Chapitre 35H: février 1786

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André devait être malade depuis déjà deux semaines. Ce jour-là, il souriait énormément car sa petite dent ensanglantée dans la main, je lui expliquais que la fée des dents lui apporterait une belle surprise le lendemain. C'était la première fois qu'une telle chose lui arrivait et cela me faisait énormément plaisir de le voir aussi heureux.

Le lendemain, le chat l'attendait derrière mon dos. Je lui offrais la petite boule de poil toute blanche et il cria de joie en l'attrapant, et en enfouissant son visage dans la fourrure soyeuse.

—'' Cela vous fait-il plaisir ? L’embrassais-je

—'' Beaucoup maman. C'est mon bon ami le chat. Mais revenez le chat !

Après qu'il ait sauté du lit sans doute lassé, je rattrapais l'animal pour le remettre aux bras de mon fils.

—'' Tenez - le bien a présent. Je suis dans la cuisine. Appelez-moi en cas de besoin.

Le médecin m'avait bien prévenue qu'André pourrait rester toute sa vie alité et après m'être dit qu'il pouvait bien y avoir des exceptions ou qu'il se serait trompé dans le diagnostic, je réalisais doucement qu'il ne me mentait pas. Mon fils n'était pas prêt de quitter ce lit. Parfois, ces soirs de fatigue ou j'en avais assez de ma vie même, j'avais des idées terribles, noires et cruelles, je me disais par exemple que s’il devait terminer sa vie dans un lit, alors autant l'abréger tout de suite. Heureusement, en voyant son sourire lorsque le chat venait manger dans sa main, ou lorsque je le complimentais pour ses infimes progrès, qui n'existaient en réalité pas, j’effaçais toutes ces idées noires.

Contrairement à la fenêtre du salon qui donnait sur une rue passante, depuis la fenêtre de ma chambre, j'avais une vue plongeante sur une petite ruelle sombre et sale envahie par les rats, bordée d'immeubles, qui se terminait en cul de sac. J'avais pris l'habitude de fermer tôt les volets de ma chambre, pour ne pas m'angoisser à vouloir savoir ce qu'il s'y passait, car un soir, j'ignore si c'était un tour de mon esprit ou une réalité, j'avais cru entendre une femme crier depuis cette ruelle. Depuis que la maladie d'André avait été déclarée, je dormais mal, prise d'angoisse qu'il ne se réveille pas le lendemain matin, je me levais très souvent durant la nuit, réveillant parfois mon mari interloqué par tant d'agitation dans son lit.

Alors profondément endormie, le couinement du lit me réveilla presque en sursaut. Je tentais de voir l'heure sur mon gousset, en collant celle-ci sur mes yeux d'abord puis en me levant pour aller chercher la faible lumière qui perçait des volets, celle des lampadaires de la rue, dans le salon.

Il était quatre heures trente-cinq du matin. Pour y voir plus clair, j'ouvrais un peu les volets. Une froide brise me caressa le visage. Je refermais vite la fenêtre. Après avoir bu, j'allais m'assurer que mon fils respirait bien, doucement, à pas-de-loup, je m'approchais de son petit lit. Rassurée après avoir entendu son souffle paisible et régulier, je m'en retournais vers ma chambre.

Couché a ma gauche, mon mari se retourna et gémit un peu.

—'' Que faites-vous encore...

—'' J'avais juste soif. Rendormez-vous donc.

Le problème était que, ayant maintenant trop chaud, je ne trouvais plus le sommeil, et que le noir m'angoissait. Je tentais de me lever de nouveau, mais André avait d'autres désirs. Dans un demi - sommeil, il me saisit le bras pour m'inciter à me recoucher. Je n'avais pas vraiment envie de ça à ce moment-là. Trop fatigué sans doute, il n'insista pas et je pouvais ainsi aller me coucher sur le canapé pour terminer tranquillement ma nuit.

J'avais depuis quelques temps des coups de chaleur intenses, alors que nous étions pourtant au mois de mars et que le temps restait très frais. Cela me paniqua un peu plus lorsqu'ils furent accompagnés de violentes nausées sans vomissements et d'une grande fatigue qui me prenait durant la journée, alors que l'heure d'avant je marchais énergiquement dans les allées du marché pour ne pas laisser André trop longtemps seul a l'appartement. Le plus gênant était pendant le devoir conjugal, lorsque je devais freiner subitement les élans de mon mari parce-qu’il me faisait vraiment trop mal. Je ne comprenais pas du tout ce qu'il m'arrivait, ni les douleurs atroces pendant l'acte, ni les nausées, ni l'immense fatigue subite. Peut-être étais-je simplement malade, sans doute le temps m'abîmait-il déjà.

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