Chapitre 31H: février 1783

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Alors qu’Adélaïde rentra chez elle au bout d'une heure, je sermonnais Malou qui ne m'avait rien dit de sa visite, alors qu'elle me disait en être pourtant informée depuis des jours.

—''Je ne suis pas satisfaite de vous Malou. Vous auriez dû m'informer de la visite d’Adélaïde.

—''Je suis désolée, mais j'avais oublié de vous en parler. Vous la connaissez, non ?

—''Comment auriez - vous fait si je m'étais absentée ne serait - ce qu'une heure ? L'auriez - vous accueillie, serait-elle venue pour rien ?

—''Je sais bien que vous ne sortez pas beaucoup. Et puis, Gustavine m'aurait aidé, je n'ai plus huit ans non plus…

—''Je n'ai qu'une chose à vous dire Marie, ne recommencez pas. C'est bien clair ?

—''Oui. La prochaine fois je penserais à vous prévenir. Sa visite n'était-elle pas agréable et bien convenue ?

—''Ce n'est pas le sujet. C'est une femme que j'apprécie, je vous laisse le droit de voir votre tante, mais le minimum est de m'informer des personnes que vous invitez. Voilà, c’est la fin de cette discussion. Appelez donc Gustavine pour qu'elle vienne m'aider à baigner André.

Après lui avoir donné son bain, je frictionnais son petit corps humide, il grelottait, tremblait de tous ses membres et claquait des dents.

—''Allez Jeanjean, on se sèche vite. On frotte, on frotte, on frotte.

Je m'adressais à Gustavine, en jetant un œil à mon gousset qui indiquait déjà sept heures du soir :

—'' Vous terminez de l'essuyer et vous lui enfilez sa chemise de nuit ? Je vais préparer le dîner.

—'' Dois – je lui enfiler celle - là ?! Me demanda-t-elle tandis que j'étais dans la cuisine.

Je lui répondais du loin, presque en criant, bien que l'appartement ne fus pas si grand.

—'' Comment ? Oui, la blanche. Quoi que… Il la porte depuis… lundi, mardi, mercredi, jeudi. Bon aller, tout ira encore pour un jour. N’omettez pas de le sécher partout avant.

—'' Les jambes de Jeanjean, on frotte bien, la tête, le cou, les joues, le petit ventre, voilà, et on met la chemise de nuit. Dois–je lui passer un coup de peigne Louise ?!

—'' Absolument ! Un jet de de parfum aussi. Voilà, n’est-il pas propre comme un sou neuf mon fils? Lui avez-vous remis des langes ? Non ? Je vais le faire alors.

—'' Heiiiiiiin… Geignait-il allongé sur le sol de ma chambre, remuant ses pieds, essayant de se tourner, tandis que, agenouillée près de lui, je tentais de lui mettre ses langes.

—''Oh Jeanjean, ne râlez pas et arrêtez un peu de bouger. Si vous voulez pouvoir vous promener les fesses à l'air, il faut arrêter de faire partout et de mouiller vos langes. Entendu ?

—''Heiiiiiiin…

—''Oh, et puis parlez aussi. A deux ans passé, il faut savoir dire '' maman '' '' Léon '', '' Malou'', ''dodo'', je ne sais pas moi, des mots. Allez, hors de ma vue. Je finissais ma tâche sur ces mots, en redressant mon fils qui se sauva rapidement.

Un de ces après – midi de semaine, ennuyeux comme je ne les comptaient plus désormais, nous nous rendîmes à pied chez Adélaïde, dont Malou avait l'adresse. Je m'assurais que André pourrait marcher jusqu'à l'appartement sans que j'ai à le porter, c'est à dire que je faisais une première fois le chemin sans lui. J'avais l'air perdu seule sur les trottoirs de Paris, retournant mille fois la carte, essayant de trouver le chemin jusqu'à la rue où vivait Adélaïde, avant d'être finalement interpellée par un homme qui m'aida. Je jugeais grâce à cette escapade la distance, qui me paraissait raisonnable, et j'avais convaincu Gustavine de m'accompagner, en avançant l'argument qu'il y aurait des enfants. Nous partîmes donc tous quatre, le ciel était bleu, mais à l'horizon, d'effrayants nuages noirs venaient menacer la journée, je craignais une averse avant que l'on arrive et c'est pourquoi je pressais le pas, quant au petit, peu habitué à marcher aussi longtemps et venant d'enfiler sa première paire de vraies chaussures, il traînait déjà des pieds, mais il était fermement tenu par les mains de Malou et Gustavine, et à vrai dire, je ne lui laissais pas d'autre choix que d'avancer.

Nous fûmes reçus par le fils aîné d'Adélaïde, Augustin, qui avait seulement un an de moins que Léon – Paul, mon fils qui d'ailleurs, ne m'avait toujours pas donné de nouvelles. C'était un jeune garçon de neuf ans particulièrement anxieux, aux cheveux blonds et aux joues rouges. Dès lors qu'il me vit, ses mains se tordirent, son visage devint plus pâle qu'il ne l'était déjà, et il appela sa mère, comme d'un secours dans cette situation qu'il ne savait pas gérer.

Adélaïde, toute vêtue de noir, se présenta en invitant son fils à prendre congé, et elle m'invita à rentrer dans ce qu'elle appelait son '' petit chez elle''. J’entrais donc dans ce logement minuscule en passant d’abord par le salon aux deux fauteuils usés, dont l'un était occupé par un petit garçon tout aussi blond que son frère, qui lisait avec beaucoup de concentration, sans me prêter attention. Il releva la tête et dévoila ses beaux yeux bleus lorsque sa mère l'interpella, pour qu'il vienne saluer.

—''Charles, venez saluer votre… Elle se coupa, ignorant quel lien de parenté nous unissait, avant de reprendre. Venez saluer Louise. Ordonnait-elle plus simplement à son fils.

L'enfant de six ans m'accorda un baiser, avant de s'interroger.

—''Qui est - elle maman ?

—''C'est la sœur de votre tante Camille, décédée il y a dix ans, alors que vous n'étiez pas encore né, ni même votre frère d'ailleurs.

—''Mais qui était ma tante Camille ?

—''C'était l'épouse de mon frère votre oncle Auguste, et la mère de Marie – Louise, qui est là. Maintenant allez prier votre petit frère voulez - vous. Lui chuchota-t-elle à l'oreille.

—''Où est donc Jean – Pierre ?

—''Il est décédé il y a deux jours. Son corps repose ici, voulez - vous vous recueillir ? Baissa t-elle la tête

—''Toutes mes condoléances, je suis vraiment désolée. Je me recueillerais bien pour lui, mais je n'ai pas les vêtements du deuil.

—''Vous ne pouviez pas savoir.

Elle m'accompagna jusqu'à la chambre conjugale, où reposait dans son berceau, entouré de fleurs blanches, le cadavre d’un tout petit enfant. Son visage inerte était livide, il était vêtu d’une longue robe ivoirine et sa petite tête encore difforme était coiffée d’une couronne de fleurs blanches. Jean – Pierre avait les lèvres gercées et lorsque j’osais toucher ses minuscules mains croisées sur sa poitrine, un sursaut de dégoût et de surprise devant leur rigidité et leur froideur me faisait vite les lâcher. Je priais et embrassais l'enfant, que je n'avais jamais connu vivant, avant de le laisser reposer. Je n’osais pas demander les raisons de son décès, d'ailleurs cela ne se faisait pas, sans doute était -il parti comme Louise, en douceur et en silence.

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