Chapitre 39C: septembre - novembre 1790

4 minutes de lecture

L'anniversaire de Malou le treize septembre fut pour elle non pas une surprise, mais un bon moment à passer à mes côtés avec son frère aîné, autour d'un bon repas au restaurant payé de mes propres deniers. Ses vingt ans s'imposèrent comme une étape importante de sa vie franchie, désormais, elle entrait véritablement dans le monde des adultes.

Léon–Paul, qui gagnait désormais sa vie comme médecin même si il était encore étudiant, m'envoyait chaque mois un petit pécule qui me donnait l'impression d'être indépendante. En revanche, je ne recevais aucunes nouvelles d'André. Il me manquait.

Marie–Camille et Jean–Charles avaient visités deux appartements au centre–ville, mais ils s'étaient avérés trop exigus, et une maison à Etretat, dont ils m'avaient fait une description incroyable. Surplombant l'océan, elle s'élevait sur deux étages, splendide demeure bâtie il y a plus d'un siècle, elle ne convenait cependant pas aux moyens dont disposaient le couple. Si ils voulaient quitter définitivement la campagne de Rouen, il allait leur falloir faire des sacrifices.

Je me proposais de les aider à chercher un nouveau logement, car après tout, cela me concernait aussi. A force que Jean–Charles écrive aux cabinets de notaires et immobiliers Rouennais, nous trouvâmes finalement une petite maison à Sotteville, un bourg à deux lieues de Rouen, qui correspondait à peu près à nos critères en termes de taille et de secteur. Le jour de la visite, nous nous aperçûmes qu'elle comportait de nombreux dégâts dû à son abandon par les propriétaires il y à un an et demi. Les meubles étaient pour la plupart à changer, certaines fenêtres étaient brisées et la porte d'entrée avait été forcée. Des travaux impossibles à réaliser en vu du temps que comptait mettre Marie–Camille pour notre déménagement. En effet elle voulait partir vers le mois de janvier ou de février 1791. En vue de notre courage et des finances du ménage, nous rayâmes donc d'une grande croix cette maison dans ce bourg qui nous paraissait pourtant sympathique.

Nous restâmes donc encore quelques temps avec les tantes de Jean–Charles, en attendant de trouver le logement qui nous déciderait.

Au mois de novembre, Gustavine nous écrivit pour nous prévenir qu'elle passerait nous voir à Rouen prochainement, sans préciser si Étienne resterait ou la déposerait simplement. Elle arriva deux jours après la réception de la lettre, son bébé dans les bras et suivie de son mari. Les jeunes parents passèrent quelques jours chez nous, et après une âpre négociation, Gustavine obtint de pouvoir rester quelques jours supplémentaires, Étienne reviendrait la chercher prochainement.

Ma belle–fille se confia, m'avouant que depuis la naissance de sa fille, elle ne passait presque plus de moments d'intimité avec Étienne, qu'elle soupçonnait fortement d'avoir une maîtresse. A cela je riais, car elle n'était pas des plus ingénues non plus.

C'est ainsi que nous profitâmes des progrès de Jacqueline, qui en plus de babiller allègrement, se tenait désormais en appui sur ses mains lorsqu'elle était couchée sur le ventre. Elle nous quitta trois jours plus tard, lorsque Étienne revint la chercher avec sa maman.

Marie – Camille venait de trouver un appartement à Rouen assez grand pour abriter six personnes, et elle devait se décider vite car les acheteurs étaient nombreux. Situé tout près de la place principale et de l'église Saint–Maclou, je le visitais avec Jean-Charles et son épouse qui l'avaient eux déjà vu. Après d'importantes négociations entre hommes et que le mari de Marie-Camille ait laissé sous-entendre qu'un achat était envisagé, le propriétaire acceptait de nous le louer. Nous pûmes emménager de suite mais Marie-Camille préférait attendre l'année prochaine, pour que nous passions la Saint–Nicolas et les fêtes de fin d'année avec les tantes de son mari. C'est ainsi que nous restâmes jusqu'à la nouvelle année avec les trois vieilles femmes, dont l'une venait de sortir d'un vilain mal qui l'avait cloué au lit pendant quelques jours. Le premier jour de l'année 1791, comme l'avait prévu Marie-Camille, nous fîmes nos malles pour quitter la maison. Nous roulâmes malgré la neige jusqu'au centre-ville, et nous nous installâmes avec les trois enfants dans notre nouveau logement. Jean-Charles me prenait à part, dans une des chambres.

— '' Écoutez Louise, cela fait déjà quelques temps que nous vous hébergeons et je crois qu'il faudrait vous trouver une solution pour que vous cessiez de rester au dépend de nous.

Sans me laisser le temps de répondre et en dépliant une page un peu froissée, il tentait de s'expliquer.

—''Voyez, vous pourriez bénéficier du statut de veuve, qui vous octroie une rente tous les mois. Si vous voulez nous irons voir le notaire demain, il nous renseignera.

Gênée, je ne m'étais pas rendu compte que je les dérangeais à ce point. C'est donc en traînant des pieds que je suivais Jean-Charles jusqu'au cabinet du notaire le lendemain. L'homme nous recevait dans son bureau parfaitement rangé. De mauvaise foi, je n'avais pas vraiment envie de me retrouver seule dans un minuscule logement sans contacts avec ma belle-fille.

—''Et bien monsieur Marcel, que vous amène donc ici ?

—''Je voudrais me renseigner sur les procédures pour obtenir un statut particulier pour cette dame.

—''Je vous écoute.

—''Je suis veuve.

Maître Coq notait soigneusement mes propos presque en marmonnant.

—''Je suppose que vous souhaiteriez un statut de veuve donc ?

Il répondit à ma place, devant mon manque de conviction.

—''En effet oui. Elle voudrait savoir si la rente est toujours possible.

—''Depuis combien de temps est - elle veuve ?

—''J'ai perdu mon premier mari il y a sept ans et mon second en 1787.

—''Donc vous avez été mariée deux fois. Bon, je dois vous avouer que nous ne pourrons rien récupérer pour votre premier mari, car il est trop tard. Le délai pour réclamer quoi que ce soit étant fixé à cinq ans après le décès, vous pouvez encore faire les procédures pour votre second. Si vous avez eu des enfants avec cet homme, elle peut être augmenté. Il me regarda avec insistance. Donc, des enfants ?

—''Oui. Mentais-je.

Il me présenta le papier qui mentionnait la rente à laquelle j'aurais le droit chaque mois si j’apportais l'acte de décès d'André dans la semaine. Une somme conséquente qui pourtant ne me ravissait pas.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0