Chapitre 13C: juillet - novembre 1764

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Je suivais ensuite les autres jusqu'au dortoir pour pouvoir aller me laver. Il y avait une petite pièce qui le jouxtait, destinée au bain. Une immense cuve trônait à l'entrée, et pour se laver, il suffisait d’utiliser le savon noir et le gant de toilette présent dans notre trousseau d'arrivée. Le froid de l'eau et celui qui régnait entre ces murs nous incitaient à ne jamais nous dévêtir complètement, ce qui était de toute manière prohibé. Chaque fois que la cuve se trouvait vide, la corvée était de remonter des seaux d'eau de la fontaine de dehors pour aller la remplir. Elle devait l'être chaque matin par une élève désigné ou volontaire. Ensuite, j'enfilais par dessus la robe uniforme que je retirais ensuite, pour garder sur moi l'affreuse chemise de nuit prêtée par le couvent, et je récitais ma prière:

—'' « Seigneur, ce jour s’achève et je viens vers toi pour t’offrir ma journée avec tout ce que j’ai pu y mettre de bon et de moins bon. Pour tout ce que j’ai fait de bien aujourd’hui, je te remercie, car c’est grâce à ton aide que j’ai pu être utile aux autres. Dans ta miséricorde, pardonne— Moi mes négligences et mes fautes de ce jour. Excuse ma médiocrité et mes oublis. Ne tiens pas compte des manques d’égard et d’attention dont j’ai pu me rendre coupable aujourd’hui. Avec confiance, je me remets entre tes mains, je te confie mon sommeil, mes pensées, mes joies et mes peines, sachant que tu es prêt à me pardonner mes faiblesse et à m’assurer ton secours pour que demain je puisse me remettre à ton service et à la disposition de tous ceux qui me sont chers.

Et je m'endormais sans attendre.

Le lendemain, nous fûmes réveillées à six heures pour la prière du matin, je n'avais jamais dû me réveiller aussi tôt et ce fus difficile. Nous descendîmes ensuite prendre notre déjeuner, composé d'un morceau de pain dur et d'un verre de lait, ce n'était pas vraiment ce à quoi j'étais habituée à la maison. A sept heures précises, les leçons débutèrent par un cours de théologie, dans une immense pièce avec des tables disposées en rond autour de l'estrade de la bonne sœur. Le silence religieux était de temps en temps coupé par un bâillement légitime. Cela m'ennuyais mortellement car tout ce qu'elle nous disait, ma marraine Louise me l'avait déjà appris.

Nous passâmes une bonne partie de la matinée à écouter le cours de théologie, La leçon suivante, l'arithmétique, fus terriblement ennuyant, et je feignais à prendre des notes. Le dernier cours avant la pause du matin fus tout à la hauteur des mathématiques. A dix heures, la pause fut ennuyante, car toutes les filles avaient déjà fait connaissance dans le dortoir, tandis que j'étais restée isolée. J'avais très envie de faire connaissance avec les autres élèves, mais je n'osais pas aller vers eux, j'avais peur qu'ils me rejettent. Même la fille avec laquelle j'avais fait connaissance hier, ne m'accordait pas un regard, elle avait trouvé ses amies, pourquoi s'embêter à aller vers moi ?

J'avais hâte que la pause cesse, et que les cours reprennent, pour être tranquille au fond de la classe. A dix heures trente, les leçons reprirent, du jardinage, de l'écriture, et enfin de la cuisine. A quinze heures, j'avais enfin terminé mes leçons. L'une d'entre elle, Louise, m'invita à venir discuter avec elle et ses amies sur son lit. Je me liais finalement d'affection avec quelques-unes d'entre elles, Françoise, Marie, Suzanne, Élisabeth...

Nous en profitâmes aussi pour visiter les lieux, la bibliothèque, les recoins de la cour, le potager, l'étage des bonnes sœurs, bien qu'il soit interdit d'accès.

Au fur et à mesure des jours, je prenais confiance, les pauses devenaient des moments de plaisir, je riais avec les filles. En revanche les cours ne changeaient pas, ils étaient toujours aussi ennuyant. Camille répondit au début du mois de novembre à ma lettre écrite en septembre :

Chère Louise,

Quel vide depuis votre départ ! Thérèse vous cherche partout, elle ne comprend pas votre absence, tandis que France est revenue nous voir, à la fin du mois de septembre, elle attend un nouvel enfant, contre toute attente, qui est prévu à naître pour mai. Avant que vous ne lanciez les paris (j’ai trouvé votre technique), je pense que ce sera Pierre ou Adrienne. Si je gagne, ce qui est fort probable, envoyez-moi un nouveau poème, vous souvenez vous de celui que vous m'aviez écrit pour mon onzième anniversaire ? Il m'avait beaucoup touché, et je le garde comme un trésor sur ma table de chevet. C'est si beau la poésie, pouvoir dire les choses douloureuses de façon légère et jolie. En espérant que vous vous habituiez bien au couvent,

Camille.

Chère Camille,

Vous ne pouvez pas savoir à quel point j'aimerais rentrer, c'est difficile ici, nous avons aucune intimité, les leçons vont trop vite, où alors je m'ennuie, parce que j'ai déjà appris cela avant. Ce que nous mangeons n'est pas bon, et je n'ai pas beaucoup d'amies. Le seul point positif, ce sont les cours de cuisine, et encore, nous n'y assistons que deux fois par semaine. Vous me manquez et je n'hésiterais pas à vous envoyer un poème si vous gagnez, en parlant au hasard, pourquoi n’aurait-elle pas des jumeaux ? Ce serait une belle revanche sur la vie, vous ne croyez pas ? En cas de victoire, je saute au plafond ! Envoyez-moi rapidement de vos nouvelles, je suis impatiente.

Louise.

Les jours passaient comme des traînées de poudre, aussitôt le matin, aussitôt le soir, rien ne brisait la routine.

Quelques incidents furent signalés entre le mois d'octobre et le mois de décembre : une fille tenta d'escalader les grilles une nuit pour s'enfuir, et en conséquence, nous serions désormais enfermées à clef la nuit. Elle avait eu un certain courage, car en plus d'être renvoyée, son père risquerait de lui infliger une sacrée punition. Il y eu aussi un vol dans la bibliothèque dont le coupable avait été retrouvé rapidement, un malaise dans la salle de repas, un jeu d'eau trop poussé à l'heure du bain... Toutes les coupables avaient été renvoyés, et l'équilibre ainsi retrouvé.

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