Chapitre 18G: février - mars 1770⚠

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Je revis bientôt Mathurin. Il m'invita chez lui.

Nous prîmes un bol de soupe puis nous discutâmes jusque tard dans la soirée. L'amour l'emporta au moment de nous quitter: nos lèvres se rapprochèrent et je lui accordais un unique baiser, intense, passionné, une preuve d'amour plus forte que tout. Puis je sortais de chez lui, pour rentrer sans réveiller Célestin, et tenter de rejoindre de discrètement ma chambre. Alors que je croyais être sortie d'affaire, et que j'allais rejoindre mon lit, Célestin arriva en trombe. Une gifle brûla si subitement ma joue que les larmes me montèrent vite aux yeux, sans pour autant couler.

Il me hurla dessus.

— '' Espèce de garce ! Vous croyez que je ne vois pas votre petit manège ?! Vous ne vous en sortirez pas comme ça, et puisque vous aimez les escapades nocturnes, vous passerez la nuit dehors !''

Je me taisais, n’ayant aucune répartie, et de toute façon, qu'aurais-je pu lui répondre?

Je préférais prendre les devants, enfiler une veste et sortir, dans la nuit froide de Paris. Je marchais, frigorifiée, m'assied sur un banc en frottant mes mains, sans trouver le sommeil. Lorsqu'il se mit à neiger, n'ayant pas envie de mourir bêtement de froid, je me décidais à retourner chez Mathurin.

Il n'habitait pas loin, et de ce fait, grâce à la lumière de la lune, je retrouvais son immeuble. Je tapais à la porte, si fort que quelqu'un apparut à la fenêtre, et descendit pour m'ouvrir. Sans poser la moindre question, la femme en robe de chambre me laissa entrer, et monter jusqu'à la chambre de mon ami. Je frappa, il m'ouvrit, encore somnolant. J’étais toute confuse.

— '' Il m'a mis dehors. J'ai froid.''

—''Entre voyons, ne reste pas à la porte.''

Je me dévêtis de ma lourde robe, et je m'endormis contre lui, bercée par son souffle régulier et chaud, et ses mains serrées dans les miennes.

Le lendemain matin, je me rhabillais vite pour rentrer chez moi. Les derniers meubles venaient d'être déménagés, et sans dire un mot je suivais Célestin vers notre nouveau logis. Je n'avais même pas dit adieu à ma maison natale. Il se situait non loin de l'Oiseau, à quelques centaines de mètres.

Il comptait cinq pièces, deux chambres, une petite cuisine, un bureau et un salon. Je m'appropriais ma nouvelle chambre, très petite, où il y avait seulement la place d'un lit, d'une coiffeuse, et d'un coffre. Tandis que je déballais mes affaires, Célestin sermonnait Chocolatine, qui avait oublié les couteaux dans l'ancienne maison. Cela me faisait beaucoup rire, car elle représentait bien son espèce, crétine à souhait, empotée, et maladroite. Jamais il ne la frappait, il était plus bien plus drôle de l'humilier. Lorsque tout fus installé dans ma pièce, j'aidais à placer le mobilier, avec Joseph et France venus constater la petitesse de notre nouveau logement. Georges et Philippe déplorèrent l'absence de salle de jeux, le manque de place pour courir, mais se consolèrent sur le cheval de bois oublié par l'ancien propriétaire, un beau jouet vernis, dont les frères se disputèrent le droit de s'y faire bercer. Thérèse resta muette, cherchant juste des yeux le clavecin, malheureusement cédé, faute de place.

A cause de Célestin qui guettait le moindre de mes gestes, voir mon amoureux m'était devenu difficile et risqué. J'avais déjà pris trop de risques, pour un homme dont je n'étais pas sûre des sentiments véritables, alors avec énormément de peine, je lui écrivais une lettre, pour mettre fin à notre idylle, avant que cela ne dégénère.

‘’ Mathurin c'est fini, je dois vous dire adieu. Célestin me surveille jour et nuit, je prends et j'ai déjà pris trop de risques. En espérant que vous continuerez à rire et plaisanter de la vie,

Louise. ‘’

Alors que je pensais qu'il m’oublierait vite, il me répondit.

‘’ Louise, vous quitter me fait trop de peine, je vous aime passionnément et devoir vous dire adieu est un déchirement. Je vous en prie, passons un dernier moment ensemble, je viendrais vous chercher s'il le faut, dites oui, ma vie ne pourra pas se reconstruire sans un dernier regard.

Mathurin.’’

Dès la dernière ligne avalée, une montée d’adrénaline subite me poussa à me sauver de la maison. Je me devais d'aller lui dire au revoir. Dans la rue, mon cœur battait, j'entendais des pas rapprochés derrière moi, sans doute Célestin, mais je ne pouvais me permettre de me retourner. Arrivée près du bâtiment, je me mis à accélérer pour avoir de l’avance sur lui, avant de frapper de toutes mes forces à la porte. J'eus un instant peur qu'il ne m'ouvre pas, mais il déverrouilla la porte, apparut, me fit entrer, et juste avant que Célestin me rattrape, la referma à double tours.

Nous montâmes très vite en nous tenant la main, j'entendais taper à la porte d'entrée de l'immeuble. Puis pendant que Mathurin débloquait la serrure de sa clef, des pas résonnèrent dans l'escalier, il allait me rattraper, j'en étais sûre. Je m'inquiétais grandement, et le pressais d'ouvrir cette fichue porte.

— '' Faites vite ! Il arrive !''

Heureusement, la porte accepta de s'ouvrir, et nous rentrâmes, grandement rassurés. Mathurin referma la porte à double tour derrière nous.

Alors que nous nous embrassions passionnément dans un dernier baiser, j'entendis frapper très fort.

— '' Ouvrez ! Dépêchez-vous ! Je défonce la porte !''

Terrorisée, je m'étonnais de la réaction de Mathurin, qui n’avait pas l’air tellement inquiet.

—''Il faut que je parte.'' Interrompis–je nos adieux, avant de le repousser, et sortir, sous les coups de Célestin.

Celui-ci me battit de ses poings durs, surtout pour avoir défié son autorité. Il m'interdit de sortir de ma chambre jusqu'à nouvel ordre. C'était long, dix jours. J'aurais bien pensé à faire une fugue, mais pour aller où ? Retourner chez Mathurin, et Célestin m'aurait tué au sens propre du terme, me rendre chez Camille, pour me faire jeter dehors et me retrouver à la rue ?

Pendant le temps de mon emprisonnement, je pu me contempler dans le miroir : j'avais de plus en plus de cheveux blancs, que j'arrachais par mèches dans une douleur horrible. Pour l'instant, je n'avais pas encore de trous dans ma chevelure, mais ça ne tarderait pas.

Plutôt petite, je me trouvais selon les jours plus ou moins belle. Je pensais sans cesse à Camille, elle me manquait horriblement, mais je n'osais pas me rendre chez elle où lui écrire une lettre pour m'excuser, j'avais trop peur qu'elle me dise adieu, qu'elle ne veuille plus me parler ou me voir.

Enfin au tout début de mars, la libération, je fus autorisé à sortir de ma chambre.

J'avais pris une décision importante: il me fallait aller parler à ma sœur.

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