Chapitre 46C: Amand

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Pour Malou et Armand, c'était plus compliqué. Ils avaient passé une nuit dans le lit avec leur fils, qui, a cause de la chaleur, n'avait pas beaucoup dormi, et ils étaient épuisés. C'est finalement vers neuf heures et après un déjeuner expédié que nous partîmes, et Armand me paya la chambre avec beaucoup de gentillesse. Le trajet durait quatre heures trente, et le soleil frappait déjà fort. Bernard, propre, réclama plusieurs fois que l'on s'arrête pour faire ses besoins au bord de la route. Sa mère, craignant un accident non maîtrisé, le descendait à chaque fois après que Armand ait fait signe au cocher de s'arrêter, et elle le conduisait à l'écart.

Jeune, souvent, il ne s'agissait que de fausses alertes. Nous arrivâmes finalement vers quatorze heures chez Auguste et Alice. Il faisait une chaleur étouffante sur Rouen, et le pire était qu'il n'y avait pas un brin de vent pour venir nous rafraîchir. L'extérieur de la maison n'avait pas changé. La vieille tante devait sans doute encore vivre dans le premier logement, si elle n'était pas décédée entre temps. Bernard nous suivait, accroché à la main moite de son père, les cheveux humides de transpiration et réclamant en vain de l'eau. C'est Alice qui venait nous ouvrir, en laissant au passage sortir le chien.

—''Bonjour Marie – Louise. L'embrassa t–elle. Nous vous attendions pour le dîner. Oh... Et lui je suppose que c'est Bernard ?

—''Oui, il a deux ans et un petit frère depuis le six mars.

—''Félicitations à vous deux. Bonjour Louise. Me baisait t-elle les joues.

Nous pénétrâmes dans leur maison. Elle était sombre, mais nous vîmes quand même assis dans le salon, devant la table dressée et décorée, Auguste. Il se levait pour aller nous saluer, en ébouriffant au passage les cheveux de son neveu, qu'il n'avait auparavant encore jamais vu.

—''Maman, veux de l'eau... Réclamait Bernard l'air lasse.

—''Va voir ta tante Alice, elle va t'en donner.

Il alla la voir, mais trop timide, ce fut sa mère qui demanda pour lui. Il la suivit finalement dans la cuisine. Nous nous installâmes à table, bien que l'après – midi soit déjà bien entamée, et Alice, après avoir abreuvé son neveu, apporta le plat d'entrée. Bernard boudait son assiette, sans doute fatigué du trajet et lasse de la chaleur dans cette maison de pierres pourtant préservée. Sa mère décidait donc de l'emmener dormir. Quand Alice l'accompagnait à l'étage, je les suivais pour visiter un peu plus en détails la maison.

—''Suivez – moi. Nous avons trois chambres, dont deux inutilisées.

L'escalier débouchait sur un couloir qui donnait lui – même sur quatre pièces. La première, la chambre conjugale, était fermée à clef, une drôle d'habitude qu'expliquait promptement Alice.

—''C'est pour éviter au chien de rentrer et d'aller mettre ses poils sur le lit. Et puis, je n'aurais pas envie qu’Auguste ne tombe dans les escaliers.

Je pensais un instant à son mari, mais il n'était plus en âge d'être enfermé dans une chambre pour ne pas tomber dans les escaliers. Je lui demandais tout de même.

—''Qui est Auguste ?

—''Notre petit garçon. Il va avoir deux ans le mois prochain.

—''Et bien ? Pourquoi vous ne nous en avez pas parlé?

Sans me répondre, elle accompagna Malou jusqu'à la chambre d’à côté, qui, les volets fermés, me parut sombre, modeste et froide. Pendant que ma nièce déshabillait son fils pour le coucher, elle lui dit, sans même entrer.

—''Je peux mettre quelques bûches dans l'âtre si vous voulez. Si il a froid.

Malou regarda son fils, et elle lui répondit en se tournant vers elle.

— ‘’ Ça ira. Il a déjà assez chaud je pense.

Elle laissa donc l'enfant nu sous les draps, en rassurant Alice sur le fait qu'il soit propre et qu'elle l'ait informé de la présence d'un pot de chambre sous le lit. Nous laissâmes Bernard dormir et nous redescendîmes au salon où Armand discutait avec Auguste, la pipe dans la bouche. Mon neveu ne fumait pas. Comme toutes les fenêtres étaient fermées, l'odeur du tabac stagnait et la fumée se dissipait dans l'air frais.

—''Quel homme fume chez moi ? Demandais t- elle en bas de l'escalier en plissant les yeux de dégoût.

Armand ne posait pas sa pipe pour autant. Alice s'approchait de lui en mettant ses mains sur ses hanches.

—''Dites donc monsieur Corcelles, vous aurais – je permis de polluer l'air de mon intérieur et d'imprégner mes vêtements et mes murs de tabac ?


—''Laisse - le Alice. Va plutôt t'occuper du petit qui pleure. Répliqua Auguste l'air agacé.

—''Je n'entend rien.

—''Moi si, je t'assure.


Elle monta donc à l'étage, alors bien même que je n'avais rien entendu non plus. Dix minutes plus tard, elle redescendait un adorable enfant blond comme le lin dans les bras. Tout juste sorti de son sommeil, il enfouissait ses joues rouges et ses yeux bleus dans la poitrine de sa mère.

Tout le monde avait le regard fixé sur lui, notamment Malou et Armand, qui ne l'avaient encore jamais vu. Alice s'en alla déposer son fils sur les genoux de ma nièce, qui s’attendrit.

—''Bonjour petit Auguste. Il est beau votre fils. Quand est t-il né ? S’adressa t-elle à Alice.

—''Le dix – neuf août 1795. Après deux deuils d'enfants.

—''Toutes mes condoléances. Peut – être pourrions nous aller nous recueillir sur leurs tombes ?

Alice regarda son mari comme pour avoir son avis. Il haussa les épaules. Plus tard dans l'après – midi, une fois que Auguste et Bernard, réveillés, eurent pris leur en – cas, nous allâmes en voiture jusqu'au cimetière, sans Auguste, qui ne voulait plus s'y rendre, et Armand. Nous marchâmes dans les allées du grand cimetière de Rouen, jusqu'à ce que Alice ne s'approche et entre dans un petit caveau, pour y déposer une gerbe de fleurs. On y avait enterré les deux nouveaux – nés, dont le dernier, mort à l'âge de deux jours.

Enfants Meursault

Auguste Louis

4 nov. - 20 nov. 1793

Auguste Charles

1er oct. - 3 oct. 1794

Une petite prière et nous rentrâmes. Après un souper dans le calme, nous repartîmes pour l'hôtel. Le lendemain soir, à Paris, Malou et Armand restaient dans la voiture pendant que je descendais mes quelques affaires. Après de longues embrassades avec ma nièce, je les laissais reprendre la route pour rentrer chez eux.

A la maison, Gustavine buvait son thé, attablée seule dans le salon. Je m’approchais d’elle.

—''Les enfants dorment ?

—''Depuis un bon moment. Tout s'est bien passé ?

—''Oui, j'ai pu voir le fils de Auguste, un adorable blondinet de vingt mois. Nous sommes allés voir ses frères au cimetière hier après – midi.

—''Ah ? Bon, je dois vous dire quelque chose. Voilà, finalement, je ne vais pas me marier. J'ai reçu une lettre comme quoi tout était annulé, car Joseph n'a plus les moyens de payer les noces et que les problèmes administratifs s’accumulent.

—''Donc vous restez – ici ?

—''Oui, jusqu'à nouvel ordre.

Elle m'expliquait qu'elle avait senti le plan foireux dès le départ et qu'elle était soulagée car en y réfléchissant bien, elle l'avait trouvé trop vieux. Voilà qui arrangeait beaucoup de choses, mais pas tout évidemment, car si Gustavine avait accepté ce mariage, c'était notamment parce-qu’elle n'avait plus d'économies à cause du procès contre Étienne et qu'elle voulait de la sécurité pour ses filles.

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