Chapitre 44C: Île de Beauté

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Lorsque Gustavine rentra le samedi suivant, Bernadette n'avait plus aucune trace même si Jacqueline restait encore couverte de ces petits boutons qui la grattait.

En octobre arrivait une lettre dont le destinataire était rayé au dos de l'enveloppe. Je l'ouvrais et je dépliais le papier. Il était daté du six septembre. Malou devait sûrement dicter à une bonne car depuis son premier courrier, je ne retrouvais ni sa patte hésitante, ni ses fautes d'orthographes habituelles.

Ma chère tante,

J'espère avant tout que vous allez bien à Paris, que les filles grandissent bien et restent en bonne santé. Je vous remercie d'avoir donné mon adresse à Auguste qui peut maintenant m'envoyer de ses nouvelles plus régulièrement, lui qui n'était il y a peu pas encore au courant de mon départ pour Bordeaux. J'ai appris avec joie la naissance du petit Auguste, et je me réjouis d'avance à imaginer les deux cousins, qui n'ont que six mois d'écart d'âge, s'amuser ensemble.

Nous sommes rentrés il y a quelques jours de notre voyage de noces en Corse. Ce fus pour moi l'occasion de voir la mer pour la toute première fois, et quelle mer ! Un océan aussi magnifique que calme, tellement reposant et agréable à contempler. Nous avons passé cinq semaines dans un petit hôtel situé sur les hauteurs de Ville di Pietrabugno, mais nous avons visité Bastia, Barrettali, Pietracorbara ou encore Maccinagio. Il faisait très chaud, et certains jours, nous ne pouvions même pas aller nous promener, mais souvent quand le soir arrivait, nous allions marcher au bord de l'eau translucide en profitant de la chaleur plus douce et du chant des cigales.

Armand avait loué un petit voilier et nous allions naviguer en profitant du paysage. Depuis notre hôtel, tenu par un adorable couple de corses, nous avions la vue sur le port de pêcheurs et les maisons typiques qui le bordaient. Je crois bien que ce voyage restera dans ma mémoire comme un des plus beaux souvenirs de ma vie. En rentrant, après environ trois jours de traversée en bateau jusqu'à Marseille et huit jours de voiture jusqu'à Bordeaux, j'ai retrouvé mon fils et la maison, malgré tout très heureuse d'être de retour. Armand m'a promis que nous passerions sur Paris et Rouen l'été prochain pour venir vous voir ainsi qu'Auguste. J'ai hâte.

Chaleureusement et affectueusement, Malou.

J'étais contente d'enfin connaître le prénom de ce petit garçon qui allait tout de même avoir un an. J'en faisais part à ma belle – fille quelques jours plus tard qui me suggérait d'aller leur rendre visite. Je la poussait à retourner chez ses beaux – parents pour récupérer la nouvelle adresse d’Étienne et aller réclamer les sous qu'il ne lui versait plus. Elle me disait se sentir incapable d'aller leur parler et préférer régler cela par le biais d'un notaire ou d'un avocat. C'est ainsi que par un samedi d'octobre, Gustavine se rendait chez maître Chantais. En rentrant une heure plus tard, elle m’informa.

—''Il m'a signifié qu'il ne pouvait rien faire pour moi et que je devais prendre rendez – vous chez un avocat. Regardez Louise, j’ai eu de sa part une petite liste.

Sur le papier étaient griffonnés quatre noms et autant d'adresses d'avocats non loin d'ici, si l'on oubliait ce cher monsieur installé sur l'autre rive, dans la rue Saint – Martin, beaucoup trop loin d'ici à pied. Le soir même elle me confiait qu'après qu'elle lui ait exposé son problème, le notaire lui avait conseillé de régler cela à l'amiable. En engageant un procès, cela lui coûterait de l'argent, du temps et d'avantage d'embrouilles avec Étienne qui serait sans doute mécontent de devoir payer lui aussi un avocat. Malgré tout, elle s'en allait prendre rendez – vous avec l'un d'eux la semaine suivante. A son retour, elle posait ses affaires en soupirant.

—''Figurez – vous que j'y retourne la veille de mon anniversaire.

Je levais la tête de ma lecture.

—''Ne pouvait t-il pas vous prendre plus tôt ? Le six février c'est un peu loin...

—''Non, vous savez, beaucoup de couples divorcent depuis que la loi est passée et cela crée des problèmes, notamment de succession me disait l'avocat. Si jamais je n'étais pas libre ce jour – là, l'échéance serait repoussée au dix mars. Je vais regarder quel jour c'est, mais s'il le faut je demanderais à monsieur et madame une demie – journée de congé.

Elle s'en alla consulter le calendrier rangé dans l'entrée. Elle avait de la chance car le six février 1796 tombait un samedi.

De mon côté, j'étais sûre qu'en écrivant à Étienne ou même a ses parents pour lui annoncer l'ouverture d'un procès pour ''non paiement de la P.O.E.E suite a un divorce'' ( c'était ainsi que l'avocat surnommait la faute), cela leur ferait peur et ils se remettrait à verser les sous. J'en parlais à ma belle – fille qui me rétorquait que je n'avais qu'a le faire, et qu'elle n'avait pas envie de discuter avec lui pour qu'il paye. Un jour, je pensais à quelque chose de très simple.

—''Avant d'engager des poursuites contre lui, êtes - vous sûre qu'il n'est pas mort ?

Son visage se figeait, comme si je l'avais blessée.

—''Oui, on me l'aurait dit. Quelqu'un m'aurait écrit, le notaire aurait été au courant. Je suis la mère de ses enfants, j'aurais été une des premières prévenue.

—''Je demandais juste cela au cas – où vous n'y auriez pas pensé. Vous savez, les solutions les plus simples sont celles qu'on oublie le plus souvent.

Je délirais. En novembre, je recevais une nouvelle petite lettre de mon neveu qui me renseignait implicitement sur le sort de Auguste.

''Monsieur et madame Auguste Meursault vous annoncent la naissance de leur fils.

Rouen, le 28 août 1795. ''

Il y avait si peu de temps entre les deux grossesses d'Alice, qui m'avait pourtant confié allaiter la dernière fois que je l'avais vu, que j'étais presque sûre qu'elle avait de nouveau été confronté à la mort de son fils. C'était sans doute pour cela qu'Auguste avait autant attendu pour envoyer les faire – part. Je les imaginais fou d'amour pour cet enfant arrivé après deux drames.

André passait ses journées entre la chambre et le salon, mais comme l'avait prévu son frère, il avait de plus en plus de mal à tenir sur ses béquilles.

Je détestais me mêler de ce qui touchait à l'intime des autres, mais parfois, il n'y avais pas d'autre choix. Je devais l'emmener et l'aider au pot de chambre car faire assis lui était douloureux, et dans ces moment là je n'avais qu'une seule envie en plus de m'échapper qui était qu'il retrouve l'équilibre sur ses jambes. Nous avions trouvé un code lorsqu'il ressentait un besoin pressant: il me criait qu'il avait faim. Lorsqu'il avait vraiment faim, il se déplaçait en béquilles jusqu'à la cuisine. Les premiers jours de son retour à la maison, c'était pour lui un supplice d'ainsi se faire aider. A force de trouver des solutions pour rendre cela moins honteux, et de discussion, il avait fini par s'y faire. Il pouvait s'estimer heureux ici car à l'école, m'avait t-il confié, il était contraint de se débrouiller seul dans le jardin et cela n'était pas une mince affaire, surtout quand tout le monde se mettait à le chercher quand il essayait de faire tout ça préservé du regard des autres.

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