soir-là. Une fois qu'il eut terminé, nous passâmes à table avec ma sœur, si méritante. Après le repas, je devais partir, avec un pincement au cœur de laisser de nouveau seule ma sœur, abattue et fatiguée.
Camille était une jeune femme aux longs cheveux bruns, au visage qui laissait apparaître la fatigue de sa vie d'épouse et de mère, et aux courbes généreuses, contrairement à moi.
Un dimanche matin, après la messe, ma sœur aînée m’invita à venir prendre le dîner chez elle, pour déguster un poulet qu’elle n’avait le temps de préparer que ce jour-là. Bien sûr j’acceptais, heureuse de pouvoir partager un repas avec sa petite famille. Sur le chemin de son appartement, dans la voiture d’Auguste qui nous ramenait, elle me prévint.
—'' Par contre, je dois vous dire que l’ambiance est très froide. C’est le seul midi de la semaine où je mange avec Auguste, et pour moi, c’est assez fatiguant.
—''Auguste fils prend t-il son repas avec vous ?
—''Il n’y a pas vraiment le choix car comme nous rentrons vers midi, je ne peux pas le faire patienter jusqu’à treize heures pour manger, car après il doit faire sa sieste.
—''Et Malou ?
—''La nourrice l’allaite, ce n’est pas un problème.
Auguste arrêta la voiture à cinquante mètres de l’entrée de l’immeuble, car il était compliqué de trouver une place de libre dans cette ville bondée de véhicules. Camille devait donc tous les dimanches se débrouiller pour tenir la main de son fils d’un an qui marchait encore avec beaucoup de peine, et porter sa petite dernière de trois semaines sans la faire tomber, en supportant ses cris dû à la faim qui la tenaillait. Ce jour-là, je pu l’aider en m’occupant d’Auguste fils, qui tombait régulièrement.
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