Chapitre 16E: mars - avril 1768
Ce mois de mars, Philippe, sorti de ses mailles depuis déjà trois mois, fis ses premiers déplacements, a quatre pattes. Son frère Georges prenait plaisir à le suivre et le sermonner lorsqu'il faisait une faute :
— « Flip ! Flip ! Pas gâteau ! Man veu pas gâteau ! Venez ci ! Suivant ces mots, il le ramenait vers France, en le pointant du doigt.
—'' Man, Flip manger gâteau, pas le droit.
—'' Effectivement mon fils, votre frère n'aurait pas dû tenter de goûter a cette délicieuse part de gâteau que je vous avait défendu de manger. C'est bien de me l'avoir dit, mais je ne croit pas qu'il l'aurait mangé, il est trop jeune. Allez maintenant jouer.
France était relativement sollicitée, soit Georges venait rapporter les bêtises de son petit frère, soit c'était Amédée qui posait beaucoup de questions.
—'' Maman?
—'' Je suis à votre écoute mon fils.
—'' Pourquoi père est t-il si souvent absent ?
—'' C'est son métier qui le préoccupe, mais je préfère que vous lui posiez la question quand il sera de retour ce soir, je n'aime pas parler des gens lorsqu'ils ne sont pas présent.
—'' Pourquoi maman dois - je apprendre a lire et a écrire ?
—'' C'est pour votre avenir, fils, les hommes ne sont rien sans la lecture et l'écriture. Voyez le par vous même, les mendiants dans la rue sont ceux qui n'ont jamais reçu d'instruction.
—''Comment les petits bébés naissent t - ils ?
—'' Voyez ... c'est Notre Seigneur qui décide de donner vie aux personnes, et d'écourter leur vie s'il ne sont pas sages où qu'ils posent trop de questions !
Alors Amédée comprenait qu'il devrait cesser ses interrogations, et retournait a ses occupations, dans ce qui était autrefois la chambre de Marie, son père lui avait aménagé une sorte de bureau, tant il passait de temps chez nous. Il aimait tout particulièrement dessiner sa famille avec la peinture rouge, verte et bleue, que son père lui avait offert. Quelques fois, alors que je m'ennuyais, je venais le déranger pour savoir ce qu'il dessinait.
—'' « Que dessinez vous, Amédée ?
Il me tendit cette fois là sa feuille de papier, où figurait quatre personnages, plus ou moins réussis.
Je regardais son dessin, en me demandant l'identité des personnages figurant sur l’œuvre.
—'' Qui sont les personnes figurant sur votre dessin ?
En même temps qu'il parlait, il montrait du doigt.
—''Ici maman, près d'elle père, voici grande sœur Thérèse, à côté petit frère Georges, et bébé Philippe.
—'' Puis —''Je vous demander l'identité des deux personnages que vous avez représenté en haut de votre page ?
—'' Voyons Louise, ce sont Adrienne et Marguerite...
—'' Je vois, excusez —''Moi, j'aurais dû m'en douter.
Lorsque soudain, une voix retentit :
—'' Le repas est prêt ! Venez à table !
Le petit garçon souffla sa bougie, puis il se leva de son siège pour rejoindre le salon.
Plus tard, Amédée me montrait le tiroir où il entreposait ses dessins, toutes de jolies et colorées peintures, dont la plus grande partie représentait sa famille qu'il aimait tant.
La fin du mois de février et le mois de mars furent synonyme de promenades, nous sortions tous les jours ensemble, sauf Marguerite, trop fatiguée, et Joseph, qui travaillait. Nous sortîmes au square que j'affectionnais tant, et cela me faisait plaisir de voir Thérèse, Amédée et Georges jouer ensemble. Tandis que France donnait le biberon à Philippe et surveillait sa fratrie, je prenais du temps avec Camille.
Nous marchions, et alors que l'on rencontrait par hasard un nain qui marchait de façon comique, je lui adressais un regard malicieux et je revis un sourire sur le joli visage de ma sœur adorée. Ensuite, tout fut délire, nous partîmes dans une discussion farfelue qui dérivait du sujet initial, et l'instant fus bonheur. Depuis des mois, je n'avais jamais vu Camille aussi heureuse et épanouie. J'aurais aimé que cela soit éternel, mais rien n'est éternel et il fallut rentrer. Ma sœur se renferma alors dans sa bulle.
Tout le mois de mars se trouva rythmé par le stress des préparatifs des noces de Camille, c'était sa marraine, une ancienne amie de maman, qui prenait les derniers arrangements en charge. France aidait aussi, enfin autant qu'elle le pouvait car ses quatre enfants ne lui facilitaient pas la tâche. Les noces auraient lieu en l'église Sainte – Geneviève, au vingt-neuf mai de cette année et je ferais parti des témoins, ce qui me valait une certaine fierté.
Le six avril furent célébrés les sept ans de Thérèse, désormais à l'âge de raison, ses professeurs viendraient chez elle et nous la verrions beaucoup moins elle et ses frères. Je trouvais cela dommage car les enfants apportaient de la joie et dynamisait la maisonnée, sans eux, il n'y avait plus grand chose.
Ce mois d'avril, je tentais de rassurer davantage Camille, elle s'était une fois confiée à moi, et me décrivait la peur qui la hantait et la colère contre Célestin qui ne lui avait pas laissé le choix. Malgré le fait qu'elle se soit confiée une fois, elle restait secrète et effacée. Plus les jours passaient et plus j'éprouvais de la pitié pour Camille, à partir d'avril je décomptais les jours et je peux vous dire qu'ils passaient plutôt vite.
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