Chapitre 19L: janvier 1771

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Ma sœur, je ne la vit plus beaucoup en ce début d'année, j'aurais bien eus besoin de la serrer dans mes bras et lui dire « je vous aime », mais elle était trop préoccupée par l'état inquiétant d'Auguste père. Malou eut elle aussi de la fièvre lorsque ses dents se mirent à pousser : j'aidais la bonne à lui donner le bain pour la rafraîchir et calmer ses pleurs, tout en gardant un œil sur Auguste fils. Les petits doigs du garçonnet traînaient souvent dans les jointures des portes, sur les objets de valeur posés sur les meubles du salon, et dont l'irrépressible envie d'aller sur le balcon ne me rassurait pas. Parfois je tentais de sonder la situation.

— Comment va Auguste ? Questionnais-je soucieuse ma sœur

— Sa fièvre a baissé, mais il tousse très fort et sa poitrine lui fait mal.

— Combien de temps le médecin a dit qu'il resterait encore au lit ?

— Il n'en sait rien. Les saignées, les lavements et les tisanes n'arrangent rien. Il faudrait inventer un remède miracle pour soigner immédiatement, tenez j'ai trouvé un nom... Médicament.

— Si seulement cela existait, les maladies seraient éradiquées et les médecins inutiles. Vous n'avez pas besoin d'argent, vu qu'Auguste ne travaille plus ?

— Il a de l'argent en réserve, et ses parents nous alloue une petite somme chaque mois, depuis notre mariage. Je ne saurais vous dire combien mais cela nous aide énormément. Auguste n'a pas un gros salaire vous savez... J'ai oublié de vous dire que nous allons déménager.

— Ah bon ? Où ça ?

— Il ne me l'a pas dit, mais je sais que c'est un plus petit appartement, et qu'il se situe près de chez notre frère.

Un appartement plus petit? Il était déjà exigu de faire vivre quatre personnes dans leur appartement actuel, alors comment les faire vivre dans un logis encore plus petit ? J'avais conscience de la misère du monde. Je savais que des familles entières à Paris parfois de dix ou douze personnes s'entassaient dans des appartements d'une pièce, mais leur vie à eux était miséreuse, alors que nous n'étions pas pauvres. La seule chose qui me rassurait un peu, c'était de savoir qu'elle vivrait non loin de moi.

Elle s'appelait Charlotte. Je l'avais rencontré devant l'étal d'un maraîcher alors que je venais de parcourir sous la neige le marché pour acheter des légumes de façon à aider ma sœur dans ses tâches ménagères. Nous attendions l'une derrière l'autre notre tour d'être servi et elle avait engagé la conversation.

— Vous aussi vous prenez la neige ? Frottait-elle entre elles ses mains gantées pour les réchauffer.

— Oui, mais c'est pour aider ma sœur, alors je relativise.

— Est-elle malade ?

— Non, c'est son mari, et comme elle a des enfants...

— Vous, vous avez des enfants ?

— Non, uniquement elle.

— Moi, j'ai une fille.

— Ah oui ? Quel âge a-t-elle ?

— Deux ans. Elle est née le premier janvier 1769. Après ces mots, elle sortit les pièces de sa bourse, les tendait au vendeur, qui lui donnait ses achats : quelques navets, deux poireaux, cinq ou six carottes et une énorme miche de pain noir.

Voyant que je regardais ses achats, elle s'exclama :

— C'est pour la soupe, ces légumes me font les repas d'une semaine complète. Il faut que je rentre, peut - être pourrions-nous nous revoir ?

— Pourquoi pas ?

— Chez moi, c'est trop petit par contre...

— Cela ne fait rien, je vous invite chez moi... attendez que je vous donne mon adresse... J'attrapais un bout de papier, y renseignait mon adresse et lui tendais. Aussitôt qu'elle l’eut dans les mains, elle sembla sceptique.

— Tout va bien ? Lui demandais-je

— C'est écrit trop petit. Plissa t-elle les yeux.

— Je ne trouve pas pourtant... ah... vous ne savez pas lire... c'est ça ?

— En fait, je ne suis jamais allée à l'école...

— Il n'y a pas de honte à avoir, rejoignons-nous ici demain à seize heures, nous irons chez moi ensemble pour prendre le thé. Au fait, quel est votre nom ? Je m'appelle Louise.

— Enchantée Louise, je suis d'accord pour demain. Moi c'est Charlotte.

— A demain alors !

— A vous aussi ! A demain ! M'exclamais–je tandis que le vendeur s'adressa a moi.

Et c'est comme ça que nous fîmes connaissance.

Par politesse, je prévenais le soir venu Louis de la visite de Charlotte, qui n'y trouva aucun problème, au contraire, il pensa que Madeleine serait ravie de faire sa connaissance. Celle–ci était un peu rendue anxieuse par son mariage qui devait se célébrer dans deux mois, le vingt-neuf avril et cette visite la détendrait sans doute.

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