Chapitre 18C: juillet 1769
Nous entrâmes dans la chambre de Camille, c'était une modeste chambre, avec une petite coiffeuse pleine de pots, peignes, et autres babioles, une cheminée, une armoire et un grand lit surmonté d'une croix catholique qui donnait le charme à la pièce, un grand lit à la parure bleue. Comme nous devions laver le nouveau–né, Camille le coucha comme un paquet sur le lit, préparant les nouvelles bandelettes, tandis que je plaçais les bûches dans la cheminée pour faire sécher celles souillées. Lorsque le feu y eus pris, Camille alla chercher le gant de toilette. Je déroulais les mailles de l'enfant, comme s’il avait été une momie, et il se retrouva nu comme un ver. Remuant ses petites jambes, dévoilant suffisamment qu'il était un mâle, il se mettait bientôt à pleurer. Bientôt sa mère arriva, et me gronda.
—''Vous lui avez retiré ses bandes ? Le petit va prendre froid ! Comment je fais maintenant ?
—''Excusez-moi … je voulais simplement vous aider …
—''Et bien c'est raté ! Au lieu de vous excuser, gardez-le au chaud.
Je le prenais dans mes bras, caressant sa peau de pêche toute fripée, tandis que Camille préparait la serviette et le gant de toilette. Lorsqu'il fus humide, ma sœur récupérait son fils et l'allongeait sur une serviette sur le parquet de sa chambre. Elle humidifiait doucement son petit corps, avant de frotter le savon de Marseille sur le gant et de le savonner. Rapidement ensuite, elle rinçait le gant dans le seau pour nettoyer la peau de son nouveau - né, et la débarrasser de la mousse.
Je restais étonnée, sans bouger, mais Camille s'agaça une fois de plus.
—''Faites donc sécher les bandelettes souillées ma sœur ! Ce n'est donc pas un spectacle !
Je soupirais, elle aurait pu me parler sur un autre ton. Cependant je ne disais rien, une brouille avec Camille aurait été pire que tout. Comme je n'avais jamais fait cela de ma vie, je manquais de les brûler.
—''Louise ! Arrêtez ! Posez les bandes loin du foyer et sortez maintenant. Vous ne faites que me compliquer la tâche. Joignait-elle les gestes à ses propos.
Après un instant à digérer ces paroles pas très sympathiques, je sortais sans un regard pour elle. J'étais triste qu'elle soit aussi stressée par sa nouvelle vie de maman mais énervée qu'elle me traite aussi mal.
Je rentrais et me précipitais vers ma chambre, sur mon lit plus exactement. C'était à lui que je me confiais, il m'était si réconfortant dans les moments où cela n'allait pas. Comment un objet aussi banal pouvait devenir un ami à part entière ? Au bout d'un certain temps je fus sortie de ma rêverie.
'' — Louise ! France et les enfants sont là !
J'accourais, cela faisait si longtemps que je ne les avais pas vu ! Mon moral fut de nouveau au beau fixe lorsque Amédée, qui partait chez son précepteur à la fin de l'année, me montra le dessin qu'il avait fait à mon attention. Il était si adorable ce garçon ! Il représentait une maison, un soleil au-dessus, et apparaissait deux personnages, qu'il avait légendé : Amédée et Louise.
—''C'est vraiment très beau, mon garçon. Vous all …
—''Flip dezin auzzi ! Baragouina Philippe, me coupant la parole.
—''Philippe je ne suis pas d'accord ! Jamais vous ne devez couper la parole à un adulte ! Est-ce bien clair ? Le gronda sa mère
—''Philippe fronça les sourcils, et croisa les bras, frustré, il répondit à sa mère, contre tous les principes d'éducation.
—''Non. Ze ne zui pas d'accord.
Joseph intervint alors, donna une grande gifle à son fils, et l'envoya dans sa chambre, tout pleurnichant, la joue droite rougit par le violent geste. Je trouvais cette punition normale, un enfant ne devait pas répondre à ses parents, ce qui me gênait, c'était l'âge de l'enfant, deux ans seulement, avait-il conscience de l'insulte qu'il avait faite à sa mère ? C'est sur cet incident que nous passâmes à table, c'est moi qui prépara le repas, une soupe, avalée sans un mot par les enfants, bien que je trouve qu'elle ne fut pas très bonne.
Thérèse était d'après sa mère la jeune fille la plus sage et la plus pieuse qu'elle n'ait connue, sachant qu'elle voulait entrer au couvent pour devenir bonne sœur dès douze ans. Un choix qu'elle aurait encore le temps de remettre en question, sachant qu'elle ne reverrait par la suite jamais sa famille. Dès le repas terminé, sa prière faite, elle demanda l'autorisation pour se lever de table et aller apprendre sa théologie et étudier son clavecin. Tandis que ses deux frères, plus turbulents, se faisaient du pied sous la table, un jeu défendu dans un moment qui se devait d'être particulièrement calme. Je me souviens des lions lâchés lorsque Joseph les autorisa à quitter la table, ils se précipitèrent vers la chambre, pour aller jouer au loup, aux billes, ou encore aux soldats de plomb d'Amédée, une sorte de salle de jeu leur avait été aménagé dans ce qui était autrefois la chambre d’Élisabeth. D'ailleurs, nous n'avions plus de nouvelles depuis le décès d'Aimé et Marie. Sans doute y avait-il eus des naissances, et peut - être des décès, mais nous respections son choix de ne plus nous communiquer de signe de vie.
J'eus une drôle d'impression lorsque je fis la connaissance de François, mon futur époux, je crois que je tombais amoureuse. Il avait une vision très moderne de la famille, voyez plutôt :
—''Les fils aînés ne doivent pas porter le prénom du père, il leur faut se forger leur propre identité. Ou bien encore :
—''User de la violence pour se faire comprendre c'est avoir un manque de vocabulaire.
J'étais conquise.
Je n'irais pas jusqu'à dire que j'avais hâte d'être au jour de mon mariage, mais cette idée n'était plus celle que j'avais avant de le rencontrer.
Avec sa barbe bien taillée et son regard charmant, c'était un homme qui avait déjà conquis mon cœur.
Lorsqu'il sortait de la maison, j'avais l'impression de me libérer des chaînes qui me retenaient au foyer. Plus tard j'en parlais à Camille, sans douter de la jalousie que j'allais provoquer chez elle. Après mes mots, elle acquiesça simplement, en marmonnant :
— ''J'aurais espéré mieux qu'un simple marchand pour vous. Mais si vous êtes heureuse...
Voilà qui fut bien encourageant pour la suite. En fait elle était jalouse de me savoir bientôt mariée avec un homme aussi parfait. Son époux a elle était timide et solitaire.
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