Chapitre 32L: février 1784
Nous prîmes la voiture, mais pour lui éviter une crise, je l'installais avec moi sur le siège du cocher. Fier, il esquissa un sourire pour la première fois depuis deux semaines. Je devais mener d'une main et le tenir pour ne pas qu'il tombe de l'autre, mais nous arrivâmes entier près de chez mon frère. André, qui n'était jamais venu, paru émerveillé par tant de dorures, le scintillement du lustre dans l'entrée, les escaliers luisants, tels que l'on pouvait se regarder dedans. Je frappais à la porte.
André resta derrière moi, un peu intimidé.
—'' Bonjour. Qui êtes-vous? Me questionna la nourrice dans son tablier bleu
—'' Je voudrais parler à Louis. Je suis sa sœur, Louise.
—'' Il travaille en ce moment. Ce soir peut-être. Elle allait refermer la porte, mais comme j'en avais l'habitude, je la bloquais.
—'' Alors je voudrais parler à Madeleine. Ou même à une des filles. S'il vous plaît. C'est vraiment très important.
D'une voix lassée, elle regarda autour d'elle, puis elle me répondit.
—'' Bon, entrez.
Alors que je pensais que comme la dernière fois, elle disparaîtrait pour ne jamais réapparaître, elle me laissait entrer. Rien n'avait changé. Tout était aussi grand, chaque meuble, chaque peinture était à la même place que la dernière fois où j'étais venue, il y très longtemps. Je ne croisais personne, jusqu'au moment où dans une des nombreuses chambres, je m’apercevait qu'il y avait quelqu'un dans le lit. La nourrice me lançait a l'oreille quelque chose comme :
—'' C'est leur aînée. Elle est très malade depuis quelques jours. Ils ne voulaient recevoir personne, mais puisque vous m'avez dit que c'était important...
J'asseyais André sur le canapé, puis je tentais une approche délicate auprès de mon frère et de ma belle – sœur, qui veillaient leur fille.
—'' Louis...
Mon frère, qui était occupé avec sa fille, se retournait brusquement, comme son épouse.
—'' Louise?! Que faites vous ici?! Brune! J'avais pourtant dit que nous ne recevions personne! Que voulez-vous?
—'' Je voudrais vous parler au calme, d'une chose importante.
—'' Vous ne voyez donc pas que Françoise est mourante?!
—'' Bientôt c'est moi qui serait mourante, si vous ne m'aidez pas. Léon est mort. J'ai besoin d'aide. J'ai besoin d'argent pour pouvoir garder l'appartement, sinon je serais à la rue d'ici un mois.
—'' Je suis désolé de m'être emporté. Prenez ce que vous avez besoin en liquide dans la petite sacoche accrochée au patère dans l'entrée. Écrivez - moi lorsque vous en aurez de nouveau besoin.
—'' Merci infiniment mon frère. Puis- je voir Françoise?
—'' Si vous voulez. Madeleine, Henriette, Victoire et Anne prient pour elle.
La jeune fille venait d'avoir douze ans. La figure livide, les mains blanches comme de la craie, elle tenait faiblement les mains de ses sœurs cadettes, qui avaient beaucoup grandies. J'embrassais Madeleine qui ne me disait rien, et les trois jeunes filles de neuf ans et demi, huit ans et demi et sept ans et demi. Je chuchotais à l'oreille de la malade.
—'' Bonjour Françoise. Est-elle contagieuse? Demandais-je à ses parents
—'' Non. Elle a attrapé une pneumonie. Me répondit Louis.
J'embrassais donc son front glacé, elle remua un peu la tête, mais elle avait véritablement l'apparence d'un cadavre. Comme c'était difficile pour moi de la voir dans un tel état, je préférais laisser la petite famille, sans la moindre certitude que je reverrais la jeune fille vivante un jour. C'est donc avec quelques centaines de louis en poche, qui allaient me permettre de payer le loyer jusqu'à la fin de l'année, de chauffer l'appartement et de nourrir ma petite famille, que je repartais vers chez moi.
Les trois ans d'André le lendemain furent célébrés par un beau gâteau préparé par Malou et Gustavine. Le principal intéressé n'en avala pas une miette. Il m'inquiétait, jamais je ne l'avais vu dans cet état.
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